
Titre : Nos cœurs disparus
Auteur : Celeste Ng
Éditeur : Éditions Sonatine
Nombre de pages : 384 pages
Formats et prix : broché 23.50 € / numérique 16.99 €
Date de publication : 24 août 2023
Genre : littérature étrangère

États-Unis d’Amérique, dans un futur pas si lointain. Le jeune Bird Gardner vit seul avec son père sur un campus universitaire. Depuis quelques années, leur existence est rythmée par des lois liberticides. Le gouvernement a en effet instauré un pacte de préservation des traditions, permettant de considérer tout élément de culture étrangère comme suspect, et potentiellement dangereux pour la société. Les citoyens sont surveillés, les manifestations interdites. Les livres considérés comme séditieux sont retirés des bibliothèques. À commencer par ceux de la mère de Bird, la poétesse Margaret Miu, disparue mystérieusement trois ans plus tôt. Le jeune garçon a appris à se désintéresser d’elle, à ne poser aucune question sous peine d’attirer l’attention des forces de l’ordre. Mais le jour où une lettre arrive, ne contenant qu’un mystérieux dessin, il comprend que c’est sa mère qui lui laisse un indice pour la retrouver. Guidé par un réseau clandestin de bibliothécaires, Bird entreprend alors une quête à la recherche de Margaret qui va le conduire à prendre peu à peu conscience du sort des opprimés et de la nécessité impérieuse de porter leurs voix.

RENTRÉE LITTÉRAIRE 2023
Dans un futur proche, un portrait effrayant de l’Amérique et ses dérives, ainsi qu’une bouleversante histoire mère-fils.
Bird Gardner est un garçon de 12 ans vivant dans un minuscule appartement de Cambridge avec son père, un ancien professeur de linguistique devenu bibliothécaire. Sa mère, une poète sino-américaine du nom de Margaret Miu, a quitté son mari et son fils quand Bird avait 9 ans et n’a eu aucun contact avec eux depuis. Pourquoi ? Personne ne s’est donné la peine de donner des explications au petit garçon.
Bird doit apprendre à vivre avec toutes ses interrogations, tous ses doutes, et surtout, avec l’absence de sa mère. Ses camarades de classe ne se gênent pas pour le mettre à l’écart, accusant sa mère de traitrise. Son père lui a appris qu’être américain d’origine asiatique signifie qu’il doit être vigilant à tout moment. Ce qui implique pour eux de vivre totalement repliés sur eux-même.
Bird va se lier d’amitié avec Sadie. C’est elle qui va lui raconter la vérité : Margaret, fille d’immigrants chinois, a écrit un poème devenu bien malgré elle un hymne de ralliement pour les opposants du PACT (la loi préservant la culture et les traditions américaines).
Le PACT a insufflé aux américains la peur et la suspicion, en particulier pour les personnes d’origine asiatique. Bird commence à comprendre pourquoi sa mère est partie…pour les protéger, lui et son père.
Lorsqu’à 12 ans, Bird reçoit une lettre de sa mère, il se lance dans une odyssée mémorable et pleine de scènes poignantes pour la retrouver.
« Nos cœurs disparus » est un récit édifiant qui transporte le lecteur dans une Amérique trop facile à imaginer. Bien qu’il n’y ait aucun impact d’une quelconque pandémie dans cette version des États-Unis, le parallèle entre l’Amérique du futur de l’autrice et notre réalité actuelle est sans équivoque. Il subsiste de nombreux troubles économiques et politiques. Des pertes d’emplois dévastatrices, des protestations devenues violentes, un malaise général, sans oublier cette mentalité craintive contaminant la vie quotidienne.
L’auteure nous dépeint le racisme, la fragmentation familiale, la transmission, la violence, avec beaucoup d’émotions mais aussi de réalisme. Une mise en garde contre la censure. Les bibliothécaires sont au premier plan de la résistance au PACT, certains livres étant prohibés.
« Un mois plus tard, malgré ça, l’éditeur fermerait boutique, tous ses fichiers effacés. Les bibliothèques, submergée d’appels furieux au sujet du livre de Margaret, commencèrent à le retirer de leurs rayons. Des militants pro-PACT organisèrent un rassemblement dans le centre de Boston, où ils brûlèrent des exemplaires dans un baril d’essence sur le parvis de l’hôtel de ville. »
Les personnages sont plutôt bien campés même s’ils auraient mérités d’être un peu plus étoffés. Bird est authentique, parfois naïf, parfois courageux. Sa mère, Margaret, est un personnage intrigant et aux multiples facettes. Margaret permet à Celeste de rendre un hommage particulièrement beau à la poétesse russe Anna Akhmatova dont l’œuvre a été censurée. Les passages relatant « La Crise », où Margaret a du subvenir à ses besoins tant bien que mal, où elle s’est liée d’amitié avec Domi, étaient vraiment troublants. Un arrière-goût amer de ce qu’avait été notre vie, confinés pour cause de covid.
« Quant à Domi et Margaret, elles étaient devenues coursières. Pédalant à travers la ville, dans des rues à moitié désertes, au milieu du calme troublant d’un Manhattan semi-abandonné. »
Côté construction, pendant une bonne moitié, nous découvrons le récit sous l’angle de vue de Bird, avant de basculer vers le point de vue de Margaret. La plume de Celeste évolue en fonction de cette construction. Atténuée lorsque nous sommes avec Bird, elle s’accélère et se complexifie ensuite. Les chapitres sont courts et accrocheurs.
« Nos cœurs disparus » absorbe les maux de notre société comme une éponge et essore l’humanité dans chaque phrase. Celeste joue avec nos peurs, happe le lecteur, gourmand de connaître le dénouement de cette histoire folle, de l’amour indéfectible entre une mère et son enfant et une culture consumée par la peur. Poignant et troublant.
La fin est à la hauteur du reste. Absolument bouleversante. Même si j’aurai aimé une fin différente, celle choisie par l’auteure colle parfaitement au texte.
Un roman que je ne peux que vous conseiller, qui laisse des traces dans le cœur du lecteur. Qui pousse à la réflexion.
Je remercie NetGalley et les Éditions Sonatine pour cette lecture.
« La mère dont il se souvient cueillait tendrement dans la terre des salades à froufrous, et des légumes ronds et brillants sur leur tige grimpante. Elle laissait les abeilles se poser sur ses doigts, lui beurrait ses tartines, inventait des contes chatoyants dans l’obscurité. Cette mère-ci n’a plus rien à voir, c’est une créature maigre et nerveuse, presque sauvage, avec une expression féroce dans les yeux. »
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Ce qui m’a poussé à ouvrir ce livre : « Nos cœurs disparus » a été un coup de cœur pour ma copine blogueuse Aude (@Audebouquine). Et la lecture du résumé a terminé de me convaincre.
Auteur connu : Céleste est l’auteure de 4 romans, je la découvre ici.
Émotions ressenties lors de la lecture : bouleversée, désorientée, j’ai ressenti également de la tristesse, de la colère, de la résignation, mais aussi de l’espoir et de la joie. Carton plein niveau émotions !
Ce que j’ai moins aimé : pas grand chose !
Les plus : l’univers, l’ambiance, cette relation mère-fils, la plume, la fin.
Si je suis une âme sensible : pas de soucis, vous pouvez y aller.


Très belle chronique sur ce roman sublime. Merci pour le clin d’œil 😉
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Merci à toi surtout ! Un super conseil lecture. Bises
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