« L’envers du monde » de Thomas B. REVERDY

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Titre : L’envers du monde

Auteur : Thomas B. Reverdy

Éditeur : Seuil et Le Point pour la version poche

Nombre de pages : 256 pages pour le poche

Formats et prix : broché 18.30 € / numérique 6.99 € / poche 6.70 €

Date de publication : 19 août 2010 et 20 mars 2014 pour le poche

Genre : littérature générale

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New York, août 2003. Une chaleur suffocante. Ground Zero, le site des attentats du 11 Septembre, vidé de ses décombres, n’est qu’un trou large comme un quartier. Ce n’est plus le World Trade Center depuis deux ans, et ce n’est pas encore la tour de la Liberté, qui n’est qu’un projet d’architectes. Un non-lieu étrange, une absence dans le paysage.  » Le plus petit désert du monde. » Un vendredi à l’aube, on découvre le corps d’un ouvrier arabe sans identité, jeté là, dans un puits de forage. Les cendres sont prêtes à se ranimer. Le commandant O’Malley, qui se charge de l’enquête, porte un costume sombre et ne transpire jamais. De Manhattan à Coney Island, il rencontre, interroge témoins et suspects. Candice, par exemple, la serveuse aux cheveux ambrés comme la bière qu’on brasse à Brooklyn. Ou Pete, l’ancien policier qui fait visiter le chantier aux touristes et qui a eu une altercation avec le mort.la semaine passée. Obèse et raciste avec ça, il ferait un bon coupable. Et puis il y a Simon, l’écrivain français de cette histoire, qui s’interroge sur l’impossible deuil de ces bouts d’existences américaines. Sans jamais lâcher le mouvement de ses personnages, Reverdy y ajoute un luxe descriptif, un sens du détail, un brio et une musicalité qui lui sont personnels. On le sait  » il faudrait une vie pour raconter une vie « .

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Un petit tour à New York deux ans après les attentats du 11 septembre.

Été 2003. Sous une chaleur suffocante, Ground Zero n’est qu’un vaste chantier. La Freedom Tower n’existe que sur plan, et la fragilité des habitants de Manhattan est palpable. La plaie est loin d’être refermée et tout peut basculer en une fraction de seconde. C’est d’ailleurs ce qu’il se passe lorsque le corps d’un ouvrier clandestin et arabe est retrouvé sur le site.

Le commandant O’Malley est chargé de l’enquête. L’occasion pour le lecteur de faire la connaissance de plusieurs personnages ayant vécu et ressenti différemment le 11 septembre. Il y a Candice, serveuse de bar, dont le petit ami travaillait au World Trade Center et n’est jamais revenu. Pete, ancien flic, de service ce jour-là, et Simon, le frenchie fraichement débarqué qui observe tout cela d’un œil extérieur.

« La victime ? Écoutez, commandant, ce type était un musulman, et sûrement un clandestin, pas une victime. Victime, c’est un mot qu’on réserve ici à tous ceux qui sont morts dans les tours. »

« L’envers du monde » est un roman à part. Sur fond d’enquête policière, il nous parle de deuil, de perte, de traumatisme. A travers les personnages proposés par Thomas, le lecteur fait, lui aussi, son deuil. Pete n’est plus flic, aujourd’hui, il est guide touristique sur Ground Zero. Chaque jour, il se retrouve devant ce trou béant, chaque jour il revit ce jour terrifiant, où il était là, couvert de poussière lorsque la tour une s’est effondrée, ne sachant quoi faire ni où aller pour aider. Aider qui ? Aider quoi ? Pete est devenu raciste, que fait donc cet ouvrier musulman en train de prier sur Ground Zero ? Il ne peut qu’être un terroriste.

Candice s’accroche à la vie tant bien que mal. Son cœur s’est arrêté de battre le 11 septembre. Le chapitre où elle nous raconte ce jour terrible restera gravé dans ma mémoire. L’homme de sa vie ne reviendra jamais des Twin. L’émotion se dégageant de ce chapitre est violente, intime.

Simon, quant à lui, a assisté au drame depuis Paris. Passionné par le sujet, il est venu donner des cours à New York, afin d’être au plus près de Ground Zero. Pourtant, il n’est encore jamais venu sur les lieux. Pourquoi ?

Tous sont des survivants. De quel droit ont-ils survécus, eux, et pas les autres ? Pourquoi la vie continue-t-elle pour eux, et pas pour les autres ? Comment se reconstruire ? Comment continuer sa vie ? Ce sont les questions auxquelles Thomas tente de répondre. Tout en nous promenant entre Manhattan, Brooklyn et Coney Island. Histoire de nous apporter un peu d’air, de nous éloigner de la touffeur de Ground Zero.

Car « L’envers du monde » joue beaucoup sur l’ambiance. A Ground Zero, l’atmosphère est déjà lourde de sens, mais Thomas y rajoute la chaleur écrasante du mois d’août. Tout dégouline. De sueur, de regrets, de peur. A Ground Zero, le soleil est accablant. Il n’y a plus l’ombre protectrice et bienfaisante des Twin Towers. Tout se liquéfie et se délite. Les gens, le temps, la pensée, la mémoire.

La plume de Thomas est délicate, posée, efficace. Les chapitres sont courts, le roman est découpé en trois parties donnant la parole à chaque personnage. Comme lors d’une rencontre. Un peu comme dans un groupe de parole, chacun nous raconte son parcours, son rapport avec le 11 septembre, pourquoi il est là, ce qu’il envisage. 

Ce roman est à découvrir absolument si le sujet du 11 septembre vous intéresse. J’ai beaucoup aimé me plonger dans cette atmosphère particulière de Ground Zero. J’ai vu, comme tout le monde, moult reportages télévisés sur la catastrophe. Ici, j’avais l’impression d’être aux côtés des personnages, de vivre tout cela avec eux, il y avait un côté intimiste qui m’a prise aux tripes.

Un roman poignant, un hommage fort aux victimes, mais aussi à ceux qui sont restés en vie.

« A bien des égards, Ground Zero n’existe pas. C’est une fiction. (…). C’est un envers. L’envers de l’attentat, l’envers du monde, de nos vies. C’est la douleur et le mal, la mort, l’absence, l’endroit où les choses que nous connaissons disparaissent en laissant une place vide qui est de la place pour les mots, pour du sens. Une fiction. »

#Lenversdumonde    #ThomasBReverdy    #LePoint

l envers du monde

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Ce qui m’a poussé à ouvrir ce livre : le sujet, bien entendu !

Auteur connu : j’ai rencontré Thomas lors de la dernière Fête du Livre de Saint-Étienne. J’avais découvert sa plume avec « Climax ».

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Émotions ressenties lors de la lecture : j’ai été bouleversée, vidée, écœurée, mélancolique, mais aussi, curieuse et admirative.

Ce que j’ai moins aimé : déjà fini ?

Les plus : le sujet et la manière de le traiter, les personnages, la construction, la plume.

Si je suis une âme sensible : RAS

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2 réflexions sur “« L’envers du monde » de Thomas B. REVERDY

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