Informations :
Titre : affamée
Auteur : Raven Leilani
Éditeur : Cherche Midi
Nombre de pages : 320 pages
Format et prix : broché 22 € / numérique 13.99 €
Date de publication : 25 février 2021
Genre : littérature américaine
Résumé :
Edie, jeune Afro-Américaine, a décroché un poste dans l’édition, mais il semble toujours y avoir quelqu’un de plus respectable ou de plus » blanc » prêt à prendre sa place. Côté sexe, sa vie est assez débridée, mais sentimentalement les résultats ne sont guère satisfaisants. Or voilà qu’elle rencontre – par Internet – Eric, un homme blanc plus âgé qu’elle, avec qui elle entame une aventure aussi torride qu’ambiguë.
Elle fait bientôt la connaissance de son épouse, qui lui propose de venir habiter chez eux pour s’occuper de leur fille adoptive, une adolescente afro-américaine un peu perdue dans ce milieu huppé. La cohabitation – floue, sous tension – va exacerber les conflits latents, et générer des situations pour le moins inhabituelles, sur fond de séduction et d’incompréhension.
Mon avis :
Notre narratrice est Eddie, jeune afro-américaine de 23 ans qui travaille dans l’édition à Manhattan. Elle vit en colocation dans un appartement vraiment miteux (la colocation se fait également avec rats et cafards, berk !) et aspire à devenir une artiste. Elle est affamée, on s’en rend vite compte dès les premières phrases. Mais pas de nourriture, de pouvoir ou encore de réussite. Non, de sexe. Elle a couché avec tous ses collègues masculins, ou presque. Elle va entamer une liaison avec Eric, proche de la cinquantaine, marié avec Rebecca, d’un milieu aisé, et surtout, Blanc.
Les premiers chapitres tombent sans vergogne dans la sexualité crue, pouvant gêner certains lecteurs. Je me suis demandée dans quoi je m’étais embarquée ! Mais finalement, l’auteur nous livre bien plus que des scènes chaudes : c’est une analyse des rapports sexuels, des différentes attitudes face au corps, une espèce de dissection ironique et remplie de métaphores.
L’intrigue devient sournoise lorsqu’Eddie emménage chez Eric, afin d’aider Akila, la fille adoptive d’Eric et Rebecca, âgée de 12 ans, seule et isolée, car l’une des rares enfants noirs dans une banlieue blanche. Les relations entre le quatuor vont devenir de plus en plus ambigües.
J’ai trouvé la plume de l’auteure directe, audacieuse, mais surtout caractéristique, les chapitres étaient longs, mais les phrases aussi, donnant un ressenti d’incontrôlabilité, mais dénotant justement un contrôle d’écriture remarquable. Raven fait preuve d’énormément de perspicacité, décrivant une société américaine perdue dans ses valeurs, mais sans jamais procéder au moindre jugement.
Les personnages se révèlent tous riches et tourmentés, l’auteure réussissant à capturer le désespoir et la précarité de la vie d’Eddie, jeune femme destructrice mais tendre, avide d’expérience mais profondément vulnérable et souvent drôle. Elle va se rapprocher d’Akila, parlant cheveux et bandes dessinées, elles vont se découvrir des points communs assez troublants, Akila va-t-elle marcher dans les traces d’Eddie ? Eric quant à lui, m’a énormément agacée, j’ai eu beaucoup de mal à le cerner, à savoir ce qu’il cherchait.
L’art tire également son épingle du jeu, puisqu’Eddie s’en sert tel un exutoire pour échapper au carcan infligé par sa condition sociale. Certaines scènes avec Rebecca, médecin légiste, m’ont passionnées : Eddie, peignant les corps durant l’autopsie, résumait bien en fait toute l’ambiance du roman : la jeune femme, présente comme un cheveu sur la soupe dans des endroits improbables pour son milieu, apportant un œil critique et curieux, cherchant à se faire accepter.
Le récit est assez inégal, selon moi. Il y a eu des passages où j’ai été totalement immergée dans le déroulé de l’histoire, et d’autre beaucoup moins intéressants. Certaines situations auraient mérité d’être plus longuement détaillées, j’ai été assez frustrée. Le thème du statut des afro-américains aux États-Unis n’a pas été assez détaillé, je pense que l’auteure cherchait autre chose : le manque de reconnaissance et d’amour.
« Je voulais devenir chirurgienne. Puis, pendant ma première année de médecine, nous avons vu nos premiers cadavres et il y avait toutes ces informations à l’intérieur. Un patient, tu peux être sûre qu’il va mentir sur ce qu’il boit ou ce qu’il fume, mais avec un cadavre, toute l’information est là , disponible. »
« Et quand je suis seule avec moi-même, voilà ce que j’attends : que quelqu’un, avec des mains implacables, résolues, me couche sur une toile pour que, le jour où je serai morte, il y ait quelque part une preuve que j’étais là. »
Un récit obligeant le lecteur a sortir de sa zone de confort, qui interroge, ne donnant pas forcément toutes les réponses.
Malgré tout j’ai passé un très bon moment de lecture avec ce roman hors norme, je remercie la Masse critique Babélio et les Éditions Cherche Midi pour cette découverte.
#RavenLeilani #Affamée #ChercheMidi
En bref :
Ce qui m’a poussé à ouvrir ce livre : le résumé, la thématique m’intéresse beaucoup.
Auteur connu : « Affamée » est le premier roman de Raven, nul doute qu’elle ne va pas s’arrêter là !
Émotions ressenties lors de la lecture : des émotions assez contradictoires, finalement, allant de l’envie à la passion et la curiosité, en passant par l’ennui, de l’empathie pour certains personnages, de l’indifférence pour Eric, une certaine frustration par rapport au récit.
Ce que j’ai moins aimé : un récit inégal, des dialogues trop plats, j’ai trouvé cela dommage.
Les plus : la plume, atypique, le fait que le lecteur sort de sa zone de confort, qu’elle quelle soit, le personnage d’Eddie, sa soif d’amour et de reconnaissance.
Je me demande si j’aimerais ce type d’écriture. Je suis plutôt du genre « rigueur » aussi bien dans mes lectures que dans mes écrits donc… j’hésite. Peut-être que l’auteure a besoin de mûrir un peu ?
J’aimeJ’aime
Je ne suis pas sûre que ce soit une question de maturité d’écriture. Selon moi, c’est vraiment la « patte » de l’auteure. Pas sûre que cette lecture te convienne en effet !
J’aimeJ’aime