« Le sang des génies » de Coline GATEL

Informations 

Titre : Le sang des génies

Auteur : Coline Gatel

Éditeur : BOD

Nombre de pages : 352 pages

Formats et prix : broché 18.90 € 

Date de publication : 2 juin 2025

Genre : polar historique

Résumé

Lyon, 1899. Les fêtes de fin d’année sont passées et le professeur Alexandre Lacassagne n’a toujours pas de nouvelles de Félicien Perrier, criminologue, et d’Irina Bergovski, journaliste au Progrès de Lyon.

Lorsqu’il se décide enfin à forcer leur porte, ce qu’il découvre dépasse de loin ce qu’il avait imaginé !

Pour sauver Félicien, rongé par la tuberculose, il n’a d’autre choix que de l’envoyer en Bavière, dans un sanatorium réputé.

Mais, ce qui se passe « Là-Haut », comme les gens du cru appellent l’établissement, est particulier. Des corps sont retrouvés, exsangues. Le fils du directeur disparait.

Quelle est cette communauté, en quête de perfection, qui vit dans une grande ferme, en pleine nature ? Et, qui est cette femme, Mina, qui pose son dévolu sur Félicien, au point de le troubler ?

Même si le bateau-morgue sur le Rhône est bien loin, et malgré son état de santé alarmant, Félicien reprend du service, vite épaulé par Irina qui le rejoint. Ensemble à nouveau, parviendront-ils à dénouer les fils de cette étrange histoire ?

Mon avis

Troisième volet des enquêtes de Lacassagne et Félicien Perrier. Il est recommandé d’avoir lu les deux premiers tomes pour profiter pleinement des subtilités de l’histoire et des relations entre les personnages.

Une ouverture glaçante dans un décor hivernal

Lyon, début 1899. Le lecteur retrouve le professeur Alexandre Lacassagne, père spirituel de Félicien Perrier, inquiet de l’absence prolongée de son protégé et de la journaliste Irina Bergovski. Lorsque Lacassagne force leur porte, c’est un Félicien affaibli, rongé par la tuberculose, qu’il découvre. La décision est vite prise : pour tenter de le sauver, il l’envoie dans un sanatorium bavarois réputé, surnommé « Là-Haut » par les habitants de la région.

Coline nous entraîne alors dans une atmosphère radicalement différente : la neige, l’isolement, les montagnes et le sanatorium.  Mais ici, la science se mêle au mystère et à l’angoisse : des corps vidés de leur sang, un enfant disparu, une communauté secrète qui rêve de perfection… Et une femme, Mina, dont l’emprise sur Félicien intrigue autant qu’elle inquiète.

Le lecteur bascule très vite dans un climat d’angoisse sourde.

Des thématiques fortes et modernes

Ce troisième volume pousse la série dans des zones plus sombres. Au-delà du suspense, Coline explore ici des thèmes passionnants. Celui de la tuberculose, d’abord : les descriptions du sanatorium, du quotidien des malades ou encore des traitements de l’époque sont d’un grand réalisme. La documentation est fine, toujours au service du récit.

Mais Coline va plus loin, en confrontant le lecteur aux prémices de l’eugénisme, dans une communauté installée au pied du sanatorium, repliée sur elle-même, adepte des discours sur la pureté, la régénérescence du corps et de l’âme. Ce n’est pas sans rappeler certaines utopies devenues cauchemars et qui résonnent hélas encore aujourd’hui.

« -Que veux-tu dire par Armanistes ?

– Comment ? Tu ne connais pas ? Ce sont des gens qui de regroupent en colonies à la campagne. Ils viennent en général de la ville et défendent une théorie selon laquelle l’Allemagne antique était une civilisation supérieure. Ce sont des ario-germaniques. Ils réclament le retour à l’âge d’or, racialement pur, et prônent une religion issue de croyances médiévales fantastiques. »

En parallèle, à Lyon, une intrigue plus intime suit Elise (que vous connaissez déjà si vous avez lu les précédents volets), enceinte, isolée, accueillie dans une maison de naissance où elle est accompagnée avant que son enfant ne soit confié à une riche famille. Cette ligne narrative, à la fois douce et terrible, complète parfaitement les autres en explorant les enjeux de la maternité, du corps féminin et de la filiation.

Coline traite ces sujets avec justesse, sans excès, en ancrant toujours son récit dans une réalité historique palpable, mais surtout, sans jamais perdre de vue l’humain.

Une enquête à deux voix, toujours aussi efficace

Côté personnage, Félicien et Irina forment un duo complémentaire et attachant. Si Félicien semble au bord du gouffre (entre fièvre, confusion et attraction pour Mina), Irina, fidèle à elle-même, ne tarde pas à le rejoindre pour comprendre ce qui se trame « Là-Haut ». L’énergie, la perspicacité et l’indépendance de la journaliste contrastent avec la fragilité du criminologue, donnant un équilibre précieux au récit.

