« Noces de neige » de Gaëlle JOSSE

Informations 

Titre : Noces de neige

Auteur : Gaëlle Josse

Éditeur : J’ai lu

Nombre de pages : 122 pages

Formats et prix : poche 6.80 € / numérique 6.49 €

Date de publication : 2 avril 2014 pour la version poche

Genre : littérature générale

Résumé

Irina sait qu’elle a menti. Un peu. Rien de très grave. Mais menti quand même. Certes, elle a bien vingt-six ans. Mais elle n’a jamais travaillé au Grand Café Pouchkine, comme elle l’a écrit à Enzo.
Elles sont des centaines à rêver d’une autre vie. Mais pour Irina, rêver ne suffit pas. De Moscou, le Riviera Express doit la conduire à Nice, jusqu’à Enzo. Elle est prête à saisir sa chance. N’importe quelle chance. Mais sait-on vraiment ce qui nous attend ?
Irina n’a jamais entendu parler d’Anna Alexandrovna, jeune aristocrate russe, ni de son long voyage en train, en sens inverse, de la côte d’Azur à Saint-Pétersbourg, un huis clos où les événements tragiques se succèdent. Qui s’en souvient ?
Un siècle les sépare, et pourtant leurs histoires sont liées à jamais.

Mon avis

Un voyage entre passé et présent

« Noces de neige » est un voyage littéraire à la fois intime et historique, où se mêlent le destin de deux femmes séparées d’un siècle, mais reliées par un fil invisible et puissant. Entre Moscou et la Côte d’Azur, Gaëlle nous entraîne dans un huis clos mouvant et mélancolique, à bord de deux trains qui symbolisent bien plus qu’un simple trajet : une traversée des émotions, des illusions et des vérités enfouies.

Irina, entre mensonge et espoir

2012 : Irina, jeune Moscovite, prend le train pour rejoindre Enzo, un homme rencontré en ligne, sur l’un de ces sites spécialisés. Pour se donner un peu plus de chances, elle a enjolivé la réalité, affirmant avoir travaillé au prestigieux Grand Café Pouchkine. Ce mensonge anodin est le premier pas d’un rêve : partir pour la Côte d’Azur, saisir l’opportunité d’une vie nouvelle, fuir une existence trop étriquée. Son voyage en train vers Nice, à bord du Riviera Express, est bien plus qu’un simple déplacement géographique, c’est une quête de soi, une chance à saisir, avec tout ce que cela implique d’incertitude.

Anna Alexandrovna, une voix oubliée

1881. Anna, jeune aristocrate russe, fait le même trajet, mais en sens inverse. Elle remonte de la Côte d’Azur vers Saint-Pétersbourg. Cette seconde intrigue est  un récit à la fois tragique et poétique où les événements s’enchaînent, révélant un pan méconnu de l’histoire russe, tout en dévoilant les tourments d’une époque révolue.

« J’étais une enfant silencieuse, presque mutique. Jamais je n’avais encore exprimé un souhait, un désir, je n’étais même pas capricieuse, habituée à passer de longues journées solitaires dans la nursery où Mère se gardait bien d’entrer, et dont Père ignorait l’emplacement précis dans le palais. »

Rêves, vérités et souvenirs

Ce roman fait résonner la question du mensonge et de la vérité intime. Pour Irina, son petit embellissement devient le catalyseur d’un changement profond, d’un départ vers une vie rêvée. Il questionne la nature même de la vérité personnelle et des faux-semblants qui accompagnent les grandes transformations. Anna, elle aussi, vit sous le poids d’un mensonge bien plus déstabilisant (je vous laisse le soin de le découvrir en lisant le roman). Mais sachez que ce non-dit bouleverse ses repères et teinte son voyage d’une amertume profonde. Le mensonge, qu’il soit choisi ou subi, façonne les trajectoires de ces deux femmes.

Gaëlle excelle à tisser avec finesse ces deux récits parallèles, faisant dialoguer passé et présent, rêve et réalité, mémoire et oubli. Le train, espace clos et mobile, symbolise cette double temporalité, ce passage constant entre le connu et l’inconnu, la sécurité et le risque.

