Interview de Fabio MITCHELLI

Présentation de l’auteur :

Fabio M.Mitchelli, né à Vienne (Isère) en 1973, musicien et écrivain, auteur de thrillers psychologiques, romans et nouvelles. Il a signé « La trilogie des verticales » parue aux éditions Ex-aequo entre 2010 et 2012, dont « La verticale du fou », le premier opus de ce singulier triptyque, a été classé dans le top 3 des romans les plus téléchargés sur le territoire français en 2011 au côté de David Foenkinos.

1988 : Fabio M.Mitchelli découvre Edgar Allan Poe et se passionne pour ses œuvres. « Double assassinat dans la rue Morgue » sera son premier émoi littéraire et le déclencheur d’une passion pour l’écriture et la littérature noire.

1996 : Fabio M.Mitchelli découvre Maurice G. Dantec et plus particulièrement « Les racines du mal » qui, pour lui, fut une révélation et une véritable source d’inspiration qui forgera son style.

2010 : Les éditions Ex-aequo donneront sa chance à l’auteur en publiant son premier thriller fantastique : « La verticale du fou ».

Les lectures et le cinéma de Stephen King, Thomas Harris, Jean-Christophe Grangé, David Lynch, Tim Burton et David Cronenberg continuent encore aujourd’hui d’inspirer l’auteur pour l’architecture de certains de ses ouvrages.

Fabio M.Mitchelli se consacre désormais à l’écriture de romans et thrillers psychologiques inspirés de faits réels. Il vit actuellement en Savoie. « Le cercle du chaos », paru aux éditions Ex-aequo en février 2013 a reçu le Prix spécial Dora-Suarez 2013. « La compassion du diable », paru aux éditions Fleur Sauvage en octobre 2014, a reçu le Prix du polar Dora-Suarez 2015, et a été finaliste du prix Saint-Maur en poche 2016. Finaliste du Prix polar « Moustiers en poche » 2016.

 

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Bibliographie :

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Tout d’abord, merci Fabio d’avoir accepté mon invitation.

D’où vient cette passion de l’écriture ?

Des bouquins dans les mains et des films plein les yeux, le gosse que j’étais passait des heures enfermé dans sa chambre à se faire peur, à essayer de s’imaginer les grandes plaines désolées et glacées du grand nord canadien, avec « Croc-Blanc », de Jack London, ou « L’appel de la forêt ». Adolescent, j’étais passionné par la littérature noire, la littérature fantastique et les films d’horreur. Edgar Alan Poe fut pour moi le révélateur de mon coeur d’écrivain (sans faire de jeu de mots!). Le cinéma m’a beaucoup influencé, tel que celui de David Lynch, ou encore Hitchcock… Dès mes quinze ans, je me suis mis à imaginer de terribles histoires, à les écrire. Et puis j’ai découvert la plume de King, la collection Gore de chez Fleuve Noir, Grangé, Lovecraft, Thomas Harris et son Hannibal Lecter, Philippe K.Dick et Maurice G.Dantec. Evidemment, je n’étais pas complètement hermétique à la littérature de Baudelaire, Sartre, ou Camus.

« La compassion du diable » roman qui t’as  révélé auprès du grand public, prend appui sur un serial killer qui a vraiment existé. Pourquoi ce choix ?

Jeffrey Dahmer et moi c’est une longue « histoire d’amour ». Je suis fasciné par ce personnage depuis plus de vingt ans, non pas par l’horreur de ses crimes, mais plutôt par la psychologie toute particulière qui animait cet homme.

Je suis fasciné par ce genre d’individus, par l’étrange mécanique qui fini par les conduire à commettre l’irréparable. Le Web regorge de documentaires, de films, ou d’articles à son sujet, c’est de cette façon que je suis entré en contact avec le « Mal ». En avril 1991 sortait sur les écrans le film « Le silence des agneaux », l’adaptation du roman de Thomas Harris et son Hannibal Lecter le cannibale. En juillet 1991, le monde entier découvrait qu’il existait vraiment. L’arrestation de Dahmer permit d’établir que celui-ci cannibalisait ses victimes…

Toujours dans « la compassion du diable », le lecteur en arrive à trouver le serial killer attendrissant. Comment un écrivain peut il arriver à un tel tour de force ?

Je ne pense pas qu’il s’agit d’un tour de force. Je raconte simplement l’histoire d’un homme qui, comme tout le monde, à été un bébé, un enfant dénué de mauvaises intentions. Et puis il y a la bascule, l’instant T, le moment où « ça » arrive. Dans « La compassion », je ne cherche pas à faire l’apologie de Dahmer, mais plutôt à démontrer que le mal possède bien des origines, qu’elles sont forcément liées à l’affect, aux émotions, aux traumatismes, que le déclencheur ne peut-être lié qu’aux rapports humains. L’éducation, l’environnement familial, l’amour qu’aura reçu -ou pas- l’enfant, restent les vecteurs principaux de ce qu’il deviendra plus tard. Je n’irai pas jusqu’à dire que le lecteur va trouver mon Blake « attendrissant », mais j’ai envie de dire qu’il va se sentir dans une situation de malaise, sortir de sa zone de confort. Car le lecteur pourrait bien éprouver de la culpabilité et se poser obligatoirement cette question: Ne sommes-nous pas responsables, nous, parents? Comment avons-nous éduqué nos enfants?