Leurs échanges sont toujours aussi bien écrits, teintés de respect mutuel, d’affection et d’une tension latente qui ne fait que renforcer notre attachement à ce tandem. Coline évite les clichés amoureux, préférant explorer la complexité des liens humains dans un monde où la mort rôde à chaque coin de couloir.

Un roman d’ambiance, entre enquête et roman noir historique

La plume de Coline est précise et élégante. Elle déploie avec talent une atmosphère à la fois poétique et inquiétante. 

Comme dans les tomes précédents, le travail de documentation est remarquable. Les références médicales, les outils d’investigation de l’époque donnent au roman un réalisme qui renforce l’impact de l’enquête.

« – Son cadavre a, sans nul doute possible, été acheté à une famille indigente. Il est mort d’une phtisie, en atteste la dégradation de ses poumons. Mais, sans l’étude plus approfondie des restes, je ne peux vous en dire plus. »

La narration est parfaitement maîtrisée. Malgré la multiplication des fils, enquête criminelle, communauté repliée, grossesse hors cadre,  jamais le récit ne perd son lecteur. Bien au contraire, les intrigues s’entrelacent avec fluidité, se répondent en écho, enrichissant l’ensemble. Le rythme est soutenu, les rebondissements nombreux et l’intérêt ne faiblit jamais.

L’absence relative de Lacassagne, en retrait pour cette enquête, peut surprendre au départ, mais laisse justement plus de place aux autres personnages, notamment à Félicien, central dans cette histoire. Jusqu’à la fin, émouvante, où il paiera le prix fort pour avoir approché la vérité.

Ce troisième tome est sans doute le plus sombre, le plus introspectif, mais aussi le plus ambitieux. Il interroge en profondeur les notions de guérison, de normalité, de contrôle social, tout en offrant une enquête riche et palpitante.

Coline prouve une nouvelle fois qu’elle maîtrise à la perfection l’art du roman historique criminel. Elle donne à ses personnages une épaisseur rare et à son intrigue une tension constante. Une réussite.

Mon ressenti de lecture

J’ai eu la chance de découvrir ce troisième tome en avant-première, dans le cadre d’une bêta-lecture proposée par Coline. C’est toujours un privilège de plonger dans un texte en cours de finalisation, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’un univers que je connais et que j’apprécie. 

J’ai été immédiatement happée par l’atmosphère singulière de ce troisième tome, à la fois oppressante et envoûtante. Le décor du sanatorium, isolé dans les montagnes bavaroises, m’a glacée autant qu’il m’a fascinée. J’ai retrouvé avec plaisir Félicien et Irina, deux personnages que j’affectionne particulièrement, chacun à leur manière, fragiles et combatifs. Le récit, plus sombre que les précédents, m’a touchée par sa profondeur psychologique et la réflexion qu’il propose sur la condition humaine, la maladie et les dérives d’une science sans morale. Coline a su maintenir une tension constante, mêlant subtilement enquête, émotion et éléments historiques. Une lecture immersive, parfois dérangeante, mais bigrement passionnante !

À lire absolument si vous aimez les enquêtes immersives, les décors chargés de mystère et les romans qui font réfléchir autant qu’ils divertissent.

Un petit plus utile

À noter un ajout très appréciable en début d’ouvrage : un résumé des tomes précédents, afin de se remettre aisément dans le bain. Et pour permettre aux lecteurs n’ayant pas lu les premiers de raccrocher les wagons.

Un énorme merci à Coline pour cette lecture et sa confiance.

#Lesangdesgénies   #ColineGatel

« Irina regardait le brouillard engloutir la ville. Une espèce de coton compact, d’un blanc mat presque gris sale, qui semblait vouloir étouffer les gens. Quelques minutes de plus, et il avalerait les vitres de la fenêtre, elle en était certaine. »

En bref…

Ce qui m’a poussé à ouvrir ce livre : j’étais impatiente de retrouver les personnages des tomes précédents et de repartir dans un contexte historique où la médecine légale n’en était qu’à ses balbutiements.

Auteur connu :  Retrouvez mes chroniques des deux tomes précédents : « Les suppliciées du Rhône » et « Le labyrinthe des femmes ».

J’ai rencontré Coline lors des Quais du Polar en 2021 pour une visite guidée passionnante visant à évoquer les débuts fracassants de la Médecine Légale.

Et en 2019, toujours aux Quais du Polar, pour une conférence consacrée à la naissance de la criminologie. D’ailleurs, j’avais retranscris cette conférence avec beaucoup de détails, si vous souhaitez en découvrir plus sur l’époque concernée et sur le travail de Coline, n’hésitez pas à lire mon article, ici.

Émotions ressenties lors de la lecture : inquiétude, tension, curiosité, envie, passion, empathie, espoir, tristesse.

Ce que j’ai moins aimé : la fin !! Mais je ne vais pas vous dire pourquoi ! Mais rassurez-vous, elle est parfaite !!

Les plus : les personnages, l’ambiance, le contexte historique, les questionnements scientifiques et idéologiques, la plume.

Si je suis une âme sensible : méfiez-vous, certaines scènes ne sont pas tendres.

Une réflexion sur “« Le sang des génies » de Coline GATEL

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