« Brooklyn » de Colin TOIBIN

Informations 

Titre : Brooklyn

Auteur : Colin Tóibín

Éditeur : Le livre de poche

Nombre de pages : 384 pages

Formats et prix : poche 8.90 € / numérique 8.49 €

Date de publication : 28 août 2024

Genre : littérature irlandaise

Résumé

Enniscorthy, Irlande, années 1950. Comme de nombreuses jeunes femmes de son âge, Eilis Lacey ne parvient pas à trouver du travail. Par l’entremise d’un prêtre, on lui propose un emploi en Amérique, à Brooklyn. Poussée par sa famille, Eilis s’exile à contre-cœur. D’abord submergée par le mal du pays, elle goûte ensuite, loin du regard de ceux qui la connaissent depuis toujours, une sensation de liberté proche du bonheur. Puis un drame familial l’oblige à retraverser l’Atlantique. Une fois de retour au pays, Brooklyn se voile de l’irréalité des rêves. Eilis ne sait plus à quel monde elle appartient, quel homme elle aime, quelle vie elle souhaite. Elle voudrait ne pas devoir choisir, ne pas devoir trahir.

Un tableau magistral et sensible du Brooklyn des années 1950. Un roman qu’on lit d’une traite, sur l’exil, l’identité, la rupture avec une communauté. Josyane Savigneau, Le Monde des livres.

Mon avis

Un grand roman sur l’immigration et la famille. Un personnage féminin absolument merveilleux.

« Brooklyn » se déroule au début des années 1950 et raconte l’histoire poignante d’Eilis Lacey, une jeune femme vivant à Enniscorthy, petite ville irlandaise.  Les conditions sont difficiles, le chômage sévit comme partout dans le pays. Beaucoup partent travailler en Angleterre. Rose, la sœur aînée d’Eilis, s’arrange avec un prêtre, le père Flood, pour qu’elle déménage à New York à la recherche de meilleures opportunités de travail. Il y a toute une solidarité familiale qui se créée pour aider et soutenir EIlis dans ce projet. Cela m’a beaucoup impressionné. Rose, notamment, se sacrifie pour Eilis. Le départ de sa jeune sœur va la contraindre à rester en Irlande et à s’occuper de leur mère. Elle ne se mariera probablement jamais.

« Elle avait cru qu’elle garderait toute sa vie, les mêmes amis, les mêmes voisins, les mêmes habitudes, les mêmes itinéraires. »

Nous suivons le périple d’Eilis à bord d’un navire lors de sa traversée de l’Atlantique, puis son installation à Brooklyn. Elle est logée dans une pension de famille tenue par Madame Kehoe. Grâce au père Flood, Eilis trouve un travail de vendeuse dans un grand magasin, et attaque des cours du soir afin d’obtenir un diplôme de comptable.

« Elle savait que Rose s’efforçait de lui trouver un emploi et, maintenant qu’elle étudiait la comptabilité, c’était Rose qui lui payait ses livres de classe. Mais elle savait également qu’il n’y avait pas, du moins pour le moment, du travail à Enniscorthy pour quiconque, quels que soient ses diplômes. »

Tóibín explore les thèmes de l’immigration, de l’identité et de la tension entre devoir et désir personnel avec des nuances remarquables. Les luttes intérieures d’Eilis et la description détaillée des contextes irlandais et américains créent un récit évocateur qui résonne profondément.

Le don de l’auteur est de démontrer à quel point le banal peut être extraordinaire. Il parvient à créer un personnage féminin convaincant et authentique dans Eilis, dès le départ j’étais de son côté. Elle est polie, studieuse et authentique. Elle découvre l’amour avec Tony, un Italo-Américain charmant et éperdument amoureux d’elle. Sa famille colorée contraste violemment avec la famille austère et dispersée d’Eilis. Tony est là en cas de besoin, il ambitionne de bâtir une belle vie avec Eilis.

La représentation des rôles traditionnels et des attentes sociales envers les femmes dans les années 1950, le profond sentiment de nostalgie et de solitude qu’éprouve Eilis à Brooklyn et sa lutte pour concilier sa vie passée en Irlande avec sa nouvelle vie en Amérique, reflètent sa quête d’identité et d’appartenance. Ses relations amoureuses ajoutent à la complexité de son personnage, soulignant ses doutes, ses peurs et ses conflits intérieurs.

