« La petite bonne » de Bérénice PICHAT

Informations 

Titre : La petite bonne

Auteur : Bérénice Pichat

Éditeur : Les Avrils

Nombre de pages : 272 pages

Formats et prix : broché  21.10 € / numérique 14.99 €

Date de publication : 21 août 2024

Genre : littérature générale

Résumé

Domestique au service des bourgeois, elle est travailleuse, courageuse, dévouée. Mais ce week-end-là, elle redoute de se rendre chez les Daniel. Exceptionnellement, Madame a accepté d’aller prendre l’air à la campagne. Alors la petite bonne devra rester seule avec Monsieur, un ancien pianiste accablé d’amertume, gueule cassée de la bataille de la Somme. Il faudra cohabiter, le laver, le nourrir. Mais Monsieur a un autre projet en tête. Un plan irrévocable, sidérant. Et si elle acceptait ? Et si elle le défiait ? Et s’ils se surprenaient ?

Mon avis

📚RENTRÉE LITTÉRAIRE 2024📚 

❤️ Alerte au coup de cœur !❤️

Dans les années trente, dans une société encore profondément marquée par la Première Guerre Mondiale, une petite bonne partage son quotidien avec le lecteur.

Ce roman est une vraie pépite. La petite bonne (dont on ignore le prénom) est au service d’Alexandrine et de Blaise. Un couple atypique. Monsieur est une gueule cassée, revenu de la guerre 14-18 atrocement mutilé. Il a besoin de soins constants, prodigués par sa femme depuis presque 20 ans. Madame aspire à retrouver un peu de légèreté et une vie normale. Grâce à la petite bonne, elle s’autorise à s’échapper quelques heures d’abord, puis un week end entier loin du foyer et de ses contraintes. 

« Leur mariage est vite devenu un simulacre. Alexandrine est entrée en religion. Jamais elle n’aurait d’enfant à elle, de famille. Tant que Blaise vivrait, il serait son époux légalement, son enfant au quotidien, son sacerdoce en réalité. Jamais plus il ne serait un homme pour elle, ni elle une femme pour lui. »

Parlons de la construction : elle alterne proses et vers libres, avec alignement à gauche ou à droite, chaque forme portant une voix distincte : Alexandrine, ce sont les paragraphes ; les vers libres avec alignement à gauche portent la voix de la bonne ou de Blaise ; ceux de droite traduisent les émotions d’une tierce personne.

Cette construction apporte des dimensions uniques au récit. Bérénice joue avec le rythme et les sonorités, permettant d’enrichir l’expérience de lecture. J’ai trouvé que cela rendait les émotions et les impressions plus intenses. Les vers libres permettent d’aller à l’essentiel avec des phrases courtes et percutantes. Bérénice s’affranchit de longues descriptions et de ponctuation. Elle traduit efficacement les états d’âme, les émotions, les tensions des personnages. J’avais l’impression de plonger directement dans le personnage concerné par les vers. Je me sentais au plus proche de la petite bonne, non, en fait, J’ETAIS la petite bonne. J’ai trouvé que Bérénice réussissait parfaitement à faire ressentir la profondeur de certains instants.

Et esthétiquement parlant, cette rédaction attire différemment l’attention du lecteur, marque une rupture dans le récit et accentue les passages clés. Introduire des vers libres casse totalement la monotonie du récit, offrant une belle intensité et un contraste saisissant avec la narration classique.

Autre particularité de « La petite bonne » : le huis clos. L’histoire se déroule presque entièrement dans l’espace confiné de la maison d’Alexandrine et de Blaise. Un cadre limité géographiquement et psychologiquement, ce qui permet de concentrer l’attention sur les interactions entre les personnages et d’approfondir leur relation bien plus complexe que celle d’un patron et de son employée.

