« Kukum » de Michel JEAN

Informations 

Titre : Kukum

Auteur : Michel Jean

Éditeur : Dépaysage et Points pour le poche 

Nombre de pages : 240 pages pour le poche

Formats et prix : broché 22 € / numérique 15.99 €  / poche 8.70 €

Date de publication : 30 janvier 2020 pour le broché et 9 janvier 2022 pour le poche

Genre : littérature québecoise 

Résumé

Au soir de sa vie, grand-mère (kukum, en langue innue) depuis longtemps déjà, Almanda Siméon se retourne sur son passé et nous livre son histoire, celle d’une orpheline québécoise qui tombe amoureuse d’un jeune Amérindien puis partage la vie des Innus de Pekuakami (l’immense lac Saint-Jean), apprenant l’existence nomade et brisant les barrières imposées aux femmes autochtones.
Centré sur le destin singulier d’une femme éprise de liberté, ce roman relate, sur un ton intimiste, la fin du mode de vie traditionnel des peuples nomades du nord-est de l’Amérique et les conséquences, encore actuelles, de la sédentarisation forcée.

Mon avis

Un bel hommage aux racines et à la liberté

Avec « Kukum », Michel Jean nous offre bien plus qu’un simple récit : c’est une mémoire transmise, une parole rendue à ceux que l’Histoire a trop longtemps fait taire. À travers le destin d’Almanda Siméon, femme blanche devenue innue par amour, il nous plonge au cœur d’un monde en voie de disparition, celui des peuples nomades du nord du Québec, avant que la modernité et la sédentarisation forcée ne viennent briser leur lien ancestral à la nature.

Dès les premières pages, on ressent la tendresse et le respect infini de l’auteur pour ce peuple dont il est lui-même issu. Il ne cherche ni à embellir ni à victimiser : il raconte avec pudeur et justesse. « Kukum » signifie « grand-mère » en innu, et c’est bien à travers la voix de cette femme âgée, au soir de sa vie, que se déploie le récit. Sa parole, simple et droite, devient le fil conducteur d’une mémoire collective, celle d’un peuple et d’une époque révolue.

Almanda, une héroïne libre et lumineuse

Orpheline québécoise au destin modeste, Almanda ne se doute pas que sa vie va prendre un tournant aussi inattendu que bouleversant lorsqu’elle rencontre Thomas, un jeune Amérindien. En le suivant, elle choisit l’amour et la liberté. Elle quitte le confort du monde sédentaire pour s’immerger dans une culture qu’elle ne connaît pas, apprenant à lire la forêt, à pêcher, à chasser, à écouter le vent et les rivières.

Ce choix, audacieux pour une femme de son temps, en fait une figure profondément inspirante. Almanda n’est pas une héroïne de roman d’aventure, mais une femme vraie, courageuse, d’une humilité rare. J’ai admiré sa capacité à s’adapter, à comprendre et à respecter un mode de vie qui n’est pas le sien. Son regard d’étrangère, émerveillé et respectueux, permet au lecteur d’approcher le monde innu avec la même curiosité bienveillante.

« On apprend à vivre avec la distance, mais le pincement au cœur demeure vif. »

Un ton intimiste pour une fresque historique

La narration à la première personne donne au roman une profondeur émotionnelle intense. Michel réussit à faire parler Almanda avec une voix juste, sincère, presque chuchotée, comme une grand-mère qui confie ses souvenirs au coin du feu.
Ce ton intimiste contraste avec la force tragique de l’histoire : au fil des pages, on assiste à la lente disparition du mode de vie traditionnel des Innus. Les territoires se restreignent, les barrages inondent les terres de chasse, l’administration canadienne impose la sédentarisation et l’assimilation.

Michel ne décrit pas ces drames avec colère, mais avec douleur et lucidité. Ce choix rend le texte d’autant plus bouleversant. « Kukum » se transforme alors en une véritable ode à la mémoire, celle d’un peuple que l’on a cherché à faire disparaître et d’une femme qui, jusqu’à son dernier souffle, aura défendu sa liberté et sa dignité.

« La peur tétanise, la crainte incite à la sagesse. Ça aussi, je devais l’apprendre. »

Une plume simple, poétique et profondément humaine

La plume de Michel est d’une sobriété remarquable. Pas d’effets de style inutiles, mais une écriture claire, fluide, qui semble venir du cœur. Il y a dans ces phrases un souffle poétique, une beauté dans la simplicité, à l’image du mode de vie qu’il évoque.