Une construction calquée sur le rythme du train

La construction du roman épouse le mouvement même du voyage : les chapitres s’enchaînent avec régularité entre le récit d’Irina et celui d’Anna, créant un rythme immuable, presque hypnotique, semblable au roulis du train qui les emporte chacune dans une direction opposée. Cette alternance bien orchestrée donne au texte une fluidité particulière, une respiration constante, comme le balancier du temps qui lie deux destins séparés par un siècle. On passe de l’une à l’autre sans heurt, comme si leurs voix se répondaient à travers les cloisons du passé, unies par une même quête de sens, d’amour ou de rédemption.

Une écriture douce et poétique

La plume de Gaëlle,  reconnaissable entre tous, est d’une sobriété élégante, d’une poésie discrète. Simple et profonde. Elle sait créer une atmosphère immersive, à la fois nostalgique et pleine d’espoir.  Elle capte avec justesse les moindres mouvements de l’âme, entre la description du voyage en train, les paysages traversés, les émotions intérieures des personnages, comme si les émotions étaient inscrites dans le décor lui-même.

Le rythme est maîtrisé, entre moments d’introspection et scènes plus dramatiques, ce qui maintient une tension douce mais constante, propice à la réflexion et à l’émotion.

L’aiguillage final

Sans en dévoiler trop, disons qu’Irina, arrivée au bout de son voyage, prend une décision inattendue, guidée par une impulsion, une intuition, ou peut-être un sursaut de lucidité. Sur le quai la vérité se tord encore un peu plus. La boucle est bouclée et le mensonge, dans toute sa complexité, trouve une résonance finale à la fois douce-amère et profondément humaine.

Mon ressenti de lecture

J’ai beaucoup aimé ce roman, pour de nombreuses raisons. D’abord pour ses deux personnages féminins, forts et fragiles à la fois, profondément humains. Même si je dois avouer que je me suis sentie plus proche d’Irina que d’Anna, sans doute parce que son parcours, plus ancré dans le présent, m’a semblé plus tangible, plus accessible. Son besoin d’évasion, ses hésitations, son mélange de naïveté et de lucidité m’ont touchée.

Ensuite pour la plume de Gaëlle, toujours aussi sensible, juste et empreinte d’une grande pudeur. Et enfin, pour son format : un roman très court, qui se lit d’une traite, permettant une immersion totale. On a l’impression de se glisser dans une bulle, de s’extraire du monde pour mieux ressentir celui du roman. J’ai vraiment ressenti un sentiment d’intimité, comme si je partageais les secrets d’Anna et d’Irina.

Pour les amateurs de romans sensibles et introspectifs

Si vous aimez les histoires qui mêlent passé et présent, les personnages féminins forts et vulnérables, et les ambiances empreintes de mystère, « Noces de neige » saura vous toucher. C’est un roman qui invite à la réflexion sur nos choix, nos rêves et ce qui façonne nos vies.

Une lecture pleine de douceur que je vous recommande.

« La terre s’était ouverte sous mes pieds. Je me suis juré de ne permettre à quiconque de me faire éprouver un semblable déchirement. Je ne savais rien de la vie, si ce n’est qu’elle pouvait nous exposer à de telles souffrances. »

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En bref…

Ce qui m’a poussé à ouvrir ce livre : j’ai choisi ce roman lors du dernier rendez-vous du « 13h pile ! », sur les précieux conseils des libraires.

Auteur connu : j’ai rencontré Gaëlle à plusieurs reprises en salon littéraire, et la dernière en date lors de la rencontre organisée le mois dernier par la Librairie de Paris.

Retrouvez ma chronique de « Ce matin-là« .

Émotions ressenties lors de la lecture : empathie, tendresse, mélancolie, mais aussi une forme d’apaisement.

Ce que j’ai moins aimé : RAS

Les plus : la plume, la construction, les personnages, le format, la réflexion, la fin.

Si je suis une âme sensible : RAS

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