Le travail de recherche en amont d’un nouveau roman est colossal. Comment t’organises tu ? Vas tu sur place, où fais tu tes recherches sur le net ?

Non, je ne suis pas allé en Alaska, ni même au Canada, malheureusement… Je travaille essentiellement sur des bases de données journalistiques déjà existantes concernant les faits (documentaires vidéos, reportages presse, média divers, etc.), concernant les localisations géographiques j’ai souvent recours à un allié indispensable : Google Maps ! Ensuite, je travaille aussi avec des contacts locaux pour me procurer des infos plus fouillées, plus détaillées. Pour l’exemple, j’ai par exemple contacté le SPVM (service de police de la ville de Montréal) pour connaître le fonctionnement de leurs différents services. J’ai aussi une correspondante québécoise sur le réseau Facebook qui, parfois, me donne quelques précieuses informations sur le quotidien des Québécois et du Canada en général.

Comment arrives tu à t’imprégner de ces serial killer pour décortiquer leur psychologie ?

Je ne décortique pas vraiment leur psychologie, car je ne suis ni psychologue, ni psycho-criminologue. Je me base uniquement sur des faits, des diagnostics, des rapports médicaux déjà établis. Je consulte la presse spécialisée, et les articles qui ont été éventuellement consacrés au sujet que j’étudie. Depuis peu, je travaille en collaboration avec un psychothérapeute, spécialiste des troubles obsessionnels. Celui-ci m’oriente, me guide pour affiner la crédibilité du personnage de mon roman, mais aussi pour saisir les mécanismes psychologiques propres à certains tueurs en série. J’essaie juste de comprendre ce qui a pu les conduire à commettre l’irréparable, à aimer ce qu’il ont fait et à recommencer… et c’est cela qui me fascine.

As tu un rituel bien défini quand tu écris ?

Passionné par l’histoire des grands criminels du XXeme siècle, plus particulièrement américains, je fouille constamment leur histoire, leur vie. Je cherche parfois à comprendre pourquoi ils en sont arrivés là. L’idée d’écrire un nouveau roman germe alors en moi dès lors que je suis touché par un sujet de société dans lequel se retrouve impliqué (directement ou indirectement) l’un de ces individus. Je me plonge alors dans une longue et fastidieuse phase de documentation, de recherches. Ensuite je construis ma trame, je donne vie à mes personnages et leur attribue à chacun une fonction clé, ou pas. Enfin, je construis un squelette, une sorte de scénario, un storyboard qui synthétise le roman du début à la fin. Puis l’écriture me porte, et l’imaginaire qui se nourrit aussi de la réalité fait le reste…

Lorsque je suis en phase d’écriture, je travaille sans relâche, plutôt du soir au matin (parfois tôt !), mais en général, une semaine sur deux je me lève tôt pour attaquer l’écriture, de 8h30 à 14h00, pour reprendre à 16h00 jusqu’à 21h00.

Comment construis tu tes personnages ? Les enquêteurs ? Les personnages secondaires ?

Pour l’aspect réel, comme un journaliste qui se documente, qui fait des recherches sur les protagonistes d’une affaire criminelle, sur ses aspects sociaux, juridiques, psychologiques, médicaux même. Je mène mes investigations à la manière d’un enquêteur qui exhume les cold cases, traque les informations cachées ou laissées en suspens… Pour l’aspect fiction, comme un écrivain qui sollicite son imagination, plonge dans les limbes de son imaginaire. Comme un comédien qui se met dans la peau de son personnage, j’essaie de me mettre dans la peau de ceux de mes romans. Mais je soigne ma schizophrénie…

Ton dernier roman « Une forêt obscure », a été publié chez la Bête Noire des Editions Robert Laffont, qui est réputée pour être la plus brillante collection de polar contemporain. Comment en arrive t on là ?

Pour tout dire je ne sais pas ! Mais ce qui est certain, c’est que lorsque Glenn Tavennec (directeur de collection) m’a contacté en 2015 et m’a proposé de rejoindre la collection qui démarrait, je n’y ai pas cru une seconde, et j’ai même cru à un fake! Le projet qu’il m’a dépeint m’a aussitôt ravi. L’idée d’intégrer une collection dans laquelle se retrouveraient les plumes du polar contemporain, telles que celles d’Ingrid Desjours, Romain Slocombe, Claire Favan, Alexis Aubenque, m’a littéralement emballé. Mais ce qui m’a définitivement séduit, c’est le concept d’une collection dans laquelle la notion générique de polar ou de thriller, ou de roman noir, serait bannie. Une collection qui produit du noir tout simplement, du frisson, du suspense, des enquêtes, des noeuds psychologiques, de l’espionnage, du polar historique, une collection qui produit de l’émotion noire sans étiquette. Et puis, être une progéniture de la bête, j’en ai les poils qui se dressent…

Tu as proposé une playlist de musiques anxiogènes pour accompagner le lecteur durant sa lecture. Pourquoi ce choix ?

