« Petit pays » de Gaël FAYE

Informations 

Titre : Petit pays

Auteur : Gaël Faye

Éditeur : Grasset et Le Livre de Poche

Nombre de pages : 224 pages

Formats et prix : broché 25 € / poche  7.90 €  / numérique 7.49 € 

Date de publication : 14 août 2016 pour le broché et 23 août 2017 pour le poche

Genre : roman historique

Résumé

Avant, Gabriel faisait les quatre cents coups avec ses copains dans leur coin de paradis. Et puis l’harmonie familiale s’est disloquée en même temps que son « petit pays », le Burundi, ce bout d’Afrique centrale brutalement malmené par l’Histoire.
Plus tard, Gabriel fait revivre un monde à jamais perdu. Les battements de cœur et les souffles coupés, les pensées profondes et les rires déployés, le parfum de citronnelle, les termites les jours d’orage, les jacarandas en fleur… L’enfance, son infinie douceur, ses douleurs qui ne nous quittent jamais.

Mon avis

Le récit poignant d’une enfance brisée.

Années 1990. Notre narrateur, Gabriel, 10 ans, vit au Burundi avec son père, français, et sa mère, rwandaise. Son enfance est heureuse, dans un quartier paisible de Bujumbura, partageant ses journées entre son groupe d’amis, ses escapades en vélo et les manguiers de son jardin. Mais cette innocence est brutalement brisée par les troubles politiques et ethniques qui secouent la région, et par le génocide des Tutsi au Rwanda, qui touche sa propre famille.

« Petit Pays » est avant tout un roman d’apprentissage où Gabriel, en traversant les violences et les désillusions, perd le cocon d’insouciance qui caractérisait sa vie. Le contraste entre la douceur de ses premières années et l’arrivée brutale de la guerre civile, met en lumière la fragilité du bonheur et de l’insouciance. Le lecteur ressent profondément cette transition, guidé par une écriture qui alterne entre la légèreté de l’enfance et la gravité des événements.

« Je pensais être exilé de mon pays. En revenant sur les traces de mon passé, j’ai compris que je l’étais de mon enfance. Ce qui me paraît bien plus cruel encore. »

La vision de Gabriel, candide mais lucide, permet une approche unique des tragédies historiques. Le jeune narrateur n’a pas toujours conscience des enjeux politiques, mais il perçoit leur impact sur son quotidien et sur ses proches, ce qui rend la violence encore plus tangible et cruelle.

Gaël explore également le thème de l’exil, géographique et identitaire. Métis, Gabriel est partagé entre la culture française de son père et l’héritage rwandais de sa mère. Ce tiraillement devient encore plus intense lorsque sa mère est bouleversée par le génocide qui ravage son pays d’origine.

Le récit aborde ainsi la difficulté de trouver sa place dans un monde fragmenté par les différences. Pour Gabriel, le déracinement ne se limite pas au départ physique vers la France, mais également à la perte intérieure de repères et d’appartenance. Ce thème résonne profondément chez Gaël Faye lui-même, ce qui ajoute une dimension autobiographique touchante au roman.

La plume de l’auteur est l’un des points forts du livre. Son écriture, saisissante, empreinte de poésie, peint des tableaux vivants et sensoriels du Burundi. Les descriptions des paysages, des odeurs, des sons et des couleurs plongent le lecteur au cœur du quotidien de Gabriel, rendant palpable la beauté et la chaleur de son petit pays.

Cependant, cette même poésie ne voile pas l’horreur. Lorsqu’il aborde les massacres et la destruction, Gaël reste fidèle à une écriture sensible, mais jamais complaisante. Il trouve un équilibre délicat entre émotion et pudeur, rendant son récit à la fois bouleversant et accessible.

Outre Gabriel, les personnages qui gravitent autour de lui sont également riches et complexes. Son père, un homme pragmatique attaché à la neutralité, incarne un certain optimisme désillusionné face aux divisions ethniques. Sa mère, en revanche, est le miroir de la douleur et de la mémoire, hantée par le Rwanda qu’elle a fui.

« Je n’avais pas d’explications sur la mort des uns et la haine des autres. La guerre, c’était peut-être ça, ne rien comprendre. »

Les amis de Gabriel, Gino, Armand et les autres, ajoutent une dimension collective à l’histoire. À travers leur groupe, le roman montre comment la violence peut fracturer des liens autrefois solides.

Même si certains rebondissements sont prévisibles, cela n’enlève rien à l’impact émotionnel du roman.

« Petit pays » est un roman court, facile à lire. J’aurai aimé plus de pages, ne serait-ce que pour connaître le devenir des personnages secondaires. La nostalgie est omniprésente et à une tendance à alourdir la lecture.

Lire « Petit pays », c’est plonger dans un tourbillon d’émotions contradictoires. J’ai été profondément déstabilisée par la dualité entre l’innocence de l’enfance et l’horreur de la guerre, si magistralement dépeintes par Gaël. La transition entre les deux « parties » du roman m’a particulièrement marquée : l’insouciance d’un quotidien paisible laisse place à une violence inouïe, presque insoutenable. À plusieurs reprises, je me suis imaginée à la place de Gabriel, essayant de comprendre son désarroi, son impuissance face au chaos qui détruit son monde. Cette lecture m’a non seulement émue, mais elle a aussi résonné comme un appel à la mémoire et à la réflexion, me rappelant l’importance de ne jamais oublier les tragédies humaines.

Lorsque Gabriel, une fois adulte, revient sur son passé et ses racines, il offre au lecteur une réflexion universelle sur ce que signifie « appartenir » à un lieu ou à une culture, et sur la façon dont on porte en soi les blessures du passé.

« Petit pays » est une œuvre lumineuse malgré son sujet tragique. Gaël Faye nous offre un regard intime sur des événements marquants de l’histoire africaine, tout en abordant des thèmes universels comme l’identité, la famille et la perte de l’innocence.

Un roman qui secoue et qui reste, longtemps, gravé en soi.

Que vous soyez amateur de récits historiques, d’histoires d’enfance ou simplement de belles écritures, ce livre est un incontournable.

« La guerre, sans qu’on lui demande, se charge toujours de nous trouver un ennemi. Moi qui souhaitais rester neutre, je n’ai pas pu. J’étais né avec cette histoire. Elle coulait en moi. Je lui appartenais. »

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Petit pays

En bref…

Ce qui m’a poussé à ouvrir ce livre : offert par une amie, j’avais envie de découvrir le Burundi et le Rwanda des années 1990, rarement explorés en littérature.

Auteur connu : j’avais entendu parler de Gaël, bien entendu, d’autant qu’il a sorti « Jacaranda » cette année. Mais je ne l’avais encore jamais lu.

Émotions ressenties lors de la lecture : tendresse, nostalgie, colère, empathie. 

Ce que j’ai moins aimé : la nostalgie, un peu trop omniprésente, le switch concernant l’avenir des personnages secondaires.

Les plus : la plume, la thématique, l’authenticité culturelle, la dimension historique.

Si je suis une âme sensible : attention, je pense que certaines descriptions peuvent choquer.

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