Titre : Ce matin-là
Auteur : Gaëlle Josse
Éditeur : J’ai lu
Nombre de pages : 220 pages pour la version poche
Formats et prix : broché 17 € / poche 7.50 € / numérique 6.99 €
Date de publication : 7 janvier 2021 pour la version brochée, 17 août 2022 pour le poche
Genre : littérature générale
Ce matin-là, la voiture de Clara refuse de démarrer. Cette jeune femme compétente, investie dans son métier, ne retournera pas travailler. Un événement infime à partir duquel tout se délite : amis, amours, famille… Des semaines, des mois de solitude, de vide, s’ouvrent devant elle.
Pour relancer le cours de son existence, il lui faudra des ruptures, de l’amitié, et aussi remonter à la source vive de l’enfance.
C’est l’histoire simple d’une vie qui a perdu son élan et qui cherche comment être enfin à sa juste place. Une vie sur le fil, qui pourrait être la nôtre, et que Gaëlle Josse saisit avec la plus grande délicatesse.
Juillet 2006. Clara passe la soirée avec ses parents lorsque son père est victime d’un malaise. Hospitalisé d’urgence, c’est un AVC. Clara devait partir travailler à l’étranger, elle renonce et reste s’occuper de ses parents. J’avoue que là, je n’en menais pas large. Ma mère a fait un AVC il y a plus de vingt ans maintenant, les souvenirs sont remontés à la surface, ces premières pages de lecture se sont avérées hyper compliquées pour moi.
Mais heureusement pour moi et pour l’avenir de ce livre entre mes mains, on passe vite à autre chose, ouf !
On retrouve Clara douze ans plus tard. C’est une jeune femme dynamique et énergique. Ce matin-là, elle s’installe comme tous les matins au volant de sa voiture pour se rendre à son travail. Elle est animatrice commerciale dans un établissement bancaire. Sauf que ce matin-là, sa voiture ne démarre pas, et Clara va s’effondrer. Ce petit contretemps est la goutte d’eau faisant déborder le vase.
« Son regard erre sans se fixer, et elle ne parvient plus à entrer dans la ronde, à dire les mots du quotidien, les mots prudents, comme des passerelles tendues au-dessus des rapides. Cette impression d’avoir perdu le lieu, l’axe, le repère, la maison intérieure, de n’être qu’une plume, une feuille malmenée par le vent. »
Gaëlle décortique ce moment, cette chute, cet instant où le cerveau fonctionne mais où le corps dit « stop ». Clara va perdre le contact avec sa propre vie, elle sombre dans la dépression. Le lecture suit ce parcours dans cette spirale infernale, étouffé dans les angoisses de Clara, submergé par ses envies de rien, ce néant.
On passe tous par des passages difficiles, conflictuels, que ce soit sur le volet personnel ou dans notre travail. A quel moment cela devient-il trop pour nous ? Comment bascule-t-on dans le burn-out ? Comment a-t-on laissé la situation dégénérer jusqu’à devenir incontrôlable ? Depuis quelques années, le burn-out devient de plus en plus fréquent, et ce, dans n’importe quelle catégorie socio-professionnelle. Tout le monde peut être confronté un jour ou l’autre à ce mal à la fois banal et terrifiant. On en demande toujours plus. Il faut constamment se dépasser, le stress nous envahit chaque jour un peu plus.
« De ce jour, cette tension. La liste des tâches pour le lendemain qu’elle note avant de s’endormir, parfois elle s’endort dessus et retrouve ses draps tachés de marqueur fluorescent ; les dossiers emportés pour le week-end ; les appels pendant ses vacances, la vibration du smartphone professionnel dans le sac de plage ; les réveils nocturnes, ceux de deux heures, de trois heures du matin, pour penser à un rendez-vous, imaginer la scène, préparer un discours, des arguments, réfuter ce qui sera avancé, tenir tous les rôles dans sa tête. Être à la hauteur. »
« Ce matin-là » est un roman terriblement actuel, il dépeint parfaitement tout un pan de notre société, cette universalité. C’est un roman qui a raisonné en moi. Je me suis reconnue dans Clara, j’ai souffert avec elle, j’ai déprimé avec elle, je me suis battue avec elle.
La plume de Gaëlle est légère, émouvante, poétique. Après avoir saisi le cœur de la chute et de cette dissolution organique, elle va se pencher sur la manière de se relever, si toutefois on se relève un jour…Elle raconte le jugement des autres, la culpabilité ressentie par Clara, son envie de s’en sortir, mais ce dont elle est bien incapable, là, tout de suite, demain peut-être, qui sait ? Avec beaucoup de délicatesse et de psychologie, elle emmène le lecteur à découvrir les raisons profondes qui l’ont poussée à se laisser enfermer dans cette situation indénouable. La place primordiale de l’enfance, du regard de ses parents nous renvoient à notre propre existence, à nos doutes, nos espoirs.
J’ai vraiment beaucoup apprécié cette lecture, calme et pourtant si riche. Le rythme peut s’avérer lent, mais cela n’impacte pas du tout le plaisir de la découverte et de la lecture.
« Ce matin-là », le roman d’une chute, mais surtout l’histoire émouvante d’une reconstruction plus en adéquation avec soi-même. Un roman vivant, lumineux, bienveillant, maîtrisé de bout en bout, dur souvent, émouvant parfois, que je vous conseille.
« Tu sais, Clara, c’est comme ça, la vie, tout change, tout glisse et rien ne dure. »
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Ce qui m’a poussé à ouvrir ce livre : j’ai rencontré Gaëlle cette année à la Fête du Livre de Saint-Étienne. J’ai assisté à une conférence où elle nous parlait de son dernier roman « La nuit des pères ». Le sujet ne me tentais pas plus que cela, j’ai jeté mon dévolu sur « Ce matin-là », après une discussion avec Gaëlle. J’ai noté également « Le dernier gardien d’Ellis Island ».
Auteur connu : je ne connaissais pas Gaëlle, pourtant elle est l’auteure de plus d’une quinzaine d’ouvrages.
Émotions ressenties lors de la lecture : beaucoup d’émotions, allant de l’angoisse, eu découragement, à l’oppression. J’ai ressenti du vide au début, et puis, au fur et à mesure, l’espoir et l’optimisme ont pris le dessus, et ça, c’est top niveau émotions !
Ce que j’ai moins aimé : RAS
Les plus : le sujet, la luminosité qui se dégage du récit, la plume.
Si je suis une âme sensible : un roman assez dur de par son sujet, mais tellement lumineux qu’il serait dommage de passer à côté.