Informations
Titre : Jules et la créature du lagon
Auteur : Jean-Luc Marcastel
Éditeur : Didier Jeunesse
Nombre de pages : 192 pages
Formats et prix : broché 13.90 € / numérique 9.99 €
Date de publication : 1er octobre 2025
Genre : littérature jeunesse – à partir de 9 ans
Résumé
Paris, 19e siècle. Jules est un orphelin de douze ans, confié aux bons soins de son oncle Archibald, un inventeur de génie. Ce dernier a construit une machine incroyable, croisement entre une automobile et un poisson, capable de naviguer sur la Seine. Une invention qui a toutes les chances de lui faire gagner l’Exposition universelle ! Un soir, ils surprennent une vahiné en train de voler une tiare dans l’un des pavillons. Ni une ni deux, Jules se lance à sa poursuite sur les quais. Mais il se retrouve face à un problème bien plus important : une mystérieuse créature marine s’en prend à eux ! Pour sauver Paris, il va falloir mettre ses préjugés de côté : car la vahiné est en fait une princesse, et elle est prête à tout pour venger son peuple… même à plonger dans la Seine et affronter le monstre qui s’y cache !
Mon avis
Bienvenue dans un Paris du XIXᵉ siècle à la fois familier et délicieusement réinventé. Un Paris industriel, curieux, foisonnant d’inventions et de rêves mécaniques, où l’Exposition universelle sert de toile de fond à une aventure qui mêle roman jeunesse, imaginaire steampunk et questionnements bien plus profonds qu’il n’y paraît au premier abord.
Un héros jeune, mais loin d’être naïf
Jules a douze ans. Il est orphelin, ce qui pourrait n’être qu’un ressort classique du roman jeunesse, mais ici cette absence façonne réellement son regard sur le monde. Élevé par son oncle Archibald, inventeur de génie aussi brillant qu’excentrique, il grandit dans un univers où la science, l’ingéniosité et la curiosité sont des moteurs essentiels. Jules n’est pas un simple spectateur : il observe, questionne, doute. Il se retrouve très vite confronté à des choix moraux qui dépassent largement son âge et c’est là que le personnage devient intéressant.
Son regard évolue au fil du récit, notamment lorsqu’il est forcé de remettre en question ses certitudes, ses peurs et surtout ses préjugés.
« Bref, à douze ans, j’étais un garçon à l’éducation atypique, totalement coupé des enfants de mon âge, et ignorant de la gent féminine qui, pour moi, relevait de quelque monde lointain et vaguement fabuleux. »
Un récit enchâssé entre passé et transmission
Avant même de plonger dans le Paris du XIXᵉ siècle, le roman pose un cadre narratif intéressant : cette histoire nous parvient par l’intermédiaire de Lilou, une fillette de douze ans qui découvre, dans le grenier de la maison familiale, le journal relatant les aventures de Jules. Ce choix n’est pas anodin. Il inscrit immédiatement le récit dans une logique de transmission, de mémoire retrouvée, presque de secret de famille exhumé par hasard.
Cette mise en abyme donne au roman une tonalité particulière. On ne lit pas seulement une aventure, on lit un témoignage, un récit du passé qui continue de résonner dans le présent. Le regard de Lilou, même discret, rappelle que les histoires traversent les générations, qu’elles survivent dans les mots, les carnets oubliés, les greniers pleins de poussière et de souvenirs. Cela renforce l’aspect presque intime du roman et crée un pont subtil entre le jeune lecteur d’aujourd’hui et Jules, enfant d’un autre siècle.
Un imaginaire foisonnant et très visuel
Impossible de ne pas évoquer l’invention d’Archibald : une machine hybride, entre automobile et poisson, capable de naviguer sur la Seine. On est clairement dans un imaginaire steampunk accessible, ludique, mais jamais paresseux. Jean-Luc prend le temps de décrire, de faire ressentir la mécanique, l’ingéniosité. Tout est pensé pour stimuler l’imagination et cela fonctionne parfaitement !
L’univers créé par Jean-Luc ne se limite pas à cette prouesse technologique. Archibald, inventeur aussi génial qu’un brin fantasque, nourrit un rêve presque touchant : celui d’avoir un valet robotique. C’est ainsi qu’est né Maurice, un humanoïde mécanique fabriqué de ses propres mains. Maurice apporte une vraie saveur au récit. À la fois présence rassurante, parfois maladroite, parfois étonnamment humaine, il incarne cette frontière floue entre la machine et l’émotion. D’autant qu’il cache un secret que je vous laisserai découvrir. Sa simple existence questionne la place de la technologie, le rapport à l’humain et cette fascination très XIXᵉ siècle pour le progrès capable de tout résoudre.
La Seine devient un véritable terrain d’aventure, presque un personnage à part entière. Les quais, les pavillons de l’Exposition universelle, les profondeurs du fleuve… tout est très visuel, très cinématographique. On voit le Paris de l’époque se déployer sous nos yeux, avec ses promesses de progrès, mais aussi ses zones d’ombre.
