Informations
Titre : Une longue impatience
Auteur : Gaëlle Josse
Éditeur : J’ai lu
Nombre de pages : 192 pages pour le poche
Formats et prix : broché 18.50 € / numérique 6.99 € / poche 7.40 €
Date de publication : 11 mai 2018 pour le broché
Genre : littérature générale
Résumé
Ce soir-là, Louis, seize ans, n’est pas rentré à la maison. Anne, sa mère, dans ce village de Bretagne, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, voit sa vie dévorée par l’attente, par l’absence qui questionne la vie du couple et redessine celle de toute la famille.
Chaque jour, aux bords de la folie, aux limites de la douleur, Anne attend le bateau qui lui ramènera son fils.
Pour survivre, elle lui écrit la fête insensée qu’elle offrira pour son retour. Telle une tragédie implacable, l’histoire se resserre sur un amour maternel infini.
Mon avis
Le silence des marées, l’écho d’un amour maternel
Il est des romans que l’on referme avec le cœur en miettes, comme s’ils avaient doucement creusé en nous un sillon de tristesse, de beauté et de silence. « Une longue impatience », de Gaëlle Josse, appartient à cette catégorie de lectures rares, profondément sensibles, où chaque mot semble choisi avec une attention méticuleuse, chaque phrase tissée comme une dentelle fragile sur la toile du chagrin.
Dans un village breton battu par les vents, au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, un soir, Louis, seize ans, ne rentre pas chez lui. Il a disparu, sans laisser d’explication, sans adieu. Pour Anne, sa mère, commence alors une attente déchirante, absolue, une attente qui consume tout : son couple, son quotidien, sa santé mentale, et peu à peu, son identité même.
Chaque jour, elle guette le retour de son fils, scrute l’horizon, surveille les marées, espère l’arrivée d’un bateau. Pour survivre, elle lui écrit, comme on écrit à un mort ou à un fantôme, les mots d’un amour trop vaste pour l’absence. Elle imagine, rêve, reconstruit un monde autour d’un retour hypothétique. Une fête pour le retrouver. Une vie qu’elle suspend.
Une écriture de l’intime
J’apprécie énormément les romans de Gaëlle pour son talent de rendre l’indicible palpable. Sa plume est sobre, tendue, comme une corde fragile entre la douleur et la dignité. Pas de grand pathos ici, mais une pudeur bouleversante. La narration se fait à la première personne, ce qui donne à ce roman une densité émotionnelle saisissante. Le « Je » d’Anne est celui d’une mère habitée par un amour total, exclusif, ravageur.
Les silences sont aussi puissants que les mots. Chaque phrase semble respirer avec la mer, avec la lumière grise du ciel breton, avec les gestes simples du quotidien (la couture, le linge, la cuisine) qui deviennent autant de rituels pour ne pas sombrer.
Une parole confiée au silence
Le roman est ponctué de lettres qu’Anne écrit à Louis, qu’il ne lira sans doute jamais. Ce procédé renforce la profondeur émotionnelle du récit. Dans ces confidences intimes, Anne se livre sans retenue : ses espoirs, ses blessures, ses souvenirs, mais aussi sa colère, ses doutes et sa peur de ne plus savoir qui est devenu ce fils qu’elle attend.
Ces lettres ne sont pas de simples artifices narratifs. Elles sont l’expression la plus pure de son humanité, le dernier lien qu’elle maintient avec lui. Elles deviennent un espace de survie, un journal de bord de la douleur, un dialogue avec l’absence. Dans ce tête-à-tête avec le vide, Anne parle comme on prie, comme on respire encore un peu pour ne pas sombrer.
Ce sont peut-être les moments les plus déchirants du roman, parce qu’ils nous rappellent que l’amour, lorsqu’il n’a plus de destinataire, devient cri muet, mais aussi acte de résistance.
Une géographie de l’attente
Le décor du roman, ce petit village côtier de Bretagne, est presque un personnage à part entière. Les tempêtes, les courants, les marées, les bateaux de pêche et les quais désertés sont autant de reflets de l’état intérieur d’Anne. On y sent la présence constante de la mer, à la fois nourricière et cruelle, qui emporte autant qu’elle rend.
