Informations
Titre : La relieuse d’Oxford
Auteur : Pip Williams
Éditeur : Fleuve
Nombre de pages : 464 pages
Formats et prix : broché 22.90 € / numérique 13.99 €
Date de publication : 26 septembre 2024
Genre : roman historique
Résumé
Oxford, 1914. Peggy est relieuse aux Presses de l’université. Alors que la guerre vide le pays de ses hommes valides, l’avenir de l’Angleterre repose en grande partie sur le travail des femmes. Ambitieuse, Peggy commence à entrevoir la possibilité d’un autre destin. L’arrivée de réfugiés belges dans la petite communauté bouleverse alors son quotidien.
Mon avis
Une riche exploration de la vie, des relations et des ambitions d’une femme dans l’Angleterre du début du XXe siècle.
Angleterre, 1914. Peggy est relieuse aux Presses de l’Université, tout comme sa mère, Ma, et sa sœur jumelle, Maude. Nous nous retrouvons dans l’ambiance du précédent roman de l’auteure, « La collectionneuse de mots oubliés ». « La relieuse d’Oxford » n’en est pas une suite à proprement parler, je dirai qu’ils sont complémentaires. Le premier se déroule du côté de la création et de la rédaction d’un dictionnaire, le second est axé côté production d’un livre. Le dictionnaire du premier a été imprimé et relié par les Presses.
A la suite de la mort de sa mère, Peggy a du tirer un trait sur son rêve d’étudier à l’université d’Oxford afin de s’occuper de Maude, née différente (elle ne peut se débrouiller seule, on peut dire qu’elle est neurotypique). Toutes deux vivent modestement sur une péniche et travaillent comme relieuses. Amoureuse des livres, Peggy collectionne les ouvrages rejetés par les Presses et destinés au pilon. Elle les accumule sur leur bateau, prenant plaisir à prendre enfin le temps de lire.
Le processus de reliure et la réalisation d’un livre n’auront plus de secrets pour vous ! J’ai trouvé ces passages terriblement passionnants. L’occasion de découvrir les dessous du métier et de l’organisation du travail, très sexiste : les hommes effectuent le travail visible, noble, gratifiant (ils composent les caractères, font fonctionner les presses et fixent les couvertures), tandis que les femmes plient, assemblent, cousent.
« J’ai approché le livre de mes narines : arôme de cuir propre et parfum d’encre et de colle qui s’estompait déjà. Je ne m’en lassais jamais. C’était l’odeur fraîche d’une nouvelle idée, d’une vieille histoire, d’une rime troublante. Consciente qu’elle mettrait moins d’un mois à s’évanouir, j’inhalais profondément, comme si je pouvais absorber tout ce qui était imprimé sur les pages du livre. »
La Première Guerre Mondiale éclate et la ville devient terre d’accueil pour les Belges. Lotte et Bastiaan viendront enrichir la liste des personnages gravitant autour des sœurs. Peggy se révèle fougueuse, intelligente et motivée. Elle n’accepte pas du tout sa place dans la vie et se retrouve partagée entre l’espoir et le rêve d’être reconnue pour son intelligence et d’être plus qu’une relieuse.
Maude est un personnage féerique, ses doigts toujours occupés à plier même pendant son temps libre, sa conversation est une répétition des phrases des autres. Lotte, une réfugiée belge accablée de chagrin qui les rejoint aux Presses, bouleverse la relation de Peggy et de Maude.
Peggy se porte volontaire pour faire la lecture à des soldats blessés. Elle rencontre Gwen, étudiante de la classe supérieure trouvant le monde de Peggy fascinant. Il y a aussi Rosie, dont le fils, Jack, part à la guerre, comme tant d’hommes des Presses. Sans oublier Bastiaan, qui revient de très loin, puisque c’est un soldat grièvement blessé au front.
À travers les yeux et les récits de chaque personnage, une perspective différente du récit est offerte. AU cours de cette guerre sans fin, les femmes ne se contentent pas de jouer le rôle traditionnel d’infirmière ou de mère en deuil, mais participent pleinement à la vie de la société. Certaines sont en première ligne pour s’occuper des soldats blessés, d’autres dirigent les usines.
Pip aborde des thèmes riches, les classes sociales, la place des femmes dans la société, le droit de vote, le handicap. Mais aussi la guerre, que nous suivons de près, grâce notamment aux lettres écrites par Tilda, l’amie de Ma, infirmière du détachement d’aide volontaire (VAD). Tilda ne cache rien de l’horrible réalité de la vie dans un hôpital de campagne. En arrière-plan, une autre bataille se déroule : celle pour les droits des femmes et le droit de vote. Cela laisse Peggy assez amère. De part sa condition sociale, il y a très peu de chance qu’elle obtienne un jour le droit de voter.
Pip a la capacité à capturer les histoires des femmes à travers l’Histoire. Elle nous montre comment la Première Guerre Mondiale a transformé la vie des femmes. Bien que « La relieuse d’Oxford » soit une œuvre de fiction, il est impeccablement documenté et s’appuie sur la réalité historique, ce qui en fait une très belle expérience littéraire.
L’intrigue est relativement lente mais bigrement réaliste et, surtout, toujours convaincante. La plume de Pip est fluide, descriptive, riche.
Je vous recommande la lecture de « La relieuse d’Oxford » si vous vous intéressez à la genèse d’un livre, bien sûr, mais également à la socio-économie de la Première Guerre mondiale et à son traitement des femmes.
« «J’ai l’impression que cet exemplaire a été fort mal traité.» Elle m’a montré une page où quelqu’un avait écrit dans la marge. «Les gens qui lisent les livres ne pensent pas toujours aux efforts nécessaires pour les relier ni au coût que peut représenter leur remplacement.» »
Je remercie NetGalley et les Éditions Fleuve pour cette lecture.
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En bref…
Ce qui m’a poussé à ouvrir ce livre : l’auteure ! J’avais tellement apprécié « La collectionneuse de mots oubliés » qu’il était évident pour moi de lire « La relieuse d’Oxford ». Et le titre nous promettait un nouveau voyage dans le monde des livres.
Auteur connu : retrouvez ma chronique de « La collectionneuse de mots oubliés » , le précédent roman de Pip.
Émotions ressenties lors de la lecture : empathie, admiration, indignation, tristesse, colère, espoir.
Ce que j’ai moins aimé : RAS
Les plus : les personnages, le lien avec « La collectionneuse de mots oubliés », l’époque, la richesse de la documentation, les dessous de la fabrication d’un livre, la fin.
Si je suis une âme sensible : quelques scènes de blessures de guerre, mais ce n’est pas un obstacle majeur.

Une réflexion sur “« La relieuse d’Oxford » de Pip WILLIAMS”