Une aventure qui interroge la peur de l’autre
L’arrivée de la vahiné, Matahina, princesse d’un peuple lointain, marque un tournant dans le récit. D’abord perçue comme une voleuse, puis comme une étrangère inquiétante, elle incarne cette peur de l’inconnu profondément ancrée dans les mentalités. Et lorsque la mystérieuse créature marine entre en scène, le roman bascule dans une tension plus sombre, presque inquiétante par moments, tout en restant parfaitement adaptée à un jeune lectorat.
Ce que j’ai particulièrement apprécié, c’est la manière dont l’auteur déconstruit peu à peu les apparences. Matahina n’est pas celle que l’on croit et derrière l’aventure se cache un discours sur la colonisation, le pillage des cultures, la vengeance née de l’injustice et la nécessité d’écouter l’autre avant de le condamner. Rien n’est asséné lourdement, mais tout est là, en filigrane.
« Vous avez accompli des choses extraordinaires, c’est vrai…Mais, et c’est étonnant, malgré tout le savoir que vous avez accumulé, au fond de vous, vous êtes restés des enfants et vous vous conduisez comme tels, avec la nature, avec les autres, ceux qui sont différents…et avec vous-même. »
Un roman jeunesse… mais pas simpliste
Il est important de le dire : « Jules et la créature du lagon » est un roman jeunesse et il assume pleinement ce statut. La plume est fluide, à la fois accessible et riche, le rythme soutenu, les chapitres courts. Mais jeunesse ne veut pas dire simpliste. Les thématiques abordées sont fortes : le progrès à tout prix, la responsabilité scientifique, la transmission, la différence culturelle, la vengeance face à l’oppression.
Jean-Luc fait confiance à ses jeunes lecteurs. Il ne les prend pas par la main plus que nécessaire et leur propose une aventure qui divertit tout en ouvrant la réflexion.
Mon ressenti de lecture
J’ai été séduite par l’univers, par cette ambiance rétro-inventive et par la sincérité de l’intrigue et du récit. J’ai parfois trouvé que certaines situations se résolvaient un peu vite, notamment dans le dernier tiers du roman, mais cela reste cohérent avec le format et le public visé. En tant qu’adulte, on peut ressentir une légère frustration, mais pour un jeune lecteur, le rythme et l’efficacité narrative sont parfaitement maîtrisés.
C’est un roman qui donne envie d’aventure, mais aussi de curiosité et d’ouverture. Un livre qui rappelle que la peur naît souvent de l’ignorance et que le courage consiste parfois simplement à écouter.
Un mot sur la collection
Publié dans la collection Didier Jeunesse – Mon marque-page +, ce roman bénéficie d’un soin éditorial particulièrement appréciable. Le livre propose un marque-page détachable intégré dans le rabat de la couverture, un détail malin et pratique qui accompagne la lecture et renforce le plaisir de l’objet livre, notamment pour les jeunes lecteurs.
Les illustrations de Cecilia Lapeze viennent compléter l’univers avec justesse. Elles s’intègrent parfaitement à l’ambiance du récit, apportant une touche visuelle élégante et évocatrice sans jamais prendre le pas sur l’imagination. Un bel équilibre entre texte et illustration, qui souligne le travail éditorial de la collection et son attention portée à l’expérience de lecture.

« Jules et la créature du lagon » est un très beau roman d’aventure jeunesse, intelligent et généreux, qui mêle imaginaire, histoire et réflexion sans jamais perdre de vue le plaisir de lecture. Une lecture idéale pour les jeunes lecteurs, mais qui saura aussi parler aux adultes sensibles aux univers steampunk et aux récits porteurs de sens.
Un roman qui prouve, une fois encore, que la littérature jeunesse peut être riche, engagée et profondément humaine.
« C’est votre cupidité et votre ignorance qui ont causé le réveil de Daghulhu. Et cet orgueil qui vous fait croire que vous pouvez vous approprier tout ce que recèle ce monde que vous pensez connaître alors que vous ne savez rien ! »
Merci à la Masse Critique Babélio et aux Editions Didier Jeunesse pour cette lecture.
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En bref…
Ce qui m’a poussé à ouvrir ce livre : pour son mélange d’aventure et d’imaginaire, mais aussi pour l’auteur. Jean-Luc Marcastel offre toujours une vraie matière de réflexion, ce qui correspond parfaitement à ce que j’attends de la littérature jeunesse aujourd’hui.
Auteur connu : j’ai rencontré Jean-Luc aux derniers Quais du Polar, sur les conseils avisés de ma copine blogueuse, Ségolène (merci ma belle !!).

Émotions ressenties lors de la lecture : curiosité, envie, angoisse, tendresse, admiration, mélancolie.
Ce que j’ai moins aimé : certaines résolutions un peu rapides, mais rien de bien notable.
Les plus : l’univers, les personnages, les thématiques abordées, le rythme, le côté steampunk, la fin.
Si je suis une âme sensible : RAS

