« Mon amie de plume » de Yiyun LI

Informations 

Titre : Mon amie de plume

Auteur : Yiyun Li

Éditeur : Belfond 

Nombre de pages : 336 pages

Formats et prix : broché 22 € / numérique 14.99 €

Date de publication : 28 août 2025 

Genre : littérature chinoise

Résumé

Fabienne est morte. Cette nouvelle, Agnès l’apprend en Amérique, bien loin de la campagne française où toutes deux ont grandi et sont devenues inséparables, bien loin de ce lieu qu’Agnès a fui, avec l’aide de Fabienne.
Fabienne est morte et Agnès est enfin libre de raconter son histoire.
Agnès et Fabienne étaient les meilleures amies du monde, deux fillettes qui s’étaient créé une bulle pleine d’imagination, d’histoires, de rêves, pour mieux échapper à la rudesse de la vie dans la France d’après guerre. Deux fillettes qui voulaient vivre autrement, mieux ; deux fillettes qui avaient un plan.
Et puis Fabienne a trahi Agnès. Le plan s’est écroulé, leurs trajectoires se sont séparées, la tragédie a frappé…
Salman Rushdie dit de Yiyun Li qu’elle est  » l’une des plus grandes autrices de notre temps « . Elle le prouve avec son nouveau roman sur l’amitié féminine, entre admiration mutuelle et rancœur, n’est pas sans rappeler L’Amie prodigieuse, d’Elena Ferrante.
Lauréat du prix PEN Faulkner Award dans la catégorie fiction.

Mon avis

 

Une atmosphère finement restituée

Yiyun Li installe son récit dans une campagne française rude et grise, marquée par les privations de l’après-guerre. On y sent l’isolement, le poids des traditions, la monotonie quotidienne, autant d’éléments qui expliquent la soif d’évasion des deux fillettes. La justesse des descriptions donne au roman une profondeur presque historique : on n’est pas simplement spectateur, on habite cette époque aux côtés d’Agnès.

Une amitié à la fois lumineuse et dangereuse

Yiyun Li dépeint ici une amitié d’une intensité rare : celle qui unit Fabienne et Agnès est totale, presque fusionnelle. Fabienne, charismatique et rebelle, entraîne Agnès dans des jeux d’écriture et de manipulation qui les propulsent, malgré elles, dans un monde d’adultes qui ne les comprend pas. Cette relation, à la fois magnétique et toxique, est le cœur battant du roman. 

Une réflexion subtile sur l’amitié

Ce roman m’a profondément questionnée sur la nature des amitiés d’enfance, celles qui façonnent, qui marquent, qui laissent parfois des cicatrices invisibles et où l’on peut se perdre soi-même en voulant plaire à l’autre.
La relation entre Agnès et Fabienne est magnétique, complexe et inconfortable à la fois. Elle mêle admiration et dépendance, loyauté et manipulation, lumière et ombre.

« Je n’avais jamais écrit de lettre avant celle-là. Quand une lettre n’est pas postée, c’est peut-être de la malchance. Écrite pour rappeler l’envoyeur au souvenir du destinataire, elle devrait arriver quand l’envoyeur est loin. »

Une narration introspective puissante

Le récit est porté par la voix d’Agnès adulte, qui revient sur cette amitié après la mort de Fabienne. Agnès se confie au lecteur comme on ouvrirait un journal intime longtemps gardé secret. Son regard est teinté de culpabilité, de nostalgie et d’une lucidité douloureuse. Ce point de vue unique donne au roman une force émotionnelle intense : on lit autant ce qui a été vécu que ce qui n’a jamais été dit.

Une plume contemplative et apaisante

Yiyun Li a une plume que j’ai vraiment appréciée : douce, précise, ciselée. Elle a cette capacité à transmettre des émotions sans en faire trop. Le rythme est volontairement lent, presque suspendu, ce qui crée une atmosphère apaisante malgré la gravité des thèmes abordés. Ce n’est pas une lecture qui secoue avec fracas, mais plutôt une lecture qui enveloppe doucement, qui fait réfléchir en silence.

