Titre : Shit !
Auteur : Jacky Schwartzmann
Éditeur : Seuil
Nombre de pages : 320 pages
Formats et prix : broché 19.50 € / numérique 13.99 €
Date de publication : 3 mars 2023
Genre : policier
Quand Thibault débarque à Planoise, quartier sensible de Besançon, il est loin de se douter que la vie lui réserve un bon paquet de shit. Conseiller d’éducation au collège, il mène une existence tout ce qu’il y a de plus banale. Sauf qu’en face de chez lui se trouve un four, une zone de deal tenue par les frères Mehmeti, des trafiquants albanais qui ont la particularité d’avoir la baffe facile. Alors que ces derniers se font descendre lors d’un règlement de comptes, Thibault et sa voisine, la très pragmatique Mme Ramla, tombent sur la cache de drogue.
Que faire de toute cette came ? Lorsque notre duo improvisé compare ses fiches de paie avec le prix de la barrette, il prend rapidement une décision. Un choix qui pourrait bien concerner tout Planoise.
Un polar noir mais lumineux grâce à l’humour de l’auteur.
Thibault Morel est CPE dans un collège sensible de Besançon, dans le quartier de Planoise. Et quoi de mieux pour s’intégrer et connaître ses élèves que de loger dans ledit quartier ? Sauf que son hall d’immeuble est gangréné par des dealers albanais. Imaginez un peu, pour rentrer chez lui, Thibault doit fournir un justificatif de domicile au pingouin qui filtre les entrées ! Ça commence bien, je me bidonne d’entrée de jeu.
« Deux ou trois choufs – entendez des adolescents en scooter – sillonnent en permanence le secteur. Si le moindre flic débarque, les telephones portables se mettent en branle et le four (la cache) en sommeil. Au premier étage, un appartement équipé d’une porte blindée a été réquisitionné et transformé en officine. Défilé permanent dans l’escalier, la clientèle, une file indienne comme en rêverait tout professeur de collège. Et dehors enfin, à l’entrée de l’immeuble, assis toute la journée sur une chaise camping Décathlon, celui qui filtre les entrées. Aussi incroyable que cela puisse paraître, ce type exige un justificatif de domicile pour accéder à l’immeuble. »
Notre pauvre Thibault découvre la banlieue, un monde dont il ignorait presque l’existence, autant dire que le choc est grand. Car il est tranquille, calme, il ne fait pas de vagues. Il fait son travail consciencieusement, c’est le français lambda classique de la classe moyenne.
Lorsqu’un réglement de compte décime les chefs du clan, Thibaut et sa voisine, Madame Ramla, mettent la main sur l’argent et la réserve de shit. Que faire ? Madame Ramla souhaiterait bien finir de payer sa Fiat… Thibaut, quant à lui, aimerait aider sept élèves dont les parents bien trop pauvres ne peuvent pas payer le voyage scolaire…
« Du fric, des flingues et des dizaines de kilos de shit entreposés là, trésor de pirates urbains. Les Mehmeti froidement assassinés. Séisme intérieur, les plaques tectoniques de l’âme en vrac. »
De fil en aiguille, nos deux personnages honnêtes et intègres vont se transformer en dealers de choc. Ils vont monter une véritable entreprise, avec tous les inconvénients qui vont avec. Organisation du travail, réassort, ressources humaines, etc. Mais tout cela pour la bonne cause. Car si Thibault et Madame Ramla profitent personnellement de l’aubaine (ils ne sont pas des saints non plus, faut pas exagérer), ils ne sont pas égoïstes pour autant et jouent au Robin des Bois des temps modernes.
Un polar absolument déjanté, drôle, qu’il serait dommage de ne pas savourer. L’écriture de Jacky est directe, punchy, et caustique. Ses personnages sont à la fois attendrissants et agaçants, il faut dire que Thibault déteste les vegan et est un tantinet raciste sur les bords. Toutes ses convictions de petits fonctionnaire blanc vont être remises en question avec sa nouvelle vie. Il n’aura pas d’autre choix que de se transformer, bien malgré lui, en petit soldat de la Macronie. CPE le jour, dealer la nuit. Le lecteur fini cette histoire en détestant les chiffres, il faut dire que Thibault partage tout, y compris ses comptes d’apothicaires, alignant les kilos euros par dizaine.
Thibault forme un duo totalement improbable avec Madame Ramla, ils se complètent bien et vont s’entendre à merveille, agissant dans un but commun. Madame Ramla, qui s’avère très généreuse et avide d’aider des familles en difficulté. Elle va enfin pouvoir trouver sa place au sein des barres d’immeubles, se sentir utile.
Devenir dealer, ça ne s’apprend pas dans les livres, ça n’est pas vraiment inné, et Thibault va se former sur le tas, et c’est ça qui est jouissif. On va le voir s’empêtrer, faire des erreurs, tenter de les rattraper comme il peut, et petit à petit, gagner en assurance jusqu’à réussir à faire fructifier son business. Le blanchiment de l’argent, par exemple, est une problématique épineuse qu’il va bien falloir résoudre, d’une manière ou d’une autre…La gestion des stocks est également coton. Thibault en fera les frais, n’ayant pas anticipé les fêtes étudiantes du jeudi soir…
Cette citation est pépite :
« Un petit quart d’heure plus tard, je reçois un texte de Réda : « Chocolat reçu. C’est congelé, bordel ! ». Je réponds : « T’as qu’à dire que c’est du shit Mister Freeze. M’emmerde pas. »
Jacky nous propose un état des lieux vitriolé, détaillé et immersif de nos banlieues, et je vous avoue que cela fait froid dans le dos, malgré toute la dose d’humour que Jacky y a instillé. Je n’irai pas jusqu’à dire que « Shit ! » est une formidable étude sociologique de nos banlieues, mais si vous avez envie de vous informer sur ce sujet, ce roman vous aidera bien plus qu’un essai rébarbatif !
Et vous, si vous trouviez une réserve de shit, vous feriez quoi ?
« Il n’y a qu’une chose à laquelle je n’ai pas pensé : avoir une arme sur soi, c’est bien ; avoir le temps de la sortir, c’est vachement mieux. »
« Shit ! » est tout simplement jubilatoire, je vous le conseille ! Ça fait du bien ! Si vous ne connaissez pas encore les romans de Jacky Schwartzmann, il n’y a pas une seconde à perdre : le meilleur reste à venir pour vous !
#Shit! #JackySchwartzmann #Seuil
Ce qui m’a poussé à ouvrir ce livre : l’auteur et le titre, qui était plus que prometteur. Quant au résumé, avouez qu’il faudrait être fou pour ne pas avoir envie de se plonger dans ce récit.
Auteur connu : j’ai fait connaissance avec l’auteur dans « Pension complète » et j’ai beaucoup aimé cette plume drôle et touchante.
Émotions ressenties lors de la lecture : beaucoup d’émotions positives, mais aussi un peu d’effarement et d’ angoisse.
Ce que j’ai moins aimé : RAS
Les plus : la plume, l’humour, les personnages, la morale de cette histoire.
Si je suis une âme sensible : RAS
2 réflexions sur “« Shit ! » de Jacky SCHWARTZMANN”