Titre : Kinderzimmer
Auteur : Valentine Goby
Éditeur : Actes Sud Babel
Nombre de pages : 240 pages pour la version poche
Formats et prix : broché 20 € / numérique 7.99 € / poche 8.30 €
Date de publication : 17 août 2013 pour la version brochée, 4 mars 2015 pour le poche
Genre : roman historique
En 1944, le camp de concentration de Ravensbrück compte plusieurs dizaines de milliers de détenues. Mila a vingt-deux ans quand elle arrive à l’entrée du camp. Autour d’elle, quatre cents visages apeurés. Dans les baraquements, chacune de ces femmes va devoir trouver l’énergie de survivre, au très profond d’elle-même, puiser chaque jour la force d’imaginer demain.
Et Mila est enceinte mais elle ne sait pas si ça compte, ni de quelle façon.
En lisant le résumé de ce roman, je savais que j’allais être bouleversée. Je suis originaire de Moselle, le passif de la guerre y est très présent dans ma famille. Ma tante, née pendant la guerre a été baptisée avec un prénom allemand. Et une amie de mes parents a accouché dans un camp. Le bébé a survécu, mais il était lourdement handicapé. Le sujet était tabou, de son histoire je ne connais pas grand chose…
1944. Suzanne (Mila) est arrêtée et envoyée au camp de Ravensbrück, réservé aux femmes déportées politiques. Elle a vingt ans et est enceinte de quelques semaines. Comment assurer sa survie, mener cette grossesse à terme discrètement, accoucher et subvenir aux besoins du bébé ? Au milieu de l’horreur, de la vermine, de la boue, de la faim, du froid ? La probabilité d’y arriver est bien mince, mais Mila va s’accrocher. Avec toute l’énergie du désespoir. Dans ce camp où les gens sont destinés à mourir, que ce soit par épuisement, privation ou gazés, existe un lieu dont on ne pouvait pas soupçonner l’existence : la Kinderzimmer (« chambre d’enfants » en allemand), sorte de pouponnière. Une anomalie dans un endroit pareil ! Enfin, de pouponnière, on devrait plutôt appeler cela un mouroir, car même si les nazis tolèrent ce lieu, ils savent pertinemment que l’espérance de vie de ces nourrissons est très faible : pas de lait maternisé, pas de chauffage, pas de soins, pas de matériel. D’autant que ceux arrivant à vivre trois mois sont éliminés. S’il est permis de naître dans ce camp, il n’est pas permis de vivre.
« Il n’y a pas un bébé dans ce camp, pas une mère parce que mettre au monde c’est mettre à mort. »
L’auteure s’appuie sur des témoignages pour écrire « Kinderzimmer ». Mila est certes un personnage de fiction mais combien de Mila ont vécu (survécu) dans ce camp ? Mila va se battre, lutter, refuser la déshumanisation programmée. Elle va mener une vie parallèle à celle de Ravensbrück, rendue possible par cette promesse qu’incarne son ventre et dont progressivement elle va prendre pleinement conscience. Mila évoque également des moments presque joyeux où, avec ses camarades de block, elle partage des chansons, des recettes, tous ces petits riens de la vie d’avant qui faisaient leur bonheur et dont elles mesurent aujourd’hui l’importance. Ce roman est également une ode à la solidarité féminine. Les femmes du camp vont mettre en commun leur énergie, leur foi, leurs espoirs, risquer leur vie pour voler quelques morceaux de charbon destinés à chauffer la pouponnière, dérober des gants chirurgicaux avec lesquels elles fabriqueront des tétines de fortune. Chaque minute gagné sur la mort devient une victoire, un acte de rébellion, de résistance contre le nazisme et son œuvre de destruction massive.
Je regrette juste une fin que j’ai trouvée un peu bâclée, et une difficulté pour moi de ressentir de l’empathie pour les personnages secondaires. Peut-être parce qu’au fond de moi, je ne voulais pas m’attacher à des gens qui allaient forcément mourir dans d’atroces conditions. C’est un détail qui ne m’a pas empêchée de m’immerger totalement dans ce récit, mais j’ai trouvé cela étrange.
L’auteure propose un roman-témoignage bouleversant, sans aucun filtre. La violence est présente et transpire à chaque page. La plume de Valentine est crue, honnête, elle ne cherche pas à atténuer l’horreur. En faisant de Mila notre narratrice, elle projette le lecteur dans cette horreur. Elle utilise des métaphores animalières pour parler des détenues. Même les nourrissons de la Kinderzimmer sont dépouillés de toute appartenance humaine, comparés à des « petits vieillards aux os de poulet ». L’auteure retranscrit parfaitement l’inhumanité du camp, la lecture de « Kinderzimmer » s’avère étouffante. Le sujet est intéressant, dans le sens où il existe très peu d’archives concernant Ravensbrück. Il n’y a que la mémoire vive des survivantes.
Écrire sur ce sujet est urgent, nécessaire, pour ne pas oublier. En cela le roman de Valentine est à lire absolument.
Cette lecture ne m’aura pas laissée indemne. Un miroir historique qui bouscule, qui peut heurter, un voyage dans l’horreur insoupçonnable. Je ne peux que vous conseiller la lecture de « Kinderzimmer ».
« Nous mourrons toutes ici, je mourrai, si ce n’est par le travail c’est par la faim, ou la soif, ou la maladie, ou l’empoisonnement, ou la sélection, ou la balle dans la nuque, ou par l’enfant que je porte, et si rien de tout ça, morte quand même, dans l’extermination finale. Ravensbrück c’est la mort certaine, pas immédiate, pas celle des chambres à gaz que des prisonnières non juives droit venues d’Auschwitz ont raconté avec effroi. Car qui a vu ce que nous voyons parlera. Dira ce qu’il a vu. Ses yeux cracheront les images, sa bouche, son corps, tout en nous vomira ce qu’ils ont fait et ce que nous ne pouvons pas imaginer encore, et c’est pourquoi nous sommes déjà mortes, quelle que soit la fin de l’Histoire, mortes pour nous taire. »
#Kinderzimmer #ValentineGoby #ActesSud
Ce qui m’a poussé à ouvrir ce livre : attirée par la couverture et le titre, je me suis penchée sur le résumé, et voilà ! Le sujet m’intéresse, je lis souvent des livres sur les camps, sur les deux guerres mondiales.
Auteur connu : j’ai rencontré Valentine à la Fête du Livre de Saint-Étienne cette année, je ne l’avais encore jamais lue.
Émotions ressenties lors de la lecture : beaucoup d’émotions, allant de la peur sourde, qui prend aux tripes, à la rage, à la honte, et à l’espoir.
Ce que j’ai moins aimé : petit bémol sur la fin, qui aurait mérité un soin particulier.
Les plus : parler de Ravensbrück et de sa Kinderzimmer. La plume.
Si je suis une âme sensible : sujet difficile décrit sans concession aucune. Attention, ce livre ne laisse pas indemne.
Tu as raison Sonia, ce genre de livre ne laisse pas indemne. Toutefois cette histoire fait ressortir toute l’horreur et la violence de l’humain, qui malheureusement revient au grand galop. Comme tu dis, ça fait peur. Je ne sais pas si je vais le lire car trop sensible à tout ce qui m’entoure. Néanmoins je garde une espérance. Merci pour tes partages. Gros bisous 😽
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