« Dernier cri » d’Hervé COMMERE

Informations 

Titre : Dernier cri

Auteur : Hervé Commère

Éditeur : Fleuve Editions et Lizzie

Nombre de pages : 448 pages

Formats et prix : broché 21.90 € / numérique 13.99 €  / audio 23.99 €

Date de publication : 2 janvier 2025

Genre : polar social

Résumé

Une mort inexplicable, un ex-flic traqué, une cité ouvrière désolée…
Au cours de la nuit adultère qu’Étienne Rozier, ancien policier devenu lobbyiste, passe avec une journaliste, cette dernière est assassinée. S’il ne démasque pas lui-même le meurtrier, Rozier sait qu’il sera le coupable idéal.
Il n’a alors d’autre choix que de disparaître des radars et reprendre à son compte l’enquête qu’elle menait parmi les travailleurs pauvres, dans les coulisses de l’industrie textile. Cette immersion le conduit jusqu’à une ville qu’il pensait ne jamais revoir, liée à un passé qu’il avait préféré renier : Elbeuf.
Là-bas, tout est possible, à défaut d’être permis.
Un polar social sur le poids des origines et les fractures de notre monde.

Mon avis

Mon point sur la narration :

Lu par : Christophe Brault

Durée d’écoute : 11 heures et 50 minutes

J’ai beaucoup apprécié passer ces 11 heures d’écoute en compagnie de la voix de Christophe Brault. Il donne corps au personnage principal, accentuant la tension et la profondeur du récit. Les descriptions de la ville d’Elbeuf, chargée d’histoire et de regrets, prennent vie avec une belle intensité.

La voix de Christophe, à la fois maîtrisée et expressive, colle aux personnages et sublime l’écriture d’Hervé Commère. On ressent pleinement le désarroi de Rozier, la brutalité du monde dans lequel il évolue et l’urgence qui le pousse à découvrir la vérité.

Mon avis sur le roman :

Un polar social aussi haletant qu’engagé, où l’industrie textile devient le théâtre d’une enquête à la fois intime et implacable.

« Dernier cri » nous plonge directement dans un prologue d’une brutalité saisissante. On y découvre Rafi, jeune ouvrier du textile à Dacca, au Bangladesh. Il travaille sans relâche pour coudre des jeans destinés aux grandes marques occidentales, dans des conditions inhumaines. Son unique objectif : sortir sa sœur Farah de cet enfer, où la misère, l’analphabétisme, le poids des traditions et le yaba (drogue omniprésente chez les ouvriers) enferment les plus faibles dans un cycle infernal.

Mais tout bascule lorsque l’usine où travaille Rafi s’effondre. Une catastrophe industrielle, inspirée de drames bien réels comme l’effondrement du Rana Plaza en 2013, qui annonce la portée sociale et politique du roman. Ce prologue n’est pas juste un décor : il est la clé de l’intrigue, l’origine d’un enchaînement de conséquences.

« Leurs conditions de travail évoluent moins rapidement que les critères de la mode occidentale. Qui s’en plaindrait ? Pas la jeune femme qui, son t-shirt blanc déniché, a passé les jeans en revue sans en trouver un qui la séduise, et caresse à présent du doigt une veste dont elle n’a pas besoin, mais qui lui plaît, et ne coûte que 23 euros. Pas Rafi non plus, qui voit plus loin que ces ruelles où grouillent les cafards et la résignation. »

L’histoire bascule ensuite en France, où l’on suit Étienne Rozier, ex-policier reconverti en lobbyiste. Lors d’une nuit adultère avec une journaliste, cette dernière est assassinée. Accusé tout désigné, il n’a d’autre choix que de fuir et de mener lui-même l’enquête. Poussé dans la clandestinité, cette quête de vérité l’amène à Elbeuf, ville industrielle qu’il connaît trop bien, marquée par son passé ouvrier et ravive des blessures qu’il pensait enfouies.

Ce roman va bien au-delà de l’enquête policière. Hervé Commère tisse une fresque sociale glaçante, mettant en lumière les laissés-pour-compte d’un monde en mutation, explorant les ravages de la désindustrialisation et les inégalités sociales. À travers l’enquête de Rozier, le lecteur se voit offrir une plongée bouleversante dans les rouages de l’industrie textile, la précarité ouvrière et le sort des migrants. De Dacca à Elbeuf, le destin de ceux que l’on oublie nous est raconté avec une justesse et une humanité qui frappent en plein cœur.

Étienne Rozier est un personnage profondément humain. Ancien policier ayant abandonné son métier pour une carrière plus lucrative, il se retrouve malgré lui pris au piège d’une machination qui le dépasse. Sa fuite l’oblige à affronter non seulement la vérité sur l’affaire criminelle qui l’accable, mais aussi sur lui-même.

Son retour à Elbeuf est une descente aux enfers. C’est une ville qu’il avait fuie, un passé qu’il avait préféré effacer. Mais dans ce décor de friches industrielles et de désillusion sociale, il n’a d’autre choix que de renouer avec ce qu’il a tenté d’oublier.

Rozier est un homme en quête de rédemption, un antihéros confronté à des dilemmes moraux puissants. En cherchant à prouver son innocence, il se confronte à un monde qu’il avait renié, et découvre une vérité plus grande que lui : celle des laissés-pour-compte du textile, de la mondialisation et de l’oubli. Son enquête sur la mort de la journaliste l’amène à ouvrir les yeux sur le sort de ces travailleurs de l’ombre, ces migrants exploités dans une indifférence quasi générale. A mesure qu’il découvre la vérité, son regard change. Il ne peut plus ignorer ce qu’il voit.

