« Le désir dans la cage » d’Alissa WENZ

Informations 

Titre : Le désir dans la cage

Auteur : Alissa Wenz

Éditeur : Les Avrils

Nombre de pages : 280 pages

Formats et prix : broché  22 € / numérique 14.99 €

Date de publication : 20 août 2025

Genre : littérature générale

Résumé

Le roman de Mel Bonis, compositrice post-romantique méconnue, entre obéissance et passion.

Paris, 1865. Dans l’appartement des Bonis, personne ne touche au piano. Pourtant, à sept ans, Mélanie s’y aventure et seule, tente, apprend. Bientôt, elle entre au Conservatoire, côtoie Debussy, Satie, signe ses premières compositions Mel — un prénom d’homme — et rencontre le chanteur Amédée-Louis Hettich. Ensemble, ils créent. Plus que tout, ils s’aiment. Mais les parents de Mélanie préfèrent pour elle un mariage avec un industriel fortuné. Un siècle nouveau recouvre l’ancien ; Mel se débat, court, ment, souffre, s’obstine entre raison et passion. Et jusqu’à son dernier souffle invente sa musique.

Mon avis

Un roman bouleversant sur une femme que l’Histoire a trop longtemps mise entre parenthèses.

« Une femme qui compose est une femme qui désobéit. » Cette phrase aurait pu être le fil rouge du roman d’Alissa Wenz, tant elle résume avec justesse le destin de Mélanie Bonis, compositrice oubliée de la fin du XIXe siècle, à qui l’autrice redonne ici souffle, voix… et chair.

Une héroïne invisible, rendue visible

« Le désir dans la cage » retrace la vie de Mélanie Bonis, dite Mel Bonis, musicienne talentueuse, élève du Conservatoire de Paris, contemporaine de Debussy, Satie, Franck. Et pourtant, ce nom ne vous dit peut-être rien. C’est précisément tout l’enjeu de ce roman : sortir de l’ombre une femme géniale, que la société patriarcale a voulu contraindre au silence.

Avec une plume limpide et habitée, Alissa fait revivre une femme née trop tôt, dans un monde qui refusait à une fille le droit de jouer du piano, de composer, de créer et d’aimer librement. Très vite, on comprend que Mélanie est habitée par une force intérieure puissante, presque mystique, qui la pousse vers la musique malgré l’interdit familial. Et là commence une vie double : celle qu’elle rêve et celle qu’on lui impose.

Le choix impossible entre l’amour et le devoir

Ce qui m’a profondément touchée dans ce roman, c’est la tension constante entre le feu intérieur de Mélanie et la cage sociale dans laquelle on veut l’enfermer. L’amour qu’elle éprouve pour le chanteur Amédée Hettich, avec qui elle partage une passion autant artistique que charnelle, est pur, vibrant… mais inacceptable. On ne laisse pas une jeune fille bourgeoise décider de son avenir. Elle devra renoncer à son amour, à sa liberté et épouser un industriel choisi par ses parents.

« Albert Domange était deux fois veuf, et père de cinq enfants. Il cherchait une épouse pour la troisième fois. C’était un excellent parti. Il avait une belle fortune, on le disait sympathique. »

Et pourtant, elle n’abdique jamais totalement. Elle compose. En secret, souvent. Sous pseudonyme. Elle cache, elle dissimule, elle lutte. Ce roman m’a bouleversée parce qu’il ne s’agit pas simplement d’un récit historique ou féministe, mais d’un combat intime, poignant, viscéral. Celui d’une femme qui refuse d’éteindre la flamme qui l’habite.

Une narration sensible et immersive

Alissa parvient à mêler avec beaucoup de justesse l’élégance de la reconstitution historique à une narration intime, presque sensorielle. On ressent les corsets qui serrent, les regards qui jugent, les silences qui étouffent. Mais surtout, on entend la musique. Celle de Mel, inspirée, foisonnante, tourmentée. Une musique de l’âme, jamais abstraite.

J’ai été particulièrement émue par la manière dont l’autrice nous plonge dans l’intériorité de Mélanie. Ses contradictions, ses failles, ses élans. On la voit enfant curieuse, jeune femme passionnée, mère divisée, créatrice insatiable. Chaque étape de sa vie est décrite avec une délicatesse rare. On s’attache à elle profondément. Et personnellement, je me suis sentie très proche de Mélanie. Comme elle, j’ai parfois eu cette impression de devoir négocier mes désirs avec le monde. De devoir me cacher pour exister pleinement.

