Informations
Titre : Tant qu’il y a de l’amour
Auteur : Sandrine Cohen
Éditeur : J’ai lu et Le Caïman pour le broché
Nombre de pages : 448 pages
Formats et prix : broché 25 € / poche 8.90 €
Date de publication : 23 août 2023 pour la version poche
Genre : roman noir
Résumé
Suzanne vit avec ses quatre enfants de quatre pères différents, Achille, Jules, Arthur et Mathilde qui ont entre 17 et 6 ans. Ils partagent un quotidien tendre et fantasque, à l’image de leur mère. Liés par un amour indéfectible, ils ont surmonté toutes les épreuves, jusqu’à ce jour de novembre 2015 où tout s’écroule.
Leur histoire rejoint alors celle du monde, et leur amour devient leur seule planche de salut. .
Mon avis
Un roman lumineux sur la résilience familiale face à l’effondrement du monde.
Une tribu joyeuse et solaire
Sandrine Cohen nous invite à entrer dans un foyer débordant de vie, d’excentricité et de tendresse. Suzanne est une mère hors norme, fantasque et lumineuse, qui élève seule ses quatre enfants (tous de père différent) avec une liberté de ton et une capacité d’amour inépuisable. Ce portrait d’une maternité non conventionnelle est l’un des grands atouts du roman : loin des clichés, Suzanne incarne une force douce, une résistance quotidienne par la joie et l’inventivité.
Achille, l’aîné, qui s’occupe de ses frères et sœurs lorsque sa mère déprime devant BFM TV, Arthur, Jules et Mathilde, la petite dernière. Chaque enfant a sa personnalité, ses blessures, ses rêves,et tous gravitent autour de cette mère solaire qui, malgré les tempêtes de la vie, a su bâtir un refuge.
On s’attache rapidement à cette tribu un peu bohème, à leurs chamailleries, leurs routines insolites, leurs secrets partagés.
Suzanne : entre lumière et vertige
Mais Suzanne n’est pas qu’une figure exubérante et maternelle. Sous la surface, elle cache des failles profondes, un héritage de souffrances, une solitude lancinante que la fantaisie ne suffit plus toujours à contenir. On devine chez elle une douleur enfouie, un besoin d’amour immense, souvent mal comblé, qui la rend d’autant plus fragile lorsque tout vacille.
« Suzanne est un bonbon. Suzanne est la vie. Quand elle rit, et elle rit souvent, c’est comme si le ciel s’ouvrait. Suzanne éclabousse ceux qu’elle côtoie de sa joie à nulle autre pareille. Pourtant, souvent, Suzanne s’absente, elle disparaît au fond d’un trou, celui de sa cachette, tout à l’intérieur d’elle. Tout à l’intérieur de Suzanne, il y a comme une boîte noire dont elle n’a pas la clé, mais qui contient toutes ses souffrances passées, et les souffrances de sa mère, et celle de sa mère avant elle. »
Une fracture brutale, un virage inattendu
Lorsque la tragédie collective de novembre 2015 s’invite dans leur foyer, c’est comme si le monde extérieur percutait de plein fouet leur bulle familiale. À partir de là, le roman change de ton. Sans jamais perdre son humanité, il devient plus tendu, plus sombre, explorant la désintégration progressive d’un équilibre déjà fragile. Suzanne, face à la violence du monde et à la révélation d’une trahison intime, chancelle. Et avec elle, tout son petit monde menace de s’écrouler.
Sans trop en dire, car je pense que ce livre mérite d’être découvert sans connaître ses coups de théâtre, on peut révéler que les enfants vont être confrontés à l’impensable. Et que leur choix, aussi absurde que poignant, n’est rien d’autre qu’une tentative désespérée de préserver l’unité familiale. Ce qui est à la fois glaçant, bouleversant, et pourtant, d’une grande tendresse.
Cela parle de la force du lien, du besoin viscéral d’aimer et d’être aimé, de l’impossibilité d’abandonner encore.
Une écriture fluide, vivante, sensorielle
La plume de Sandrine est fluide, pleine de chaleur et de pudeur à la fois. Elle réussit à capturer l’essence de ces petits instants de vie, à rendre palpable le tumulte joyeux d’une maison pleine d’enfants, mais aussi les silences, les regards échangés, les douleurs muettes. Elle sait doser les émotions sans jamais trop en faire. Son style, direct et sensible, nous plonge au cœur de l’intime, avec une justesse qui fait mouche.
Une construction littéraire à l’image de Suzanne
Ce qui frappe aussi à la lecture, c’est l’absence totale de découpage : aucun chapitre, aucun repère structurant visible. Ce choix formel, déroutant au premier abord, peut poser quelques difficultés de lecture (notamment pour ceux qui, comme moi, lisent dans les transports et apprécient les pauses naturelles offertes par les chapitres).
Mais en discutant avec Sandrine Cohen, elle m’a confié que cette absence était volontaire et profondément liée à la nature de son personnage : « La vie de Suzanne ne connaît pas d’arrêts, pas de respiration. Elle court, elle déborde, elle se précipite, sans jamais marquer de pause. Son histoire devait se dire d’un seul trait. »
Et c’est vrai qu’en refermant le livre, ce flot continu prend tout son sens.
