« Les morsures du silence » de Johana GUSTAWSSON

Informations 

Titre : Les morsures du silence

Auteur : Johana Gustawsson 

Éditeur : Calmann-Levy 

Nombre de pages : 320 pages

Formats et prix : broché 20.90 € / numérique 14.99 €

Date de publication : 8 janvier 2025 

Genre : thriller psychologique 

Résumé

Vêtu d’une aube blanche et coiffé de bougies, un adolescent est retrouvé le crâne fracassé sur l’île de Lidingö, qui fait face à Stockholm. Or vingt-trois ans plus tôt, une jeune fille a été découverte assassinée elle aussi, au même endroit, dans le même costume traditionnellement destiné à fêter la Sainte-Lucie. À l’époque, le petit ami de la victime avait été condamné pour ce meurtre qu’il a toujours nié.

Était-il innocent ? Le véritable coupable aurait-il frappé à nouveau ?
Mais pourquoi maintenant ?

Le commissaire Aleksander Storm, avec l’aide inattendue de la policière française Maïa Rehn récemment installée en Suède, va obstinément tenter de démêler les fils de cette énigme. Et mettre au jour un secret enfoui depuis si longtemps qu’il a fait bien des ravages…

Un thriller glaçant et impitoyable où le lecteur devient lui-même l’enquêteur, obsédé par l’envie de résoudre les mystères de cette affaires.

Mon avis

Un adolescent est retrouvé sauvagement assassiné sur l’île suédoise de Lidingö, face à Stockholm. Détail glaçant : il porte le costume traditionnellement porté lors de la fête de la Sainte-Lucie, symbole de lumière dans l’hiver scandinave. Ce meurtre, aussi brutal qu’incompréhensible, fait écho à un autre drame, survenu vingt-trois ans plus tôt, au même endroit, dans les mêmes circonstances. Le coupable a toujours clamé son innocence… Le véritable meurtrier aurait-il récidivé ? Et si oui, pourquoi maintenant ?

Le commissaire Aleksander Storm, flic taciturne mais déterminé, se voit contraint de rouvrir une enquête qui dérange bien des consciences. Pour l’aider, il pourra compter sur Maïa Rehn, policière française installée en Suède, dont le regard neuf et la ténacité vont s’avérer précieux. Ensemble, ils vont se heurter aux silences épais, aux non-dits étouffants et exhumer des secrets que beaucoup auraient préféré laisser ensevelis…

Un roman noir hypnotique et glaçant

Johana nous livre ici un thriller d’une redoutable efficacité. Le lecteur est happé dès les premières pages par l’atmosphère pesante de cette île en apparence paisible, mais gangrenée par les souvenirs et les mensonges. On ressent presque physiquement le froid mordant, le vent qui balaie les rues désertes et la lumière blafarde des jours d’hiver. L’auteure maîtrise à la perfection l’art de l’ambiance et cela participe grandement à l’immersion.

Le rythme est soutenu, l’intrigue parfaitement construite. Chaque pièce du puzzle se met en place lentement, mais sûrement, au fil d’une enquête où l’on avance à tâtons, tout comme les personnages. Johana joue habilement avec les nerfs du lecteur : elle distille les révélations au compte-gouttes, fait naître le doute à chaque page. Résultat : on tourne les pages frénétiquement, incapable de lâcher le livre.

Une construction maîtrisée, un style percutant

La plume de Johana est fluide, directe, efficace. Pas de fioritures inutiles : chaque phrase sert l’intrigue, chaque mot renforce l’ambiance. On est happé par ce texte qui va à l’essentiel, sans jamais perdre en émotion.

La construction du roman est aussi l’un de ses points forts. Les chapitres alternent entre le point de vue d’Aleksander et celui de Maïa. Mais cette alternance n’est pas rigide ni systématique, ce qui évite toute monotonie et donne un rythme naturel et vivant au récit. On navigue ainsi avec fluidité entre les deux personnages, ce qui enrichit l’enquête et la compréhension de leurs motivations.

Des personnages profondément humains

Ce duo d’enquêteurs fonctionne à merveille. Aleks est un homme cabossé par la vie, au caractère bien trempé mais attachant. Quant à Maïa, elle apporte un souffle nouveau dans cette investigation : lucide, intuitive, dotée d’une grande empathie, elle s’impose vite comme un personnage fort et marquant.  Leur complémentarité rend leur collaboration crédible et captivante. Et petit clin d’œil : Maïa partage de nombreux points communs avec Johana, ce qui m’a fait sourire.