Tout d’abord parce qu’il s’agit d’un petit rituel qui accompagne mes séances d’écriture. Je travaille avec un casque qui me permet de m’isoler des bruits parasites, des bruits qui souvent me déconcentrent. J’écoute de longues plages musicales, mais plutôt des productions d’ambiances sonores assez hypnotiques, de la musique atmosphérique, telles que les créations d’Olafür Arnalds, Hammock, BvDub, Loscil, ou encore Roque Banos. Et puis il y a la playlist du roman, la musique que vont « écouter » mes personnages tout au long du récit. La musique permet de créer des atmosphères lors de l’écriture, mais aussi pendant la lecture. La musique est un alphabet, un langage universel qui peut se superposer à l’écriture, lui donner du relief et la rendre encore plus ronde, plus brillante ou davantage plus sombre…

Tu traites du sujet de la résilience dans « Une forêt obscure », qui est malheureusement un reflet de notre époque actuelle. Comment fais tu pour maîtriser un tel sujet ?

Je suis bien loin de maîtriser ce sujet! Je ne suis, encore une fois, que fasciné par cette « auto-thérapie » qui permet pour certains de se reconstruire après un drame, ou tout du moins réduire la douleur d’un traumatisme. L’acte de « revivre » le traumatisme, à en prendre pleinement conscience afin de l’atténuer ou le faire disparaître me paraissait inconcevable pour certains cas. Et puis j’ai lu « Un merveilleux malheur », entre autres, de Boris Cyrulnik, et j’ai compris ce que voulait dire « surmonter l’insurmontable ». La résilience est partout. N’avez-vous jamais vu une touffe d’herbe pousser sur un trottoir de goudron?

Quand tu as du temps pour lire, quelles sont tes titres ou tes auteurs de prédilection ?

Je n’ai pas vraiment le temps de lire quand j’écris, et puis quand l’écriture s’achève je lis ce que j’ai écris. Ensuite je réécris ce que j’ai lu, et je relis ce que j’ai réécris… oui, je sais, ça fait un peu penser au serpent qui se mord la queue. Mais lorsque les trains sont en retard, je lis parfois. Mes auteurs de prédilection resteront Dantec, Harris, Poe, K-Dick, Huxley.

Un nouveau livre est prévu pour bientôt, je crois, peux tu nous en parler ?

Heu… j’aime ta conception du temps. Bientôt ? Bon, je vous en parle mais dans le mot de la fin !

Si tu pouvais te réincarner en l’un de tes personnages ça serait dans lequel et pourquoi ?

Indéniablement cela serait Louise Beaulieu, mon héroïne canadienne de « Une forêt obscure ». Elle est tout à fait à l’image du pote que j’aimerais avoir ; un peu foldingo, borderline carrément, courageuse, dévouée pour ses amis, masculine mais juste ce qu’il faut, féminine quand il faut l’être, colérique mais jamais rancunière, déterminée, sensible et à la fois inébranlable. Mais c’est aussi parce que j’aime les personnages de fiction féminins, mais aussi les femmes de la vraie vie ! Les femmes ont ce côté intuitif, ce comportement authentique, intelligent, qui bien souvent leur permet de briller bien plus que les hommes. Elles sont mystérieuses, parfois ambiguës, mais elles ne se renient jamais…

Ta recette de cuisine pour écrire ?

– Un ordi portable bien affûté (qui ne plante pas) pour écrire partout !

– 1 gros kilo de café (du vrai, hein, celui qui te fait pousser une grosse moustache et qui te fait chanter:  » La cucaracha, la cucaracha, Ya no puede caminar; Porque no tiene, porque le falta Marijuana que fumar »)

– 1 litre de Jack Daniel’s

– 1 pincée d’imagination

– 1 cuillerée à soupe de passion

– 1 mur recouvert de photos de méchants pas beaux, de lieux effrayants, et de notes incompréhensibles…

– Pour finir, recouvrez le tout d’1 tonne de patience et d’optimisme… et laisser mijoter environ 8 à 10 mois.

Le mot de la fin est pour toi :

Merci à toi, chère Sonia pour ce rendez-vous et, à mon tour, je vais te fixer non pas un rendez-vous mais deux. J’invite également tous les lecteurs. Le salon de Boën, tout d’abord, hâte de vous y retrouver… et puis Louise Beaulieu, qui vous donne rendez-vous à tous en septembre/octobre 2017, pour la suite de « Une forêt obscure »…

 

« L’apparition des meurtriers en série est en effet inséparable de la naissance de la civilisation des loisirs. Et ce, pour une raison bien simple : il faut du temps pour tuer. Et surtout il ne faut rien avoir de mieux à faire. »

Les Racines du mal (1995) de Maurice Georges Dantec

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affiche 2017

Fabio Mitchelli sera notre tête d’affiche les 13 et 14 mai 2017 au salon du livre de Boen (entre Roanne et St Etienne)

 

 

 

 

 

 

 

 

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