Un roman sur l’amour… et ses limites
Le titre, « Tant qu’il y a de l’amour », résonne tout au long du récit comme une promesse, un mantra, un rempart contre la douleur. Mais le roman interroge aussi : est-ce que l’amour suffit toujours ? Peut-il tout réparer ? Tout contenir ? Sandrine Cohen ne donne pas de réponse facile. Elle tisse un récit délicat, parfois dérangeant, toujours profondément humain, sur les failles, les silences et la nécessité de croire encore, même quand tout s’effondre. Il y a, dans cette histoire, une leçon de résilience douce et puissante.
« Il n’a plus bougé et il a commencé à frapper Suzanne. Il y a des hommes comme ça. Il ne faut pas leur donner le pouvoir, de l’amour, de la demande, de la dépendance, ils en profitent. »
Musique, voix off et émotion brute
Une des grandes beautés de ce roman, c’est la présence constante de la musique. Paroles de chansons, refrains murmurés, souvenirs qui affleurent au détour d’une mélodie : la bande-son du roman rythme les émotions, prolonge les silences et dit ce que les mots n’osent pas toujours formuler. On sent que pour Suzanne, les chansons sont un refuge, un langage parallèle.
Autre élément marquant : la voix off de l’un des personnages. Un monologue intime et bouleversant, un testament d’amour. Ces passages donnent une épaisseur supplémentaire au récit qui devient brut, sincère et souvent déchirant.
L’amour comme fil conducteur
Malgré la douleur, « Tant qu’il y a de l’amour » reste lumineux. C’est peut-être cela, la plus grande réussite du texte : montrer que l’amour, même cabossé, même fatigué, peut encore tenir lieu d’ancrage. Suzanne et ses enfants ne sont pas indemnes, mais ils avancent, ensemble. Ils résistent par le lien.
« Tant qu’il y a de l’amour » est un roman délicat et vibrant, qui célèbre la force des liens familiaux face à la violence du monde. À travers cette famille unie et décalée, Sandrine propose un regard tendre et profond sur ce qui nous permet de tenir debout : l’amour, dans sa forme la plus brute et la plus belle. Une lecture émouvante, parfois bouleversante, mais toujours porteuse d’espoir.
Un roman comme une veste d’émotion
Dès les premières pages, j’ai senti que ce roman allait me marquer. Il y a des lectures qui nous accompagnent plus qu’on ne les lit. « Tant qu’il y a de l’amour » m’a enveloppée comme une veste un peu trop serrée : une veste faite d’angoisse, de peur, de souvenirs, d’échos très intimes. Car je me suis reconnue dans Suzanne. Dans ses excès d’amour, dans ses absences, dans ses failles. Je crois qu’on a toutes un peu de Suzanne en nous. Ce livre m’a bouleversée, profondément. Il m’a fait réfléchir, m’a touchée dans des endroits que je ne savais pas encore abîmés. Il m’a fait comprendre que moi aussi, j’avais besoin d’amour. De douceur. D’être vue. Il a agi sur moi comme une sorte de psychanalyse littéraire, douce et violente à la fois.
Le seul petit bémol, pour moi, c’est peut-être le dernier tiers du roman : j’ai eu parfois l’impression que c’était « too much ». Trop d’accumulation dramatique, trop d’intensité. Mais peut-être est-ce parce que j’étais déjà tellement imprégnée d’émotions que je n’arrivais plus à tout absorber. Cela ne change rien au fait que cette lecture m’a profondément marquée.
Pour cela, je remercie sincèrement l’auteure.
Un roman bouleversant, musical, audacieux. Un cri d’amour d’une mère à ses enfants, un regard sur les fractures silencieuses et sur la force indestructible du lien. Sandrine Cohen signe un texte atypique, vibrant, dont on ne sort pas indemne, que je vous recommande !
« Elle ne s’habitue pas, au bien comme au mal. Alors, chaque fois, elle tombe des nues et elle prend tout de plein fouet. »
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En bref…
Ce qui m’a poussé à ouvrir ce livre : tout simplement parce que j’aime les romans qui explorent les failles humaines, les liens familiaux, les violences invisibles.
Auteur connu : j’ai rencontré Sandrine aux derniers Quais du Polar, lors d’un speed dating organisé par Lisez ! Un très beau moment.

Émotions ressenties lors de la lecture : angoisse, oppression, peur, tendresse, tristesse et un furieux besoin de réconfort.
Ce que j’ai moins aimé : le côté « too much » du dernier tiers.
Les plus : l’histoire, les personnages, la construction, la réflexion, la plume.
Si je suis une âme sensible : ce livre est une claque. Il est dur et dérangeant. Attention si vous êtes dans une période de fragilité.


Étant dans une période de sensibilité, je vais le mettre de côté et ne pas l’ouvrir.
Peut-être quand ça ira mieux.
Merci pour tes résumés 🙏🙏
Domi
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Coucou Domi.Tu as bien raison. Ce roman est très fort émotionnellement. Il saura t’attendre et tu le liras au bon moment, quand tu te sentiras prête. Merci pour ton message 🖤✨. Passe un bon week end grosses bises.
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