Informations
Titre : Tant mieux
Auteur : Amélie Nothomb
Éditeur : Albin Michel
Nombre de pages : 216 pages
Formats et prix : broché 19.90 € / numérique 12.99 €
Date de publication : 20 août 2025
Genre : littérature générale
Résumé
« Tant mieux : la version joyeuse du sang-froid »
Amélie Nothomb
Pour la première fois, après son père dans Premier sang (2021) et Psychopompe (2023), Amélie Nothomb évoque sa mère, et le lien singulier qui les unissait.
Mon avis

Avec « Tant mieux », Amélie Nothomb poursuit l’exploration intime de son histoire familiale. Cette fois-ci, c’est sa mère qu’elle met au centre du récit, en retraçant le lien complexe et ambivalent qui les unissait. Mais loin d’un portrait linéaire ou idéalisé, Amélie choisit une voie singulière : nous plonger dans l’enfance d’Adrienne, sa mère, et dans ses souvenirs fondateurs, entre traumatismes, résilience et une étrange formule salvatrice : « Tant mieux ».
Un récit qui s’ouvre sur la survie
Dès les premières pages, on découvre une petite Adrienne, âgée de quatre ans, envoyée chez sa grand-mère à Gand pendant la guerre. L’expérience est brutale : brimades, enfermement, repas immangeables… et cette scène glaçante où l’enfant est contrainte de remanger son vomi. C’est pourtant là que surgit sa première révélation : au lieu de se laisser écraser, elle invoque ce « tant mieux », sorte de bouclier psychologique, une version joyeuse du sang-froid. Ce mantra devient sa clé de survie, sa manière de transcender l’horreur.
Entre cruauté et tendresse impossible
Ce qui frappe, c’est la manière dont Amélie peint les figures maternelles et grand-maternelles : des femmes marquées par la frustration, la ruine sociale, l’aigreur, et qui reportent leur mal-être sur leurs enfants. La Bonne-maman de Gand est décrite comme un monstre, obsédée par ses chats qu’elle chérit plus que ses filles. Adrienne grandit dans ce climat où l’amour maternel se dérobe sans cesse, où les animaux reçoivent l’affection dont les enfants sont privés.
Ce motif des chats, omniprésents et parfois sacrifiés, devient une métaphore de la rivalité et du transfert affectif. Et derrière le regard d’enfant, le lecteur devine peu à peu ce que la petite Adrienne refuse de nommer : la cruauté de sa mère, Astrid, et sa duplicité.
« Bonne-Maman est incapable d’aimer rien ni personne sauf les chats. Au fond, c’est cela le pire. Si vraiment elle n’avait rien aimé, j’aurais pu accepter. Mais elle aimait et aime les chats. C’est de l’amour à l’état pur. »
La naissance d’une lucidité précoce
Le roman explore avec finesse la construction psychique d’une enfant confrontée trop tôt à la violence et à l’injustice. Adrienne apprend à observer, à se taire, à élaborer des stratégies mentales pour survivre. Le « tant mieux » devient à la fois une arme et un piège : une façon de continuer à aimer une mère qui la fait souffrir, mais aussi un mécanisme d’acceptation de l’inacceptable.
À travers ces pages, Amélie interroge la transmission de la douleur, la manière dont un traumatisme d’enfance façonne une vie entière, et comment l’on peut à la fois admirer et craindre une mère dont la beauté et l’intelligence côtoient l’absence d’amour.
« Elle n’avait jamais reçu ce dont un enfant a le plus besoin : de la considération. C’est encore plus important que l’amour. Être regardé pour ce que l’on est, c’est cela, être considéré. »
La plume : tranchante et lumineuse
Comme souvent chez Amélie, le style est vif, acéré, et pourtant teinté d’humour noir. Elle a l’art de raconter l’horreur avec une légèreté trompeuse, de transformer une scène de maltraitance en parabole presque burlesque. Le contraste entre l’innocence de la petite fille et la cruauté des adultes crée un effet saisissant. On retrouve également ce goût pour les dialogues incisifs et les formules frappantes, qui donnent au récit une intensité particulière.
