Informations
Titre : L’affaire Alice Crimmins
Auteur : Anaïs Renevier
Éditeur : 10-18
Nombre de pages : 208 pages
Formats et prix : poche 8 € / numérique 7.99 €
Date de publication : 2 mars 2023
Genre : true crime
Résumé
New York : été 1965, deux enfants disparus, une mère forcément coupable : un true crime glaçant, en partenariat avec Society
Un été caniculaire 1965, dans les grands ensembles du Queens, deux jeunes enfants disparaissent. Ils seront retrouvés assassinés quelques jours plus tard, et à quelques jours de distance, dans des terrains vagues.
Aucun indice, aucune preuve. Pourtant, les enquêteurs, catholiques et irlandais en majorité, orientent rapidement leurs pistes autour de la mère des enfants, Alice Crimmins, récemment séparée de leur père.
Pourquoi elle ? Ses principaux torts semblent résider dans le fait qu’elle soit séparée, qu’elle multiplie les amants et ne semble pas assez triste.
Un New York scorsésien, une histoire de mœurs et de justice patriarcale et un mystère : aujourd’hui encore, on ne sait pas qui a commis les meurtres.
La personnalité très complexe d’Alice Crimmins nous conduit tout autant du côté des personnalités politiques américaines des années 1960 que de la mafia new yorkaise.
Après deux procès particulièrement tortueux en 1968 et 1971, Alice Crimmins est condamnée et incarcérée.
Elle est libérée en 1977, elle refait rapidement sa vie sous un autre nom et elle s’évapore.
La journaliste Anaïs Renevier part sur ses traces et raconte à travers elle une époque, une famille et une femme qui échappent toutes aux archétypes. Comprendre cette affaire, c’est éviter le manichéisme tout en le frôlant. C’est aussi lire le récit d’une intense chasse à la sorcière qui déchira en son temps tout le pays.
Mon avis
Connaissez-vous Alice Crimmins ? Que la réponse soit positive ou négative, n’hésitez pas à vous plonger dans le livre-enquête d’Anaïs Renevier. Une exploration passionnante des rouages sociaux, moraux et judiciaires de l’Amérique des années 60.
« L’affaire Alice Crimmins » fait partie de la collection « True Crime » chez 10-18. En partenariat avec le magazine Society, le but de cette série est de nous faire découvrir une affaire criminelle par état américain. Dans le roman qui nous intéresse, nous sommes dans l’État de New York.
Penchons-nous donc sur cette affaire, plutôt méconnue en France.
14 juillet 1965, quartier du Queens, New-York. Une nouvelle journée commence pour Alice, qui la débute avec son rituel : s’habiller et se maquiller, avant de retrouver ses enfants, Missy, 4 ans, et Eddie Junior, 5 ans. La petite famille vit dans un trois-pièces au rez-de-chaussée d’un immeuble du quartier populaire de Kew Gardens Hills. Ce jour-là, Alice trouve l’appartement étonnamment calme. Et pour cause : les enfants ont disparus.
« Kew Gardens Hills est à mi-chemin entre la frénésie urbaine et la banlieue pavillonnaire. Un endroit où patienter, entre le nouvel enfant et la promotion, avant de pouvoir s’offrir un peu du rêve américain – une maison avec un bout de pelouse bien à soi. »
L’alerte est donnée, les corps sont retrouvés quelques jours plus tard, l’enquête se déroule sous les yeux du lecteur.
Très vite, les soupçons se tournent vers Alice. En effet, elle est séparée du père des enfants et mène une vie dissolue, entre les sorties pour faire la fête et ses nombreux amants. Sa personnalité interroge et choque beaucoup la société américaine des années 60.
Cette femme devient très vite du pain bénit pour les journalistes qui vont en faire leur cible principale, dévoilant des détails sordides (Alice enfermerait ses enfants dans leur chambre pour pouvoir rejoindre ses amants), et n’hésitant pas à détailler sa « moralité de hamster ».
« La personnalité ambigüe d’Alice Crimmins et les zones d’ombres dans son récit ont toujours laissé la place au doute. Même dans l’esprit de ceux qui prennent son parti, une question lancinante vient parfois bousculer les certitudes : « Et si c’était elle ? » »
L’enquête patine, on se rend vite compte que la police est plus occupée à chercher des preuves incriminant Alice, plutôt qu’à se focaliser sur le meurtre des enfants. Une affaire courue d’avance, malheureusement. Les conclusions ont été prises dès les premiers jours et jamais les enquêteurs ne sont revenus dessus. Pour eux, Alice était coupable, point barre.
Le travail de recherches effectué par Anaïs a du être considérable. Elle a retrouvé des protagonistes de l’affaire, et outre l’affaire, elle nous propose (et c’est là que c’est fascinant) une vision globale de l’Amérique puritaine des années 60.
