« La route de Wakalé » de Solenn HONORINE

Informations 

Titre : La route de Wakalé

Auteur : Solenn Honorine

Éditeur : L’Archipel

Nombre de pages : 272 pages

Formats et prix : broché 22 € / numérique 14.99 €

Date de publication : 4 septembre 2025

Genre : littérature générale

Résumé

Alix, sur un coup de tête, s’est engagée à Médecins sans frontières.
Sa vie de couple et son job d’ingénieure des eaux la menaient dans une impasse. Elle est envoyée au Nord-Kivu, à l’ouest du Rwanda, où vivent des milliers de réfugiés. En liaison avec les Nations unies et les leaders communautaires, le travail humanitaire commence aussitôt : installation de pompes, gestion d’une épidémie de choléra…
Premiers espoirs, premiers déboires. Première mission, sans cesse compromise par les tensions interethniques et les actes de délinquance.
Alix doit naviguer entre les réalités du terrain, les attentes de ses collègues, le bon vouloir de l’administrateur territorial et les intérêts du « major Mars », un ancien chef de guerre qui attend son heure…
Au moment de renouveler son contrat, des questions surgissent : son engagement est-il désintéressé ? Comment rester neutre lorsqu’on est témoin d’exactions ? Pourquoi soigner des bandits aux mains couvertes de sang ? Une rencontre va tout changer et la révéler à elle-même…

Loin du fantasme héroïque du fardeau de l’homme blanc, La Route de Wakale offre une immersion saisissante parmi cette « bande d’humains » dont personne n’avait raconté sans clichés le travail au jour le jour, « les pieds dans la merde et la tête dans les étoiles ».

Mon avis

 

Une plongée sans fard dans le quotidien des humanitaires

Sur un coup de tête, Alix, 27 ans, quitte sa vie confortable et sans relief pour s’engager à Médecins sans frontières. Sa première mission la conduit au Nord-Kivu, une région marquée par les tensions et les crises humanitaires. Entre l’urgence sanitaire, les jeux de pouvoir locaux, les dilemmes moraux et la réalité du terrain, elle se heurte à une réalité bien différente de ce qu’elle avait imaginé. Peu à peu, cette expérience la confronte à elle-même et transforme profondément sa vision du monde.

« Pendant qu’elle pianote sur son clavier, je lui explique que je pars construire un réseau de puits dans une douzaine de villages perchés dans les montagnes du Nord-Kivu, à l’est de la République démocratique du Congo. »

Une héroïne en quête de sens

Dès les premières pages, on sent qu’Alix est à un tournant. Sa vie parisienne, entre un couple en panne et un poste d’ingénieure vidé de son sens, l’étouffe. Son départ pour le Nord-Kivu, précipité et presque irréfléchi, résonne comme un appel vital. Elle ne sait pas vraiment ce qu’elle va y chercher, mais elle sait ce qu’elle laisse derrière.

Solenn offre ici un portrait juste et nuancé d’une femme qui vacille, doute, apprend, chute et se relève. Alix n’est jamais idéalisée. Elle est humaine, avec ses élans de générosité et ses contradictions.

Une narration à la première personne pour une immersion totale

Alix n’est pas seulement l’héroïne de « La route de Wakale » : elle en est aussi la narratrice. Ce choix d’écriture place immédiatement le lecteur au plus près de ses ressentis, de ses doutes et de son regard sur le monde humanitaire. Nous vivons les événements à travers elle, sans filtre, avec toute la subjectivité que cela implique.

Cette narration à la première personne crée une proximité émotionnelle forte. On partage ses moments d’élan comme ses découragements, ses colères, ses maladresses et ses prises de conscience. Cela rend le récit particulièrement vivant, incarné, parfois dérangeant, mais toujours sincère.

En même temps, cette posture soulève une question essentielle : peut-on faire confiance à un témoignage qui n’est que partiel, personnel, forcément biaisé ? Ce flou ajoute à la richesse du roman, car il nous pousse à rester lucides, à ne pas tout prendre pour argent comptant et à interroger notre propre regard de lecteur occidental.

