Informations
Titre : Nocturnes : cinq nouvelles de musique au crépuscule
Auteur : Kazuo Ishiguro
Éditeur : Folio
Nombre de pages : 304 pages
Formats et prix : poche 9 € / numérique 8.99 €
Date de publication : 20 octobre 2011
Genre : nouvelles étrangères
Résumé
Des piazzas italiennes aux collines de Malvern, d’un appartement londonien à l’étage feutré d’un hôtel sélect de Hollywood, ce cycle sublime de nouvelles explore l’amour, la musique et le temps qui passe. Les personnages décrits sont des musiciens de rue, des stars déchues et des rêveurs, chacun en quête intime, chacun dans un moment de vérité. Comme le rythme de la musique qu’il évoque, imprégné de thèmes obsédants, le quintette résonne de questions spirituelles et éternelles : le combat humain pour s’éloigner du désenchantement, et pour préserver intact le charme de la vie, même quand les relations s’embourbent et que les espoirs de jeunesse s’émoussent.
Mon avis
Kazuo Ishiguro, prix Nobel de littérature, nous entraîne dans un recueil délicat où la musique sert de fil conducteur à des histoires d’amour, de désenchantement et de temps qui passe. Cinq nouvelles comme les mouvements d’un quintette, chacune jouant sa propre mélodie, parfois douce, parfois mélancolique.
Des musiciens en quête de vérité
Les protagonistes des cinq récits sont tous liés, de près ou de loin, à la musique : un crooner sur le déclin qui confie ses peurs à un musicien de rue (« Crooner »), un couple fissuré qui tente une ultime harmonie (« Advienne que pourra »), un saxophoniste qui, dans les collines de Malvern, voit son avenir vaciller (« Les collines de Malvern »), un guitariste embarqué dans les extravagances hollywoodiennes (« Nocturne »), et un violoncelliste qui cherche désespérément son maître spirituel (« Violoncellistes »).
À travers eux, Ishiguro esquisse les silhouettes de rêveurs, d’âmes mélancoliques et de cœurs cabossés, tous à un carrefour de leur vie.
L’amour en sourdine
Chaque nouvelle explore une facette différente de l’amour : passion fanée, illusions tenaces, désenchantement conjugal ou encore quête d’absolu. La musique, omniprésente, devient le langage secret de ces relations fragiles. Les notes résonnent comme des aveux ou des regrets, souvent plus éloquents que les mots. Chez Ishiguro, l’amour n’est jamais éclatant, il se dit en demi-teintes, comme une mélodie en sourdine qui s’éteint peu à peu.
Le temps qui use et qui transforme
Ce qui frappe dans ce recueil, c’est l’omniprésence du temps. Le temps qui passe, qui émousse les rêves, qui érode les relations. Les personnages oscillent entre nostalgie et résignation, mais Ishiguro laisse entrevoir, par petites touches, la possibilité d’une beauté persistante. Le crépuscule n’est pas seulement déclin : c’est aussi le moment où les ombres s’allongent et où la lumière se fait plus douce.
Une plume feutrée, presque musicale
La force d’Ishiguro réside dans sa capacité à suggérer plus qu’il ne dit. Sa plume, fluide et subtile, avance comme une partition de jazz : des silences éloquents, des motifs répétés, des variations discrètes. On retrouve cette atmosphère à la fois mélancolique et apaisée, typique de son œuvre. Chaque nouvelle se lit comme une pièce musicale à part entière, mais c’est dans leur enchaînement que naît l’harmonie du recueil.
Un quintette littéraire
Pris séparément, certains récits peuvent sembler légers ou anecdotiques. Mais rassemblés, ils composent une œuvre cohérente, unie par des thèmes universels et intemporels. Comme dans une œuvre musicale, ce sont les échos d’une nouvelle à l’autre qui donnent toute sa résonance au recueil.
« Parce que je veux faire quelque chose de très romantique. Je veux lui donner la sérénade. Avec les formes, dans le style vénitien. C’est là que vous intervenez. Vous jouez de la guitare, je chante. »
Les belles harmonies
Ce qui m’a séduite avant tout, c’est la subtilité de l’écriture, feutrée et musicale, qui donne l’impression de lire une partition pleine de silences éloquents. J’ai aimé l’omniprésence du temps, qui use et transforme, mais laisse aussi surgir des éclats de beauté, comme une note tenue au-delà du silence. Enfin, la cohérence de l’ensemble m’a frappée : ces cinq nouvelles, comme les instruments d’un quintette, résonnent mieux ensemble que séparément et trouvent leur véritable force dans l’écho qu’elles se renvoient.
« Non, cette femme, je le voyais, était en proie à une sorte de fureur blanche depuis un bon moment. C’est le genre de colère qui arrive et reste là, à un degré constant, comme une mauvaise migraine, sans jamais tout à fait percer, refusant de trouver un exutoire convenable. »
Les fausses notes
Le rythme lent, presque contemplatif, peut néanmoins dérouter les lecteurs en quête d’action. Certaines histoires, prises isolément, paraissent anecdotiques et exigent de la patience pour révéler leur profondeur. L’atmosphère, globalement mélancolique, peut également sembler pesante si l’on s’attend à une lecture plus lumineuse ou spectaculaire. Je pense que ce n’est pas un livre qui se lit d’une traite : il demande disponibilité et patience pour en savourer pleinement chaque nuance.
Les résonances persistantes
Malgré ces nuances, « Nocturnes » est un recueil qui vibre. Les personnages, avec leurs fragilités et leurs désillusions, laissent une impression durable, comme une mélodie discrète qui revient hanter l’esprit. La musique, omniprésente, agit comme un révélateur d’émotions universelles, et même lorsque les pages se referment, on garde en soi l’écho de ces instants crépusculaires.
Fermer ce livre, c’est comme quitter une salle de concert à la nuit tombée : le silence revient, mais la musique, elle, reste en nous, obsédante et délicate.
« Peux-être ai-je besoin de faire la part des choses, peut-être la vie est-elle beaucoup plus grande que l’amour d’une personne. Il se peut que ce soit vraiment un tournant dans mon existence, et que la cour des grands se profile à l’horizon. »
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En bref…
Ce qui m’a poussé à ouvrir ce livre : c’était l’occasion de découvrir Ishiguro dans un registre plus court que ses grands romans. Et le lien avec la musique m’a attirée immédiatement : un thème universel, qui parle à la fois aux sens et à l’âme.
Auteur connu : je n’avais encore jamais lu cet auteur.
Émotions ressenties lors de la lecture : tristesse, mélancolie, tendresse, empathie, calme, sérénité.
Ce que j’ai moins aimé : RAS
Les plus : le format en nouvelles, la plume, la structure de l’ensemble, l »omniprésence de la musique.
Si je suis une âme sensible : il n’y a pas ici de violence ni de scènes choquantes. En revanche, il faut être prêt à accueillir une atmosphère feutrée, mélancolique, où les rêves se froissent doucement.


Alors là : ta chronique me donne trop envie… Je n’ai jamais lu l’œuvre d’Ishiguro mais je pense que cela va s’arranger avec Nocturnes 🤩Merci à toi pour cette découverte, et hop, dans ma wishlist ✨
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Je suis ravie que ma chronique t’ait donné envie de découvrir Ishiguro. « Nocturnes » est une belle porte d’entrée dans son univers : délicat, feutré, plein de nuances. Hâte d’avoir ton retour quand tu l’auras lu !
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