« Votre pantalon fabriqué en Chine, d’ailleurs il ne vient sans doute plus de Chine, mais plutôt du Bangladesh ou d’Éthiopie, il est confectionné par des enfants réduits à l’état d’esclaves, au mépris de tout droit humain, et sans aucune considération pour l’environnement. Votre jean, il fait parfois plus de 60 000 kilomètres en avion avant d’arriver jusqu’à vous, pour se retrouver dans des supermarchés qui payent au minimum ceux qui les mettent en rayon. Voilà ce qu’il coûte, votre pantalon chinois. Il fait souffrir tout ceux qui l’entourent, du début à la fin. »

On retrouve Rafi et Farah à Elbeuf. Rafi a survécu à la catastrophe de Dacca, mais à quel prix ? Réfugié en France après un parcours périlleux, il travaille désormais dans une entreprise de nettoyage qui emploie des migrants. Son histoire est poignante. Lui qui rêvait d’une vie meilleure se retrouve exploité autrement, invisible dans un pays qui ferme les yeux. Sa sœur Farah, elle aussi, tente de survivre, de s’intégrer, dans un monde où tout est finalement, plus difficile quand on n’a pas les bons papiers. Leur parcours met en lumière la dure réalité des migrants : l’illégalité, la peur constante d’être expulsé, et la nécessité d’accepter n’importe quel travail pour survivre.

« Ce qui compte c’est que sept heures à Elbeuf ont suffi pour que Swann Artigaud se déniche un job, une bagnole et un toit. La base est posée. Demain Swann Artigaud devient agent d’entretien et Etienne Rozier ouvre grands ses oreilles et ses yeux. »

La critique sociale est omniprésente mais jamais pesante. L’auteur ne donne pas de leçon, il nous confronte simplement aux faits : la mondialisation, l’exploitation, la migration forcée, la misère qui ne connaît pas de frontière.

Le parallèle entre l’ancienne industrie textile française et les usines du Bangladesh est édifiant. À Elbeuf, des générations d’ouvriers ont vu leur monde s’effondrer, comme celui de Rafi à Dacca. Loin d’être un simple décor, ces thématiques s’intègrent naturellement à l’intrigue, donnant au roman une dimension humaine et politique forte.

L’enquête criminelle sert de fil rouge à une dénonciation magistrale des dérives de notre monde. À travers le destin de Rozier, mais surtout celui de Rafi et des autres, Hervé nous confronte à des réalités que l’on préfère souvent ignorer.

La plume d’Hervé est incisive, sobre et engagée. Il place l’humain au cœur de l’intrigue. Il expose des injustices sans jamais tomber dans le pathos ou le didactisme. Il nous pousse à réfléchir sans nous asséner un discours moralisateur, en laissant parler les faits et les destins brisés. Hervé sait donner à ses décors une présence presque vivante, renforçant l’impression d’enfermement ou d’oppression qui pèse sur les personnages.

Que dire de la fin ? Elle nous laisse avec une réflexion troublante sur les choix que l’on fait quand on n’a plus d’issue. J’en suis ressortie sonnée, partagée entre incompréhension, tristesse et un sentiment d’inéluctabilité. Une conclusion qui, loin d’apporter un soulagement, renforce encore l’impact du roman.

« Dernier cri » est un polar rythmé, captivant et engagé. L’intrigue, solidement construite, nous tient en haleine jusqu’au bout, tandis que la dimension sociale apporte une réflexion pertinente sur les rouages du capitalisme et la condition ouvrière. 

Entre passé trouble et présent menaçant, « Dernier cri » interroge et bouscule, c’est une lecture marquante, qui résonne longtemps après la dernière page… ou la fin de l’écoute.

« En France, lui avait expliqué Nobel, on t’accueille si tu viens d’un pays en guerre, si tu es un opposant. Pas si tu viens d’un pays pauvre. On t’accueille si tu risques de mourir à cause de tes idées. Pas si tu risques de mourir de faim. »

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En bref…

Ce qui m’a poussé à ouvrir ce livre : le résumé m’a fait tilt. J’aime la plume d’Hervé et j’avais envie de découvrir comment il allait traiter ce sujet, oh combien actuel et terrifiant.

Auteur connu : retrouvez mes chroniques de « Les intrépides », « Sauf », « J’attraperai ta mort ». Je l’ai rencontré à la fête du livre de Rennes en 2018.

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Émotions ressenties lors de la lecture : colère, indignation, angoisse, révolte, attachement, espoir. 

Ce que j’ai moins aimé : RAS

Les plus : la dimension sociale,incontestablement, le rythme, les personnages, la plume, la fin.

Si je suis une âme sensible : RAS

Une réflexion sur “« Dernier cri » d’Hervé COMMERE

  1. Bonjour. Eh oui c’est la réalité de notre siècle. Moi j’espère qu’il va s’écrouler comme les puissances qui ont existé avant nous et qui se sont écroulées lorsque la morale, la vie familiale et tant d’autres défauts ont apparu.

    Nous allons dans ces conditions tout refaire. Mais mon espoir ne viendra pas de l’humain, car il fait toujours les mêmes erreurs.

    En tous les cas ce titre m’attire et je pense qu’il va rejoindre la liste que je fais grâce à tes résumés.

    Bonne fin de semaine et bon week-end.

    Bises

    Domi

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