« Toute ta vie, on t’a dit que c’était normal, et tu as trouvé cela normal. On t’a dit qu’il en était ainsi, et il en a été ainsi. Cela t’était aussi naturel que l’air dans tes poumons, le soleil qui se lève. Toute ta vie, tu as accepté. »

Une construction originale, une adresse troublante

L’un des choix stylistiques les plus marquants du roman est sans doute l’usage du « tu ». Dès les premières pages, Alissa adopte cette forme peu commune, qui peut surprendre, voire déstabiliser au départ. On comprend vite que ce « tu », c’est Mélanie qui se parle à elle-même. Comme une tentative de garder le cap, de se souvenir, de ne pas trahir celle qu’elle aurait pu être. Ce procédé crée une intimité particulière entre le personnage et le lecteur. On a l’impression d’assister à un dialogue intérieur, à une lutte entre le devoir et le désir, entre la voix sociale et la voix intime. Cette narration rend les émotions plus crues, plus immédiates, comme si Mel cherchait à se convaincre elle-même de ne pas renoncer. Cela participe pleinement à l’intensité du roman et à sa singularité.

Un roman comme un acte de réparation

Au-delà de l’histoire individuelle de Mélanie, « Le désir dans la cage » est aussi un hommage vibrant à toutes ces femmes artistes que l’Histoire a effacées. Il interroge la place des femmes dans la création, dans la mémoire collective, dans le récit qu’on fait de la culture. Et il le fait sans militantisme sec, mais avec une émotion à fleur de peau, portée par une plume d’une grande finesse.

Ce roman m’a parfois mise en colère, souvent émue, toujours captivée. C’est un texte qui résonne longtemps après l’avoir refermé. Parce qu’il donne à entendre une voix qu’on a trop longtemps réduite au silence. Et cette voix, désormais, je ne l’oublierai plus.

« Le désir dans la cage » est un roman vibrant, intime et universel, sur le combat d’une femme pour exister à travers sa musique. Alissa Wenz y donne chair à une héroïne bouleversante, à laquelle je me suis sentie profondément liée. Un hommage lumineux et nécessaire à Mel Bonis et à toutes les femmes que l’on a contraintes à l’effacement.

« Sourire est une question de volonté. »

Je remercie les Editions Les Avrils et NetGalley pour cette lecture.

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En bref…

Ce qui m’a poussé à ouvrir ce livre : j’ai eu envie de découvrir ce roman parce qu’il promettait de mettre en lumière une figure méconnue de la musique, Mel Bonis. Je suis toujours sensible aux récits qui redonnent voix aux oubliées de l’Histoire, et ici, la combinaison entre destin féminin, art et lutte intime m’a immédiatement attirée.

Auteur connu : Alissa Wenz est musicienne, chanteuse, auteure et scénariste (tiens donc !). Je la découvre avec ce roman et c’est une bonne pioche !

Émotions ressenties lors de la lecture : empathie, fascination, admiration, tendresse, colère, révolte, mélancolie.

Ce que j’ai moins aimé : RAS

Les plus : la plume, la narration, la mise en lumière de Mel, qui est quand même un personnage effacée de l’Histoire musicale sous prétexte qu’elle est une femme, la réflexion et les thèmes abordés.

Si je suis une âme sensible : ce roman est traversé par la douleur de l’abandon, du renoncement et des sacrifices imposés. Il peut émouvoir, il ne faut pas le nier. Mais il est aussi porteur d’une force lumineuse : malgré tout, Mélanie compose, crée, résiste.

5 réflexions sur “« Le désir dans la cage » d’Alissa WENZ

  1. Sonia avec ton résumé cela m’a fait penser aux femmes qui ont créé et que l’histoire a oublié ou création reprise par des hommes qui ont été salués à leur place.

    J’ai pu lire certains de leurs noms sur Instagram et j’ai été touchée de voir qu’elles ont été effacées de la mémoire.

    Cela fait plaisir de savoir qu’elles réapparaissent plusieurs siècles après.

    Il faut penser, même, si il y a encore beaucoup à faire, que si nous pouvons avoir un compte bancaire, travailler à l’extérieur de la maison c’est grâce à toutes celles qui ont refusé le patriarcat.

    Merci à elles.
    Bonne journée à toi

    Domi

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    1. Oh oui, tu as tellement raison ! Ce roman m’a justement bouleversée parce qu’il redonne une voix à l’une de ces femmes créatrices que l’Histoire a trop longtemps réduites au silence. Lire Mélanie Bonis, c’est comme rendre justice à toutes celles qui ont dû se cacher, écrire sous pseudonyme ou voir leurs œuvres attribuées à des hommes.
      Et comme tu le dis si bien, si aujourd’hui nous pouvons vivre plus libres, c’est grâce à ces femmes qui ont osé désobéir. Leur mémoire nous rappelle à quel point chaque petit pas compte dans ce long chemin.
      Bon week end. Bisous

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