« Tiohtiá:ke [Montréal] » de Michel JEAN

Informations 

Titre : Tiohtiá:ke [Montréal]

Auteur : Michel Jean

Éditeur : Seuil

Nombre de pages : 192 pages

Formats et prix : broché 20 € / numérique 14.99 €

Date de publication : 15 septembre 2023

Genre : littérature québécoise

Résumé

Elie Mestenapeo, un jeune Innu de la Côte-Nord, au Québec, a tué son père alcoolique et violent dans une crise de rage.
Il a fait 10 ans de prison.
À sa sortie, rejeté par les siens, il prend la direction de Montréal où il rejoint rapidement une nouvelle communauté : celle des Autochtones SDF, invisibles parmi les invisibles.
Il y rencontre les jumelles innuk Mary et Tracy, Jimmy le Nakota qui distribue des repas chauds au square Cabot, au cœur de la ville, mais aussi Mafia Doc, un vieil itinérant plus ou moins médecin qui refuse de quitter sa tente alors que Montréal plonge dans le froid polaire…
Dans ce roman plein d’humanité, Michel Jean nous raconte le quotidien de ces êtres fracassés, fait d’alcool et de rixes, mais aussi de solidarité, de poésie et d’espoir.

Mon avis

Découvrez la vie des Indiens du Québec, spécialement ceux qui échouent à Montréal.

« Tiohtià:ke » signifie Montréal en langue mohawk. 

Elie, 28 ans, sort de prison, après avoir purgé une peine de dix ans pour le meurtre de son père. Banni de sa communauté innue, il n’a d’autre choix que de rester à Montréal, dans la rue. Car la justice autochtone ne pardonne pas, elle. L’exil est permanent et sans espoir de rédemption. Désemparé, sans rien, Elie tente de se reconstruire et d’intégrer une nouvelle communauté, celle des itinérants autochtones. 

« En ville, la neige et son frère le froid sont des ennemis, des ennemis parfois mortels pour ceux qui vivent dans la rue. Le froid mord les visages, rend tout le corps douloureux. La neige mouille les vêtements, gifle les peaux découvertes. »

Les chapitres sont ultra-courts (deux ou trois pages), la plume de Michel se révèle poétique, descriptive, immersive. Il nous plonge dans le quotidien de ces autochtones itinérants, réalité sociale que la population globale ignore et ne voit pas. Elie va progresser et évoluer grâce à la bienveillance trouvée dans la rue, où tout le monde se serre les coudes, avec le peu de moyens dont ils disposent. Le lecteur fait connaissance de personnages attachants : Mary et Tracy, les deux jumelles Innuk, débarquées à Montréal pour fuir leur milieu familial violent ; Jimmy le Nakota ; Mafia Doc, 70 ans ; Geronimo Le Cri prendra Elie sous son aile, un peu comme un père. Autant de destins contrariés. 

Sans oublier Lisbeth, la fille de Mary, confiée aux services sociaux mais qui a repris contact avec sa mère. Étudiante en médecine, elle apportera une aide plus que précieuse à Elie. Lisbeth est la figure de proue de deux mondes totalement opposés qui se mélangent malgré tout. 

Le lecteur suit tout ce petit monde, ce microcosme rejeté par la société, cette communauté d’autochtones luttant pour survivre, contre le froid, contre les agressions, contre ce pays qui ne veut pas d’eux. Cette solidarité prend aux tripes. Et malgré les nombreuses difficultés, la lumière reste bien présente. 

« Tiohtià:ke » est une ode à l’humanité, écrit avec énormément de finesse, de délicatesse et de retenue. Nul doute que Michel édulcore l’ensemble (en particulier la fin), mais cela est agréable. Une bulle de bonheur dans un monde de brutes, et malgré le sujet, cela ne fait pas de mal ! J’ai beaucoup apprécié cette nuance et cette manière de présenter les chose. Il y a une juste dose de violence, histoire de bien montrer que nous sommes loin d’un monde de Bisounours, mais Michel a mis l’accent sur autre chose : la solidarité et l’union de cette communauté. Marginalisé par les leurs, les autochtones reforment un lien communautaire fort.

La nature tient une belle place dans le récit, le rendant poétique et plus léger. Cette nature, quelquefois sans pitié et souvent merveilleusement belle. 

Grâce à ce roman, le lecteur comprend mieux l’héritage colonial, la discrimination ou encore le poids des traditions. Les facteurs historiques et systémiques à l’origine de cette situation sont développés. Elie n’a pas vécu dans les pensionnats pour autochtones, sorte de centres d’endoctrinement culturel, mais il en subit le traumatisme transgénérationnel. On s’aperçoit également que la collaboration entre les organisations sociales et les autochtones est essentielle pour tenter de trouver des solutions durables. A travers la ville moderne que l’on connaît aujourd’hui, le territoire (et son attachement) est toujours présent et il ne faut pas l’oublier. Une belle prise de conscience pour le lecteur.

Je vous conseille la lecture de « Tiohtià:ke » pour le message et les valeurs qu’il véhicule. Mais aussi pour la découverte d’une problématique que l’on connaît peu, de l’autre côté de l’Atlantique. 

« Un vent d’automne balaie la côte. Le ciel et l’eau s’enlacent et se repoussent sans cesse. L’océan jette des torrents sur la plage et les vagues, rageuses, viennent mourir en crépitant au pied d’épinettes aux troncs durs comme de l’acier. Deux mondes se toisent et se défient depuis la nuit des temps. »

#Tiohtiá:keMontréal   #MichelJean    #Seuil

Michel Jean

En bref…

Ce qui m’a poussé à ouvrir ce livre : lors du 13h pile du mois de mai dernier, ce roman a été présenté par les libraires et j’ai tout de suite eu envie de le découvrir.

Auteur connu : je ne connaissais pas du tout Michel Jean. Il est l’auteur de plus d’une quinzaine de romans. 

Émotions ressenties lors de la lecture : empathie, admiration, envie, espoir, effroi.

Ce que j’ai moins aimé : RAS

Les plus : le sujet, la délicatesse apportée à son développement, les personnages, la beauté de la nature, les valeurs, la plume. 

Si je suis une âme sensible : RAS

6 réflexions sur “« Tiohtiá:ke [Montréal] » de Michel JEAN

  1. Bonjour Sonia. Malheureusement nous retrouvons ces problèmes dans toutes les grandes villes du monde et nous petits humains à part les aider, quand ils le veulent, ne pouvons que leur tendre la main et ne pas les considérer en jugement. Tu m’as donné l’envie, comme d’habitude à lire ce livre. Bon week-end. Domi ta collègue d’Ardèche

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