L’attente devient alors une géographie intime, un territoire où le temps s’étire, où l’espoir lutte contre l’abandon. Ce que Gaëlle décrit avec une justesse admirable, c’est cette usure invisible de l’absence, cette manière dont elle se glisse partout, dans les regards, les silences du mari, les maladresses du quotidien.
« Depuis, ce sont des jours blancs. Des jours d’attente et de peur, des jours de vie suspendue, de respiration suspendue, à aller et venir, à faire cent fois les mêmes pas, les mêmes gestes, à essayer de reconstituer les derniers moments de la présence de Louis à la maison, à tenter de me souvenir des derniers mots échangés, des les interpréter, d’y trouver un sens caché, d’y déceler un message, une intention. »
Un roman sur la maternité à vif
Au-delà de l’histoire de disparition, « Une longue impatience » est surtout un roman sur l’amour maternel dans ce qu’il a de plus viscéral. Anne est une mère qui ne peut plus être seulement cela, une femme tiraillée entre son devoir, ses regrets, ses souvenirs d’un premier amour, son mariage avec un homme respectable mais distant et cet enfant devenu fugueur, inconnu, absent.
Gaëlle explore cette douleur sans jamais juger. Elle donne voix à cette femme qui perd tout repère, et dont la fidélité au souvenir de son fils devient une forme de résistance, de foi, presque de religion.
« J’ignorais abriter en moi, au creux de mon corps de mère, autant de place, autant de replis, d’interstices que la douleur pouvait atteindre et irriguer d’un flux sans fin. »
Mon ressenti de lecture
En tant que mère, ce roman a profondément résonné en moi. J’ai lu l’histoire d’Anne avec le cœur serré, comme si ses angoisses et ses silences faisaient écho à mes propres peurs les plus enfouies. Gaëlle décrit avec une justesse bouleversante cet amour maternel inconditionnel, cet instinct viscéral qui pousse à attendre envers et contre tout, à espérer même quand tout semble perdu. J’ai compris ce que ressentait Anne, cette solitude que personne ne peut vraiment partager, cette douleur que l’on tait pour ne pas craquer. Ce roman m’a remuée et m’a laissée songeuse. Il m’a rappelé combien l’amour d’une mère est une force immense, fragile et indestructible à la fois.
L’écho de cette lecture
« Une longue impatience » est un roman aussi bref que bouleversant. Gaëlle signe une œuvre lumineuse dans sa tristesse, portée par une plume poétique et épurée. C’est un cri d’amour étouffé, un chant de douleur muette, une ode à la maternité dans ce qu’elle a de plus nu, de plus profond.
Un roman qu’on lit les yeux mouillés, le cœur serré et qu’on n’oublie pas. Parce qu’il parle de nous tous, à travers cette femme qui attend.
« Louis a résisté, il s’est arc-bouté et a cherché à faire taire en lui la question qui le taraude depuis trop longtemps. Est-il de trop ? Mon enfant solaire, devenu taciturne. Il s’en veut d’avoir cru en cet homme entré par effraction dans sa vie en venant chercher sa mère un dimanche d’été. »
#Unelongueimpatience #GaëlleJosse
En bref…
Ce qui m’a poussé à ouvrir ce livre : ma libraire m’a présenté « Une longue impatience » comme un petit bijou littéraire. Et en tant que mère, j’ai été attirée par ce récit d’attente et de silence, par cette idée d’aimer au point de se perdre, sans renoncer.
Auteur connu : j’ai eu la chance de rencontrer Gaëlle lors d’un échange organisé par la Librairie de Paris (article disponible ici). Retrouvez mes chroniques de « Ce matin-là » et « Noces de neige ».

Émotions ressenties lors de la lecture : empathie, tristesse, admiration, apaisement.
Ce que j’ai moins aimé : RAS
Les plus : la plume, les émotions, le personnage d’Anne, la construction.
Si je suis une âme sensible : RAS


c’est certain que tu as dû ressentir toutes les émotions d’une mère.
Étant mère nous ne pouvons que ressentir ces sentiments.
Maman me disait que lorsque j’étais mal quand j’habitais à Agen, elle le savait. Moi ça me fait la même chose. Je pense à mes enfants quand ils ne sont pas bien.
Étant sensible, la lecture est à réfléchir
À bientôt peut-être
Domi
J’aimeAimé par 1 personne
Oui on a un lien instinctif avec nos enfants, c’est indéniable. Prends soin de toi.
J’aimeJ’aime