Grâce à ce cadre resserré, la psychologie des personnages est creusée de manière subtile, le lecteur peut ressentir chaque inconfort, chaque frustration, chaque émotion. La condition de Blaise permet au lecteur de s’interroger sur la dignité, l’apparence, la valeur de l’être humain en tant que tel, malgré ses blessures et ses cicatrices. Alexandrine symbolise l’amour inconditionnel. Elle a tout sacrifié pour Blaise, elle s’est imposé ce poids qui devient chaque jour trop lourd à porter. Renonçant à la maternité, elle vit dans une profonde solitude. J’ai beaucoup admiré Alexandrine et son abnégation. La bonne, fraîche et insouciante, apporte de la lumière dans cette maison. Elle aussi est un personnage complexe, car, sous cette joie toute relative, elle dissimule un quotidien compliqué et un secret qui capte le lecteur.

Blaise vit (enfin survit) dans un isolement et une dépendance totale, qui sera bouleversé par cette bonne, qui, elle aussi, cache des plaies béantes. Chacun va apprendre à se livrer, à parler, chacun devenant la thérapie de l’autre.

« La musique s’élève

Elle balaye tout avec elle

les mauvais souvenirs

les ignorances

les hontes

Comme avant

il n’y a plus qu’elle qui compte »

« La petite bonne », bien que se déroulant dans les années trente, développe des enjeux encore très actuels : les inégalités sociales, le poids du passé, la résilience et un autre sujet fort que je ne mentionnerais pas pour ne pas vous gâcher le plaisir en spoilant.

La plume de Bérénice est d’une fluidité incroyable. Les mots glissent sur le lecteur, imprégnant ses pores, son cœur, son âme. La musique est très présente, vecteur sensoriel invitant le lecteur à se plonger encore un peu plus dans le récit.

La fin, d’une belle profondeur émotionnelle, est poignante, je pense qu’elle va me hanter longtemps après la fin de cette lecture.

Vous l’aurez compris, ce roman est un concentré d’émotions pures, il m’a touchée au cœur, s’avérant être presque viscéral. Une histoire d’une justesse infinie, terriblement humaine et universelle. J’ai eu un véritable coup de cœur pour cette petite bonne, ralentissant mon rythme de lecture au fur et à mesure que la fin approchait, afin de faire durer le plaisir. Bérénice m’a enveloppée dans un véritable cocon d’émotions, hors du temps et du quotidien. Une bulle de lecture où rien ne comptait, à part les destins de la bonniche et de Monsieur.

Je vous recommande ce roman pour les questionnements pertinents qu’il développe, pour son style innovant et pour les émotions qu’il procure.

« Il en est revenu

c’est vrai

mais quel retour

Quand il se découvre mutilé

il meurt

une deuxième fois

Et ça dure

Et il continue à mourir

Il n’en finit plus d’agoniser

peu à peu

tous les jours

il s’étiole

sans fin »

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En bref…

Ce qui m’a poussé à ouvrir ce livre : le bouche-à-oreille. Les libraires de chez Forum n’ont eu de cesse de recommander cette lecture. Un coup de cœur général pour eux.

Auteur connu : j’ai eu la chance de pouvoir rencontrer Bérénice à la Fête du Livre de Saint-Etienne. La conférence à laquelle elle a participé m’a donné une envie furieuse de lire « La petite bonne ».

bérénice pichat

Bérénice Pichat

Émotions ressenties lors de la lecture : compassion, tendresse, isolement, admiration, nostalgie, espoir, tristesse.

Ce que j’ai moins aimé : RAS

Les plus : la construction, la plume, les thèmes développés, le huis-clos, les personnages, les émotions, la fin.

Si je suis une âme sensible : RAS

7 réflexions sur “« La petite bonne » de Bérénice PICHAT

  1. Bonsoir Sonia, tu me donnes envie de le lire. Je vais le noter. Passes une bonne soirée ainsi qu’à toute ta famille.

    Domi😘😘😘😘💕💕💕💕

    J’aime

  2. Bonjour Sonia,

    pour moi aussi, « La petite bonne » est un coup de cœur. J’ai tellement aimé ce roman que je l’ai lu deux fois tant je voulais m’imprégner de son atmosphère. L’alternance entre les vers libres sans ponctuation aucune et la prose ne pose aucun problème de lecture. Les différents thèmes (qu’il ne faut pas trop dévoiler) sont fascinants et pour certains d’une actualité criante. La fin est un peu énigmatique mais en la lisant, relisant, décortiquant, on finit par la saisir

    Liliane

    Aimé par 1 personne

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