« Les bouchères » de Sophie DEMANGE

Informations 

Titre : Les bouchères

Auteur : Sophie Demange

Éditeur : L’Iconoclaste et Lizzie pour la version audio

Nombre de pages : 300 pages

Formats et prix : broché 20.90 € / numérique 14.99 €  / audio 19.99 €

Date de publication : 23 janvier 2025

Genre : thriller

Résumé

À Rouen, dans ce quartier bourgeois, impossible de manquer la devanture rose des Bouchères. Depuis la rue, on peut entendre l’aiguisage des couteaux, les masses qui cognent la viande et les rires des trois femmes qui tiennent la boutique. Derrière le billot, elles arborent fièrement leurs ongles pailletés et leurs avant-bras musclés. Mais elles seules savent ce qui les lie : une enfance estropiée, une adolescence rageuse et un secret.
Lorsque plusieurs notables du quartier s’évaporent sans laisser de traces, les habitants s’affolent et la police enquête. En quelques semaines, les bouchères deviennent la cible des ragots et des menaces…
Un roman féministe explosif et jubilatoire où chaque page se dévore jusqu’au rebondissement final !

Mon avis

Mon point sur la narration :

Lu par : Rachel Arditi

Durée d’écoute : 5 heures et 07 minutes

J’ai découvert « Les Bouchères » en version audio, et autant dire que cette expérience a décuplé l’intensité du roman. La narration de Rachel Arditi est un véritable atout : elle donne vie aux trois héroïnes avec une justesse remarquable, capturant aussi bien leur force que leur fragilité.

Sa voix épouse à merveille les tonalités du récit, alternant entre la tendresse des moments de complicité, l’humour cinglant des dialogues et la noirceur des passages plus glaçants. Chaque émotion est renforcée par son interprétation : on ressent la rage contenue, le sarcasme mordant et cette tension sous-jacente qui ne cesse de monter.

L’expérience audio accentue aussi l’atmosphère immersive de la boucherie : on entend presque le bruit des couteaux aiguisés, le claquement des masses sur la viande, l’animation du quartier qui bruisse de ragots. Cela donne une dimension viscérale au récit, rendant certaines scènes encore plus marquantes.

Découvrir « Les bouchères » en audio, c’est comme se faire raconter une histoire au creux de l’oreille, mais une histoire qui tranche dans le vif !

 

Mon avis sur le roman :

Un premier roman à la croisée du thriller social et du conte féministe.

Dans le paysage littéraire actuel, certains romans marquent par leur audace et leur singularité. La lecture de « Les bouchères » s’est révélée percutante, immersive et profondément jubilatoire.

À Rouen, la devanture rose bonbon de la boucherie tenue par Stacey, Anne et Michèle attire autant les regards que les ragots. Ces trois femmes, aussi tendres entre elles qu’impitoyables avec les carcasses qu’elles débitent, forment une famille de cœur aussi atypique qu’indestructible. Mais derrière leur rire sonore et leur dextérité à manier la lame, elles cachent un passé ravagé par les hommes qui ont traversé leur vie.

« Ce ne serait plus la boucherie Lueruchet, mais Les Bouchères, elle ne serait pas juste fonctionnelle mais haute en couleur, et il n’y aurait que des femmes, à la rigueur un petit gars employé pour la caisse. Les journaux locaux en parleraient, il n’y avait que très peu de bouchères en France, une femme pour dix hommes tout au plus, les clients viendraient de toute la ville pour voir ça. Leur curiosité serait largement récompensée. La viande y serait vraiment de qualité, bien découpée, finement préparée. »

Victimes d’un patriarcat qui les a tour à tour brisées, trahies ou ignorées, elles ont appris à se relever seules. Chez elles, plus besoin d’hommes pour s’en sortir, bien au contraire, elles se portent bien mieux sans eux.

Sophie orchestre ici une revanche féminine sans compromis. Elle brosse le portrait de ces femmes avec une finesse rare. Elles sont brutes, imparfaites, vibrantes d’une colère contenue qui, au fil du roman, menace d’exploser. Elles ne se contentent pas d’affronter un monde qui ne leur fait pas de place : elles le découpent, le tranchent et le façonnent à leur manière. Loin d’être de simples victimes ou des figures de revanche caricaturales, elles se révèlent dans toute leur complexité, entre entraide indéfectible et désir de justice.

Lorsque plusieurs hommes influents du quartier disparaissent mystérieusement, la boucherie devient la cible des soupçons. Trop bruyantes, trop indépendantes, trop… féminines. Parce qu’une femme qui rit trop fort et ne baisse pas les yeux est toujours suspecte. Très vite, l’odeur du scandale se répand plus vite qu’une carcasse abandonnée en plein soleil.