La loyauté d’Eilis envers sa famille est pratiquement inébranlable et lorsqu’elle reçoit de mauvaises nouvelles de chez elle, son devoir envers eux l’oblige à quitter Brooklyn et y laisser Tony. Mais Eilis reviendra-t-elle ? Elle se retrouve prise entre deux mondes, incertaine presque jusqu’à la dernière page du roman.

Ce nouveau monde captive et fascine, mais paradoxalement, le retour à Enniscorthy est une révélation pour Eilis. L’Irlande est devenue son Amérique. Il y a une belle complexité dans tout cela. Avec son aplomb new yorkais et sa toute nouvelle assurance, elle détonne. Eilis est un personnage que j’ai adoré et admiré. Elle a dû se plier aux décisions familiales et quitter son pays pour l’inconnu. Son courage et sa détermination m’ont touchée. Elle ne s’est jamais plainte, elle a toujours fait face, pourtant la lutte pour s’adapter a été rude.

La plume de l’auteur est fluide, facile à lire. Il aborde l’un des thèmes marquants de son pays : la longue et difficile histoire de l’émigration irlandaise. Pendant une grande partie de l’histoire de l’État irlandais, l’émigration fut une honte nationale, un sujet qu’il était difficile d’aborder. « Brooklyn » a la particularité de raconter l’histoire du point de vue de l’immigrant.

Tóibín décrit minutieusement les impressions de son héroïne, j’avoue que cela encombre son style et peut agacer le lecteur. Me concernant, cela ne m’a pas du tout gênée, bien au contraire ! J’ai adoré découvrir ce New York tellement irlandais à travers les yeux d’Eilis, mais aussi partager le monde intérieur de la jeune femme. Elle aime décrire, réfléchir, raconter. Les espaces clés de « Brooklyn » sont la maison de Mme Kehoe, l’atelier de Bartocci et les salles de classe du Brooklyn College. Bien que le roman ait une portée transatlantique, son champ d’action reste étroit.

Les descriptions de la vie new yorkaise sont intéressantes, j’ai beaucoup apprécié cette immersion, comprendre les mentalités des gens installés là-bas, Brooklyn se révélant être un petit village, la communauté irlandaise se réunissant régulièrement. On découvre aussi l’Italie, par le biais de Tony. La ségrégation raciale s’efface peu à peu, on a l’occasion de s’en apercevoir lorsque des clientes de couleur commencent à fréquenter le magasin où travaille Eilis. Un melting-pot multiculturel, tellement symbolique des États-Unis.

J’ai été frustrée par la fin, mais je ne savais pas qu’il y avait une suite, ouf !

« En janvier, Eilis subit chaque jour le froid intense quand elle partait au travail le matin. Elle avait beau marcher aussi vite qu’elle le pouvait, le temps d’arriver chez Bartocci elle avait les pieds gelés, même après qu’elle se fut acheté de grosses chaussettes. Tous les passants étaient emmitouflés, manteaux d’hiver, écharpes, chapeaux, gants, bottes, châles, cache-col, comme s’ils avaient peur de se montrer. Certains se couvraient même la bouche et le nez. »

Je vous recommande ce roman qui est touchant et passionnant. A noter que la suite, « Long Island », vient de sortir chez Grasset, je vais le lire courant septembre. J’ai tellement hâte de retrouver Eilis, elle me manque depuis que j’ai refermé « Brooklyn ».

Je remercie NetGalley et le livre de poche pour cette lecture.

« Peu importe sa décision, il n’y avait aucun moyen d’éviter les conséquences de ce qu’elle avait fait, ou de ce qu’elle s’apprêtait peut-être à faire à présent. »

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En bref…

Ce qui m’a poussé à ouvrir ce livre : vous connaissez mon amour inconditionnel pour New-York. La lecture du titre m’a enveloppée d’une envie irrépressible de me plonger dans un roman se déroulant là-bas.

Auteur connu : Je ne connaissais pas du tout Tóibín. Une superbe découverte !  Il a une bonne vingtaine de livres à son actif. 

Émotions ressenties lors de la lecture : passion, espoir, admiration, anxiété, joie, envie. 

Ce que j’ai moins aimé : RAS

Les plus : le contexte, la plume, les personnages, surtout Eilis. La thématique abordée, les descriptions, le côté « banal » de cette histoire.

Si je suis une âme sensible : RAS

Une réflexion sur “« Brooklyn » de Colin TOIBIN

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