Autour d’eux gravitent des personnages secondaires bien campés, souvent ambigus, dont les motivations restent longtemps obscures. Là encore, Johana excelle à brosser des portraits nuancés, évitant le manichéisme.

Une réflexion sur des thématiques profondes et sensibles

Au-delà de l’enquête, ce roman aborde des thématiques lourdes et bouleversantes : le viol, le consentement, le deuil d’un enfant. Le roman s’ouvre sur une scène inaugurale stupéfiante qui glace le sang (n’insistez pas, je ne vous en dirai pas plus !). D’emblée, le ton est donné : on n’échappera pas à la noirceur des drames humains qui irriguent cette histoire.

« Je ne lui ressemble pas pour ça. Je n’ai pas besoin d’une tombe pour retrouver mes morts. Ma fille est partout sauf six pieds sous terre. »

Le silence, celui des familles, des communautés, de la justice parfois, est au cœur du récit. Ce sont ces « morsures du silence » qui dévorent les personnages de l’intérieur, les condamnant à vivre dans le poids du non-dit. Johana interroge aussi avec justesse les failles du système judiciaire, les erreurs de procédure, les préjugés qui peuvent ruiner des vies entières.

Enfin, à travers l’histoire de ses personnages, Johana évoque avec finesse la culpabilité des survivants, le difficile travail de deuil et le combat pour se reconstruire face aux traumatismes.

Un folklore et une culture suédoise subtilement mis en valeur

Un autre atout de ce roman réside dans le soin apporté au décor et à l’ambiance locale. Le folklore suédois est très présent, en particulier autour de la Sainte-Lucie, fête emblématique dont les rituels et le sens profond sont parfaitement intégrés au récit. On en apprend aussi beaucoup sur le mode de vie des suédois, leur rapport à la nature, à la famille, à la société. C’est un vrai plaisir de plonger dans cet univers culturellement riche, décrit avec justesse et sans clichés.

Mon ressenti de lecture

Je l’avoue sans détour : je ne suis pas une grande amatrice de romans se déroulant en Scandinavie. Ces contrées froides, ces ambiances sombres, ces personnages aux noms imprononçables ont tendance à me rebuter. Et pourtant… Johana a, une fois de plus, réussi le pari de me transporter en Suède, de me faire ressentir le vent glacial de Lidingö et de me captiver avec son intrigue.

Même si « Les morsures du silence » n’a pas été un coup de cœur pour moi, j’ai passé un très bon moment de lecture. J’ai particulièrement apprécié la manière dont l’auteure traite des thématiques sensibles et profondes, avec beaucoup de justesse et de retenue. Le suspense est bien dosé et j’ai refermé le livre avec cette satisfaction d’avoir lu un roman intelligent et maîtrisé.

« Et je me demande si ce n’est pas mon silence qui a conduit ma fille au suicide. Je ne peux pas regretter mes actions ou, plutôt, mon inaction, car le regret est vide de sens : on ne ressuscite pas le passé, rien ne sert de perdre du temps et de l’énergie à se lamenter sur ce qui n’a pas été fait. »

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En bref…

Ce qui m’a poussé à ouvrir ce livre : Johana est une auteure que je suis depuis ses débuts. Le résumé de ce nouveau roman m’a tout de suite attirée, avec ce parallèle entre deux meurtres à des décennies d’écart et cette atmosphère suédoise très particulière.

Auteur connu : retrouvez ici toutes les chroniques des romans de Johana. J’ai pu la revoir cette année aux Quais du Polar, où elle m’a dédicacé mon exemplaire des « Morsures du silence ».

Émotions ressenties lors de la lecture : frisson, malaise, curiosité, empathie, tristesse, satisfaction.

Ce que j’ai moins aimé : RAS

Les plus : la maîtrise de l’intrigue et du suspense, l’atmosphère, les personnages, la plume, l’évasion, les thématiques abordées. 

Si je suis une âme sensible : certaines scènes sont violentes et le roman aborde des sujets difficiles. Si vous êtes sensibles à ce type de contenu, vous êtes prévenus.

Une réflexion sur “« Les morsures du silence » de Johana GUSTAWSSON

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