« Dur comme fer » de Cécile BAUDIN

Informations 

Titre : Dur comme fer

Auteur : Cécile Baudin

Éditeur : Presses de la Cité

Nombre de pages : 416 pages

Formats et prix : broché 23 € / numérique 13.99 €

Date de publication : 20 mars 2025

Genre : polar historique

Résumé

Dur comme fer explore les méandres des mines au cœur de la Lorraine, où les malédictions poursuivent les hommes jusqu’au plus profond des galeries, les poussant à la révolte et au crime…

1901. Pour fuir la violence d`une famille mafieuse, Nando Russo quitte l’Italie et s’exile en Lorraine. Comme des milliers de ses compatriotes, il devient mineur et apprend à arracher le fer à la montagne. Mais son passé le rattrape et le replonge dans une spirale meurtrière irrépressible.
1913. Antonio Russo arrive à son tour dans la vallée de la Chiers. Huit ans plus tôt, sa mère et lui ont brutalement perdu tout contact avec Nando. Antonio a connaissance du destin tragique qui a frappé son père et des crimes qu’on lui a imputés. Convaincu de son innocence, le jeune homme reprend une enquête biaisée par l’époque troublée. Avec l’aide d’un journaliste et d’une prostituée, il va s’enfoncer dans la mémoire de cette année charnière que fut 1905. Il va creuser dans les faits et les faux-semblants, comme jadis son père dans les filons ferreux et les tunnels obscurs. Mais la vérité est-elle toujours libératrice ?

« Dur comme le fer » et ciselé comme un diamant : le nouveau suspense de l`auteure de « Marques de fabrique ».

Mon avis

Un roman viscéral, profondément ancré dans la terre lorraine et dans la mémoire des hommes.

Cécile Baudin signe avec « Dur comme fer » un roman sombre, puissant et profondément humain, qui m’a bouleversée bien au-delà de son intrigue. Parce qu’il m’a ramenée, page après page, à ma propre histoire. Je suis originaire de Lorraine. Mon père a travaillé à la mine. Et comme Nando, le héros de ce roman, il jouait de l’harmonica (que j’ai conservé après sa mort et qui est visible sur la photo illustrant ma chronique). Autant dire que cette lecture a résonné en moi avec une intensité particulière.

Le roman s’ancre dans deux temporalités fortes :

1901, dans la vallée de la Chiers, au cœur d’une Lorraine industrielle encore marquée par l’arrivée massive de travailleurs italiens. Nando Russo est l’un d’eux. Il fuit une famille mafieuse qui le traque. Comme tant d’autres, il devient mineur. Il apprend à arracher le fer à la montagne. Mais c’est une autre forme de ténèbres qui l’attend sous terre : celles de l’injustice, de la xénophobie et des conditions de travail inhumaines.

Quelques années plus tard, en 1913, son fils, Antonio, débarque à son tour dans la vallée, en quête de vérité. Huit ans ont passé depuis qu’il a perdu le contact avec son père. La rumeur dit que Nando a commis l’irréparable. Mais Antonio, convaincu de son innocence, creuse à son tour, non plus dans la roche, mais dans la mémoire, les secrets, et les silences d’une époque meurtrie. Il n’hésite pas à rouvrir les plaies, à interroger les fantômes du passé, avec l’aide inattendue d’un journaliste idéaliste et d’une prostituée au grand cœur. Lors de son enquête, haletante et désespérée, il va affronter les mêmes murs que son père : ceux du silence, de la peur, du pouvoir et de la fatalité.

Cécile ne se contente pas de bâtir un bon roman noir historique. Elle tisse autour de ses personnages une réflexion sociale et humaine profonde. Voici quelques-unes des thématiques (encore tristement actuelles) qui traversent le roman et qui m’ont particulièrement touchée :

La mémoire des mineurs

C’est peut-être ce qui m’a le plus bouleversée : la manière dont Cécile redonne voix et dignité à ces hommes de l’ombre. On sent qu’elle a travaillé sur des récits oraux, des archives, qu’elle connaît leur quotidien, leur courage, leur silence aussi. À travers Nando et ses compagnons de galerie, on perçoit toute la brutalité d’un travail qui use les corps et les âmes.