Une immersion saisissante dans le monde de l’humanitaire

Ce qui frappe, c’est le réalisme du récit. Loin des représentations romancées ou misérabilistes, Solenn nous plonge dans le quotidien rugueux de celles et ceux qui travaillent dans les ONG : les compromis éthiques, les tensions d’équipe, la fatigue, la bureaucratie, les rivalités entre les acteurs de terrain.

On y découvre les coulisses d’un monde que l’on fantasme souvent, sans en comprendre les rouages. Ici, pas de héros auréolés, mais des professionnels épuisés, volontaires, parfois désabusés, toujours confrontés à des dilemmes moraux vertigineux : faut-il soigner un homme coupable de massacres ? Peut-on parler de neutralité quand on est témoin d’atrocités ? Jusqu’où va le devoir d’aider ?

Un roman politique, mais profondément humain

À travers l’histoire d’Alix, « La route de Wakale » interroge les grandes notions de l’engagement, du sens du travail, de la culpabilité occidentale, mais aussi de la justice et de la réconciliation. La plume est fluide, précise, parfois crue, jamais complaisante.

Au cœur de ce roman, ce sont les liens humains qui font vibrer la lecture. L’entraide, les gestes minuscules, les regards échangés entre deux langues, les silences lourds ou apaisants : tout cela donne au texte une grande justesse émotionnelle.

« L’envie, le désir, l’enthousiasme, appelez ça comme vous voulez, c’est la preuve qu’on est vivant. »

Une écriture engagée, sans jamais être donneuse de leçons

Solenn parvient à éviter tous les écueils : pas de manichéisme, pas de leçons de morale. Le roman donne à penser sans imposer. Il montre, il interroge, il donne la parole à ceux qu’on entend peu. Il n’y a pas de réponse toute faite, mais une multitude de voix, d’expériences, de vérités.

Lire « La route de Wakale » a été une expérience aussi marquante qu’instructive. J’ai été profondément touchée par l’humanité qui se dégage de ce roman, par la complexité des situations décrites et par la sincérité du ton. J’ai eu l’impression d’être embarquée aux côtés d’Alix, de vivre avec elle cette première mission, ses tâtonnements, ses découragements, mais aussi ses petites victoires. Certaines scènes m’ont bouleversée, d’autres m’ont dérangée, et c’est, je crois, tout l’intérêt de ce livre : il ne cherche pas à plaire ou à rassurer, mais à montrer la réalité dans toute sa nuance. Une lecture forte, qui bouscule, interroge et laisse une empreinte durable.

« -Ça ne te fait pas bizarre que la femme soit achetée ?

-Pourquoi donc ? Ça montre que ton homme te donne de la valeur. S’il ne paie pas pour te marier, qu’est-ce qui te fait croire qu’après il te fera manger ? »

Un grand merci aux Editions L’Archipel et NetGalley pour cette lecture.

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En bref…

Ce qui m’a poussé à ouvrir ce livre : j’aime les récits qui s’inspirent de réalités contemporaines. Le monde humanitaire m’intrigue : on en entend souvent parler de loin, mais rarement raconté de l’intérieur. Cette lecture m’a offert bien plus qu’un simple témoignage : une immersion littéraire et humaine.

Auteur connu : « La route de Wakale » est le premier roman de Solenn, correspondante de presse en Asie et en Afrique. 

Émotions ressenties lors de la lecture : admiration, empathie, tendresse, colère, impuissance.

Ce que j’ai moins aimé : RAS

Les plus : le réalisme de l’immersion dans l’humanitaire, la réflexion et les thématiques, les personnages, la plume.

Si je suis une âme sensible : ce roman n’édulcore rien. Toutefois, derrière la dureté, il y a toujours une grande humanité et des éclats de lumière.

3 réflexions sur “« La route de Wakalé » de Solenn HONORINE

  1. Hello Sonia 🌞 Je t’avoue que je n’avais du tout remarqué ce roman et c’est en lisant ta chronique maintenant que je m’arrache les cheveux, me disant « Mé comment j’ai pu rater cette pépite! »: humanitaire, voix féminine et quête de sens ✨ Et hop : dans ma wishlist ✨ Merci à toi pour cette découverte ma très chère 😉

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