Chaque page respire la nature : les rivières, les forêts, les saisons, les déplacements avec les tentes et les canots. On sent le froid de l’hiver, le parfum du bois humide, le bruissement du vent dans les arbres. Cette immersion sensorielle est totale et fait de « Kukum » une expérience de lecture apaisante et bouleversante.

Un roman nécessaire

« Kukum » est un livre de transmission. Michel y redonne une voix à ses ancêtres et, à travers eux, à toutes les femmes et hommes autochtones dont la culture et la mémoire ont été bafouées.
Ce roman, pourtant court, porte un message immense : celui du respect, de la mémoire et de la réconciliation.

Il nous rappelle que la modernité a parfois un prix terrible : celui de l’effacement des peuples, de la destruction des territoires et des traditions. Mais « Kukum » n’est jamais un livre de rancune. Il est au contraire un livre de paix, d’amour, de gratitude.

Une lecture empreinte d’émotion et de respect

« Kukum » s’est révélé être une expérience d’une rare intensité. J’ai été profondément émue par la force tranquille d’Almanda, par son courage silencieux et sa capacité à aimer sans renier ce qu’elle est devenue. Chaque page m’a rappelé l’importance de la transmission, du respect de la nature et de la mémoire des peuples. La plume de Michel Jean, à la fois simple et poétique, m’a enveloppée d’une douceur mélancolique qui m’a souvent serré le cœur. C’est un roman qu’on ne lit pas seulement avec les yeux, mais avec l’âme, un texte qui continue de résonner bien après la dernière ligne.

Un héritage à ne pas oublier

« Kukum » est un roman qui reste en tête après sa lecture. C’est un hommage bouleversant à la liberté, à la mémoire et à la nature. Michel Jean signe une œuvre à la fois intime et universelle, qui éclaire une part oubliée de l’histoire du Québec et du Canada. À travers la voix d’Almanda, il redonne vie à tout un peuple, à ses traditions, à sa force tranquille.
Ce roman, empreint de douceur et de vérité, nous invite à écouter ce que la terre et la mémoire ont encore à nous dire. Un héritage précieux, à lire, à partager et surtout à ne jamais oublier.

Je vous conseille ce roman, sans hésiter. Vous ne le regretterez pas !

« La rivière Péribonka monte presque en ligne droite vers le nord. Les feuilles rouges et jaunes jetaient des touches de couleur dans l’écrin de verdure qui l’enserrait. A mesure que la température baissait, l’eau prenait des teintes de bleu profond. »

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En bref…

Ce qui m’a poussé à ouvrir ce livre : « Kukum » s’est imposé comme une évidence : un roman à la fois personnel et universel, porteur d’une mémoire qu’il m’a semblé essentiel de découvrir.

Auteur connu : j’ai eu la chance de rencontrer Michel et d’assister à un grand entretien à la dernière Fête du Livre de Saint-Etienne. Retrouvez ma chronique de « Tiohtiá:ke [Montréal] ».

Émotions ressenties lors de la lecture : tendresse, mélancolie, admiration. 

Ce que j’ai moins aimé : RAS

Les plus : la plume, la construction, les personnages, la dimension historique et humaine, la fin. 

Si je suis une âme sensible : c’est un récit d’une grande douceur, un roman qu’on referme le cœur serré mais plein d’amour.

3 réflexions sur “« Kukum » de Michel JEAN

  1. Merci pour cette belle présentation ! C’est avec ce livre que j’ai découvert Michel Jean, et quel plaisir de lecture ce fut ! Ensuite sont venus Atuk et Qimmik, que j’ai beaucoup aimés aussi. De ce fait, je vais continuer à suivre assidument cet auteur Québécois. Merci de nous faire ainsi partager vos bonheurs littéraires ! Bien amicalement. Aline.

    Le mer. 12 nov. 2025, 18:29, Sonia boulimique des livres – Blog littéraire

    Aimé par 1 personne

    1. Merci beaucoup Aline pour votre message, ça me fait vraiment plaisir !
      « Kukum » a été une très belle découverte pour moi aussi. Nul doute que je vais lire les suivants.
      Je suis ravie que mes partages vous plaisent, c’est exactement ce qui me motive à tenir ce blog !
      Bonne journée et belles lectures à venir !

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