« La galerie principale est large, mais au fur et à mesure de leur progression elle se resserre. Les murs sont irréguliers. Nando les touche, par réflexe. La pierre est glacée, très sombre, vaguement humide et grasse. Le Caporal explique qu’ils sont dans une couche noire, très carbonée, à cause des débris organiques de la forêt, au-dessus. »

L’exil et l’identité

Comme de nombreux Italiens au début du XXe siècle, Nando fuit son pays pour une vie qu’il espère meilleure. Mais en Lorraine, il est un étranger, un « macaroni », souvent méprisé, assigné aux tâches les plus dures. Le roman évoque avec justesse ce tiraillement entre deux mondes, cette identité fragmentée, cet espoir d’intégration contrarié par la réalité sociale.

 La filiation et l’héritage

Antonio part à la recherche de son père. Il veut comprendre, éclaircir les zones d’ombre, réhabiliter une mémoire salie. Mais en même temps, il s’interroge sur ce qu’il a hérité : les fautes, les silences, les douleurs… Cette quête intime, à la fois enquête policière et cheminement intérieur, est l’un des cœurs battants du roman.

La justice et le pouvoir

Le roman pose aussi une question essentielle : la vérité est-elle toujours libératrice ? À travers une justice corrompue, des intérêts économiques puissants et des figures d’autorité compromises, Cécile montre la difficulté, parfois l’impossibilité, de faire émerger la lumière. Et cela rend le combat d’Antonio d’autant plus poignant.

La plume de Cécile est ciselée, presque minérale. Elle sait rendre palpable l’odeur de la terre humide, le vacarme des galeries, la sueur sur la peau, la fatigue dans les os. Elle insuffle une âme à ses personnages. 

Il y a, tout au long du roman, une présence musicale presque invisible mais bouleversante : celle de l’harmonica. Nando en joue dans les moments volés à la nuit, comme une bouffée de liberté au fond de l’enfer. L’harmonica, fragile et tenace, devient le symbole d’une humanité que rien ne peut complètement broyer. Même pas la montagne. Une note de beauté dans un monde de poussière. Ce détail m’a bouleversée. Parce qu’il est vrai. Parce qu’il m’appartient un peu.

« Hans sort un des écrins et le pose délicatement entre eux. Il l’ouvre avec emphase. A l’intérieur, un petit objet métallique, en forme d’étui à cigares, brille de mille feux sous la lumière de la lampe. Nando ne dit mot. »

C’est un roman qui m’a happée dès les premières pages. J’y ai retrouvé des bribes de mon histoire familiale, des gestes familiers, des silences que je connais bien.

Je tiens à préciser que l’intrigue policière passe parfois au second plan derrière la dimension sociale et historique (ce qui, personnellement, ne m’a pas dérangée).

« Dur comme fer » n’est pas seulement un excellent roman noir, à l’intrigue solide et à la tension constante. C’est un hommage vibrant à une région, à ses hommes, à leurs luttes, à leurs silences aussi. C’est un livre qui sent la terre, le sang, et l’amour. Pour moi, c’est une lecture-mémoire. Une lecture-cicatrice.

« Car l’acier n’attend pas. Il fond, se transforme, coule et afflue. De petits ruisseaux incandescents en rivière de lave, il inonde les blooomings, les laminoirs et les tôleries. Il irrigue la vallée, la fertilise comme rien avant lui, nourrit les hommes, lève les écoles et les hôpitaux. Puis il se répand partout en France, devient voies ferrées, ponts, tours, cadres de verrières ou lampadaires. Et, au-delà, il forge les armes avec lesquelles, demain, la France retrouvera sa grandeur. »

Je remercie Céline et les Editions Presses de la Cité pour cette lecture.

#Durcommefer   #CécileBaudin   #PressesdelaCité

En bref…

Ce qui m’a poussé à ouvrir ce livre : le résumé a résonné en moi, de part mes origines lorraines et mon père, ancien mineur.

Auteur connu : j’aime beaucoup le travail de Cécile. Retrouvez mes chroniques de  « La constance de la louve » et « Marques de fabrique ».

Émotions ressenties lors de la lecture : colère, tendresse, mélancolie. 

Ce que j’ai moins aimé : RAS

Les plus : l’immersion saisissante dans l’univers des mines lorraines, la construction du récit, les personnages, la plume, les thématiques.

Si je suis une âme sensible : RAS

6 réflexions sur “« Dur comme fer » de Cécile BAUDIN

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