Le roman bascule alors dans un thriller aussi mordant que jubilatoire, où l’auteure joue habilement avec les codes du polar et du féminisme. À mesure que la tension monte, les accusations fusent et les menaces se précisent. Mais ce que les hommes ne comprennent pas, c’est que ces trois-là ont connu pire. L’histoire a trop longtemps été écrite par ceux qui tiennent la lame. Cette fois, ce sont elles qui coupent court.

Sophie distille indices et rebondissements avec justesse. Chaque chapitre apporte son lot de révélations, mais Sophie ne cède jamais à la facilité. Le suspense est savamment entretenu, jusqu’au final explosif qui renverse les attentes.

Si « Les Bouchères » séduit par son intrigue, il frappe surtout par son propos. Ce roman s’inscrit dans une veine résolument féministe, dénonçant avec férocité les violences faites aux femmes et la manière dont la société cherche à les museler. Ici, ce sont elles qui reprennent le pouvoir, qui façonnent leur propre justice, quitte à franchir des lignes rouges. Mais attention, « Les bouchères »n’est jamais pesant. L’humour caustique est tranchant comme un couteau bien aiguisé. Les dialogues fusent, les répliques claquent, et certaines scènes prennent des allures de comédie macabre réjouissante.

Sophie, avec sa plume incisive, rythmée et teintée d’un humour mordant fait mouche. On rit, on s’indigne, on frissonne. Mais surtout, on savoure cette révolte portée haut et fort, cette libération jubilatoire qui fait de ce roman un véritable cri de rage et d’émancipation.

« Ce n’était pas la douleur des quelques coups ; c’était une souffrance des profondeurs. Comme si elle n’existait plus, qu’elle n’était rien. Elle pensa qu’Arnaud avait raison, qu’elle était une pauvre fille, un déchet. »

Entre deux massacres (au propre comme au figuré), les trois héroïnes offrent de tendres moments de complicité. Leur sororité est le cœur battant du roman, une force vitale qui transcende la simple vengeance. Elles ne sont pas seulement des figures de rage : elles sont vivantes, drôles, touchantes. On s’attache irrémédiablement à ces trois femmes qui, contre toute attente, nous émeuvent autant qu’elles nous fascinent.

Par contre, amis végétariens, passez votre chemin ! Ici, la viande est omniprésente, le sang coule à flots et les morceaux sont découpés sans pitié. Une chose est sûre : après cette lecture, on ne verra plus jamais une boucherie du même œil.

« – Moi je suis née dans le cochon, la saucisse et la grosse bidoche, donc mon envie, c’est de revaloriser la viande comme on aimait la manger dans notre enfance. Les gens font attention, ils n’en mangent plus tous les jours, alors quand on en mange dans la semaine, autant se régaler avec des produits de qualité et du bon gras… Par exemple, j’ai envie de revaloriser le canard, le lapin, le pigeon. L’idée aussi c’est de rapprocher le client de l’animal : toutes les semaines, on va annoncer sur nos affiches ce qu’on a eu comme arrivage. Si on a du porc, eh bien, on leur montrera que dans le porc rien ne se perd ! Même les couilles, ça se mange ! »

Avec ce premier roman percutant, Sophie ne fait pas dans la demi-mesure. Elle tranche net le patriarcat, assaisonne son intrigue d’une bonne dose de révolte et sert un récit aussi saignant que savoureux. Un roman qui fait honneur à ses héroïnes : fort, indomptable et totalement inoubliable. Sophie interroge notre rapport aux normes, aux violences et aux rapports de force, tout en livrant un thriller qui se dévore avec passion.

« Les bouchères » bouscule, dérange, taille dans le vif et se déguste sans modération. À lire… ou à écouter sans hésitation !

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Les bouchères

En bref…

Ce qui m’a poussé à ouvrir ce livre : intriguée par cette belle couverture très girly et par le résumé. La promesse d’un récit jubilatoire, mêlant humour et noirceur, m’a immédiatement attirée… et je n’ai pas été déçue !

Auteur connu : c’est le premier roman de Sophie, j’espère qu’il y en aura d’autres !!

Émotions ressenties lors de la lecture : colère, amusement, empathie, attachement, 

Ce que j’ai moins aimé : RAS

Les plus : l’originalité de l’intrigue, les personnages, l’humour, la plume, les sujets abordés. 

Si je suis une âme sensible : méfiez-vous…déconseillé aux végé et aux âmes trop sensibles.

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