A cette époque, les mères de famille étaient censées incarner certaines vertus : modestie, fidélité et dévotion maternelle. Alice ne correspondait pas du tout à cette image. Sa vie était jugée scandaleuse, incompatible avec le rôle de mère. Les enquêteurs et les médias, totalement influencés par cette perception, ont transformé Alice en figure diabolisée. Son apparence toujours soignée, ses vêtements élégants, son comportement distant pendant l’enquête ont été utilisés contre elle, l’accusant d’être insensible et froide. Non conforme aux normes, Alice est devenue une sorte de sorcière moderne. Elle était rousse en plus…
« Si elle avait été courtaude, d’âge mûr, ou qu’elle avait eu un physique ingrat, aucun de ces détails n’aurait eu cette importance. Mais Alice Crimmins était jeune. Elle était rousse. Elle travaillait dans un bar à cocktails. Elle était séduisante. Elle avait de nombreuses liaisons. Toutes les poursuites judiciaires ont été conduites avec un regard lubrique. »
Quant au procès, il a pris l’allure de procès moral plutôt qu’un jugement basé uniquement sur des faits. Il est une illustration frappante des mécanismes de contrôle social, une chasse aux sorcières où la justice sert à réaffirmer des valeurs conservatrices en réprimant ceux qui les défient.
L’affaire Alice Crimmins est un reflet puissant des tensions sociales et culturelles de l’Amérique des années 60. Dans ce livre, Anaïs a réussi à démontrer comment cette affaire incarne les contradictions d’une société en transition, déchirée entre ses valeurs conservatrices et un désir de liberté individuelle. Ce livre se lit vite, la plume d’Anaïs est factuelle, limpide, journalistique (normal, lol).
Elle pointe l’influence des médias sensationnalistes. Alice était scrutée non seulement par la justice, mais aussi par le public, grâce à ses médias.
J’ai beaucoup apprécié cette lecture, car elle m’a permis de mieux comprendre comment la justice peut être altérée par des facteurs extérieurs, comme la pression médiatique ou encore les attentes morales de la société. On peut s’interroger sur l’équité des procès et sur la présomption d’innocence.
Cette lecture apporte indéniablement un éclairage édifiant sur la condition des femmes dans les années 60. Témoin du changement social, l’affaire Crimmins permet de comparer cette époque à la nôtre et définir là où des progrès restent encore à faire.
Par contre, n’attendez pas la résolution de cette affaire. Alice Crimmins a été jugée coupable, certes, mais le doute subsiste et ce n’est pas Anaïs qui va le lever. Coupable, ou non coupable ? Le mystère reste entier et cette affaire n’aura probablement jamais de conclusion. Même si je le savais pertinemment, j’ai été frustrée par ce point.
J’ai beaucoup aimé le dernier tiers du livre, où Anaïs se met en quête de savoir ce qu’est devenu Alice. Absolument passionnant. Je dois bien avouer que j’ai ressenti énormément d’empathie pour Alice. La façon dont sa vie privée a été exposée et utilisée contre elle, la traque dont elle a été victime, tout cela m’a touchée. Le comportement des médias et de la police m’a indignée. Je n’ai pas pu m’empêcher de me questionner sur le déroulement de cette affaire si le suspect avait été le père des enfants….
Je vous conseille cette lecture si vous avez envie d’un résumé complet de cette affaire criminelle complexe, avec des développements à la fois historiques, judiciaires et sociaux. Pour ma part, cette découverte aura été une belle expérience, puissante et riche en émotions.
« A une époque où les femmes commençaient à réaliser à quel point elles étaient oppressées, le procès d’Alice Criminels touchait au nœud du problème : le rôle de la mère et son contrôle. »
Je remercie Editis et les Éditions 10-18 pour cette lecture.
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En bref…
Ce qui m’a poussé à ouvrir ce livre : j’apprécie lire des true crime de temps en temps. Je ne connaissais pas cette affaire, c’était l’occasion rêvée de la découvrir.
Auteur connu : Anaïs est journaliste et auteur de deux enquêtes dans la collection « Society » de 10-18. Outre Alice Crimmins, elle s’est penchée sur la disparue de la réserve Blackfeet.
Émotions ressenties lors de la lecture : empathie, tristesse, fascination, colère, indignation, frustration.
Ce que j’ai moins aimé : RAS
Les plus : la rapidité de lecture, le côté factuel et journalistique, le travail de recherches, les extensions du récit s’élargissant en une étude de la société américaine, le dernier tiers.
Si je suis une âme sensible : pas grand chose. La découverte des corps, peut-être, et encore.