Les beautés du récit
Ce roman m’a profondément marquée par sa puissance émotionnelle. J’ai aimé la manière dont Amélie parvient à transformer une histoire intime en une réflexion universelle sur la résilience et la force intérieure. Le leitmotiv du « tant mieux », à la fois simple et vertigineux, donne une profondeur incroyable au récit. L’autrice excelle aussi dans son écriture que j’apprécie de plus en plus.
Un récit sans concession
Certaines pages sont difficiles à lire, car elles décrivent avec une crudité désarmante la maltraitance, la privation et l’absence d’amour maternel. Amélie ne prend aucun détour pour montrer la dureté de certaines relations familiales, ce qui peut heurter les lecteurs les plus sensibles. De plus, le portrait qu’elle dresse de sa mère (à la fois fascinant et glaçant) peut déstabiliser : il n’y a ici ni idéalisation ni tendresse inconditionnelle, mais une lucidité brutale qui laisse parfois un goût amer.
Tant mieux, jusqu’au bout
Le dernier chapitre de « Tant mieux » clôt le récit sur une note à la fois intime et bouleversante. Amélie Nothomb y tisse un fil de réflexion autour de la mémoire et de la transmission, avec une écriture qui oscille entre douleur et apaisement. On y retrouve l’essence du roman : la force paradoxale de ce « tant mieux », capable de transformer l’épreuve en une forme de résilience. C’est une fin qui laisse le lecteur songeur, avec ce sentiment qu’au-delà des blessures, il reste une lumière fragile mais tenace.
En refermant le livre
« Tant mieux » est un texte dérangeant et nécessaire. Amélie Nothomb y explore ce qu’il y a de plus intime et de plus universel : la relation à la mère, source à la fois de force et de blessure. En retraçant l’enfance d’Adrienne, elle offre un récit à la fois cru, lucide et bouleversant, qui résonne bien au-delà de son histoire familiale.
Ce roman n’est pas un simple témoignage : c’est une méditation sur la résilience, sur la duplicité de l’amour maternel et sur les cicatrices invisibles qui façonnent une vie. Une lecture marquante, dont on ne sort pas indemne.
« Ça n’existe pas, le devoir d’aimer. Personne n’est obligé d’aimer. »
#TantMieux #AmélieNothomb #AlbinMichel
En bref…
Ce qui m’a poussé à ouvrir ce livre : j’aime beaucoup l’univers d’Amélie Nothomb. Je ne lis pas systématiquement ses romans lorsqu’ils sont publiés, mais le titre de celui-ci m’intriguait.
Auteur connu : retrouvez ici les chroniques des romans d’Amélie, ainsi qu’un article consacré à la rencontre avec l’auteure en 2022.
Émotions ressenties lors de la lecture : révolte, tristesse, colère, mais aussi admiration et émerveillement.
Ce que j’ai moins aimé : un peu court, comme d’habitude avec les romans d’Amélie. C’est sa signature, on s’y fait…ou pas !
Les plus : l’intimité et la puissance du récit, la plume, les sujets abordés et la réflexion qui y découle, la fin.
Si je suis une âme sensible : préparez-vous, ce texte n’épargne rien.


Une de mes prochaines lectures.J’aime aussi beaucoup l’univers d’Amélie Nothomb. Avez vous vu le délicieux film d’animation à partir de La Métaphysique des tubes? Zoé
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Bonjour Zoé, ah non je ne savais même pas qu’il y avait eu une adaptation. Je vais essayer de le trouver en streaming, vous avez attisé ma curiosité !
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Super belle chronique ! Je ne sais pourquoi, je n’ai jamais lu cette écrivaine. Mais, après cette chronique, je me dis que j’ai quand-même bien tord !
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Il faut tenter. Avec Amélie, soit ça passe, soit ça casse. J’apprécie beaucoup sa plume. C’est une bulle littéraire ses bouquins !
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