« Ce n’était pas de mon pays que j’avais la nostalgie. Ce n’était pas un lieu qui me manquait, mais une personne. »

Là où la magie a moins opéré

Même si cette lecture m’a plu dans l’ensemble, j’en ressors avec un sentiment mitigé.

Les thèmes sont effleurés plutôt qu’explorés. Certains aspects auraient mérité d’être davantage développés. J’aurais aimé plonger encore plus dans ce que cette amitié a réellement façonné ou détruit chez Agnès.

L’intrigue était trop en retrait. Le roman repose essentiellement sur l’introspection et le souvenir. Si cette lenteur contemplative m’a apaisée, elle a aussi parfois laissé un sentiment de creux narratif. Et pour certains lecteurs, cela peut donner une impression de distance, il faut en être conscient.

Pour finir, l’émotion est restée en demi-teinte. Paradoxalement, même si l’histoire est touchante, je suis restée un peu à distance. Comme si l’auteure avait volontairement placé une vitre entre les personnages et le lecteur.

L’empreinte laissée par ce roman

Cette lecture a été douce, parfois poignante. Elle m’a fait réfléchir à ces amitiés qui marquent une vie entière, à ces liens d’enfance où se mêlent tendresse et domination, fusion et fracture.

J’ai ressenti une forme de mélancolie calme, comme une pluie fine qui tombe longtemps sans éclater en orage. Ce roman n’a pas été un coup de cœur, mais il m’a accompagnée avec douceur et je pense que certaines de ses images resteront avec moi.

Il ressort de « Mon amie de plume » la nostalgie de l’enfance, la brutalité du monde adulte et la complexité de ce que l’on tait pendant des années.

Ce roman s’adresse avant tout à celles et ceux qui aiment les atmosphères feutrées, les histoires qui prennent le temps de s’installer et de se révéler en douceur. Si vous appréciez les récits d’enfance empreints de nostalgie et de complexité émotionnelle, « Mon amie de plume » vous touchera. La plume de Yiyun Li, délicate et introspective, conviendra particulièrement aux lecteurs et lectrices qui aiment les romans où l’émotion se glisse dans les silences plutôt que dans les grands éclats.

Un livre qui ne crie pas, mais qui murmure longtemps après la dernière page…

« Tu commences à parler comme moi. Sauf que moi, quand je dis que je me débrouillerai, j’ai une idée en tête. Tu as appris à reprendre mes mots, mais tu ne sais pas comment provoquer les choses pour de vrai. »

Je remercie la Masse Critique Babélio et les Editions Belfond pour cette lecture. 

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En bref…

Ce qui m’a poussé à ouvrir ce livre : j’aime les histoires qui explorent les zones grises des relations humaines. La promesse d’un roman contemplatif, porté par une plume reconnue pour sa justesse, m’a immédiatement attirée. Et je dois dire que, même si tout n’a pas été à la hauteur de mes attentes, je ne regrette pas cette lecture.

Auteur connu : Yiyun Li est l’auteure d’une dizaine de livres. Je la découvre ici, je vais me pencher sur son univers. 

Émotions ressenties lors de la lecture : calme, apaisement, mélancolie.

Ce que j’ai moins aimé : la sensation d’inachevé que j’ai pu ressentir. Pour moi, certains points méritaient d’être plus approfondis. 

Les plus : la plume, l’atmosphère apaisante, la narration, le sujet de l’amitié d’enfance.

Si je suis une âme sensible : RAS. Ce roman ne contient pas de scènes particulièrement dures ou violentes, il aborde des émotions profondes avec beaucoup de subtilité.

 

2 réflexions sur “« Mon amie de plume » de Yiyun LI

  1. Sonia, ta critique donne vraiment envie de lire ce roman, dont je ne connais pas l’auteure ; j’avais lu un bref résumé dans le trimestriel de mon libraire liégeois mais trop peu pour se faire une idée. Tes réserves sont peut-être justement ce qui me donne encore plus envie de l’acquérir. Pour information, je précise que j’ai pratiquement lu tout Modiano (bien avant son Nobel) donc j’aime les atmosphères inachevées… Michel (Liège, Belgique)

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