Interview de Nicole GONTHIER

Présentation de l’auteur :

Fille unique de parents employés et artisans, Nicole a fait des études littéraires au lycée Edouard Herriot de Lyon de la sixième à la seconde année de classes préparatoires à l’ENS. Sous-admissible au concours d’entrée en 1969, elle choisit de continuer sa formation à l’université et s’oriente vers la discipline historique, se spécialisant ensuite dans la recherche en histoire médiévale. Titulaire du Capes et de l’Agrégation d’Histoire en 1972, elle commence une carrière de professeur d’Histoire et Géographie, d’abord à Belley (Ain) puis à Vénissieux-les Minguettes. A partir de 1981 elle intègre l’enseignement supérieur successivement à l’Université de Lyon 3 en qualité de Maître de Conférences, à l’Université de Bourgogne, en qualité de Professeur. De retour à Lyon 3 en 1992, elle y exerce comme professeur en Histoire médiévale jusqu’en septembre 2012, assumant pendant les dix dernières années, la fonction de doyen de la Faculté des Lettres et Civilisations. Elle est l’auteur de deux thèses et de nombreux ouvrages portant sur la marginalité et la délinquance dans lesquels elle analyse les critères d’exclusion ou d’intégration que propose la société de la fin du Moyen Âge et les valeurs qui fondent ces normes.

Tirant parti des sources d’archives qu’elle a lues pour ses travaux universitaires, elle a entrepris désormais de rendre familières au grand public la société et l’histoire de la ville de Lyon aux XIVe et XVe siècles à travers des romans historiques dont la trame policière s’appuie sur des faits véridiques mis au service de l’imaginaire romanesque. L’écriture fait une large place à la psychologie des personnages. Ces romans sont publiés chez Pygmalion, département des éditions Flammarion.

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Bibliographie :

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Tout d’abord, merci Nicole d’avoir accepté mon invitation.

Je vous remercie de me donner l’occasion de faire connaître mes romans.

Vous définissez vous comme écrivain, romancière ou historienne ?

Il me semble bien arrogant de se définir soi-même comme un écrivain ou un romancier. À mon avis, il faut laisser cette estimation au public des lecteurs. S’ils vous haussent à ce statut en raison du plaisir qu’ils trouvent à vous lire ou en référence à un style d’écriture qu’ils apprécient, je ne vous dissimulerai pas le bonheur qu’ils procurent à l’auteur.

Le statut d’historienne en revanche est plus aisé à revendiquer de la part d’une universitaire qui a passé toute sa vie à enseigner et à étudier l’Histoire, qui a fréquenté les archives pour reconstituer le passé dans sa plus précise vérité. Il est vrai que l’alliance des trois qualificatifs est le but recherché : faire de l’Histoire (scientifiquement, sans complaisance avec les modes ou le goût des médias pour les clichés historiques) tout en inventant un scénario palpitant, en maniant la langue avec le plus d’élégance possible…

Pourquoi avoir eu ce désir d’écrire ?

Certaines archives sont si vibrantes d’humanité que l’historien imagine forcément les personnes qui les ont produites. Pour ma part, les archives qui intéressaient mes recherches universitaires étaient tout à fait de ce type : les interrogatoires de suspects, les déclarations des témoins, les formulations des sentences criminelles, toutes les pièces judiciaires que j’avais à consulter pour mes thèses, articles, colloques sur la criminalité et l’organisation de la justice ou de la police à la fin du Moyen-Age me livraient non seulement le récit des faits divers criminels mais aussi les discours des protagonistes, dans la langue de l’époque. C’était comme promener un micro de trottoir parmi les gens des XIVe et XVe siècles ! Pourtant le genre « sérieux » des travaux universitaires rendait impossible une approche trop familière avec les personnages et interdisait une présentation passionnée des faits relatés. C’est donc à partir du moment où la retraite m’a éloignée quelque peu des normes et interdits du « métier d’historien » que j’ai pu réaliser ce projet d’une autre forme d’écriture de l’Histoire.

Lorsque vous écrivez un nouveau livre, votre but, c’est de divertir le lecteur, le faire frissonner, ou le pousser à la réflexion ?

Les trois mon général ! Je suis ravie quand certaines critiques lues sur internet indiquent que le lecteur a consulté des ouvrages complémentaires sur la période ou sur Louis XI ou s’est documenté sur tel ou tel aspect (par ex : la gravure à propos de Meurtre d’un maître drapier, la musique à propos des Chants de la mort). D’un livre à l’autre, je pense devenir plus familière des « trucs » qui alimentent le suspens d’un récit « policier » ; en revanche, je m’interdis de forcer la note sur les prétendues barbaries médiévales dont quelques auteurs de scénarii font leur fonds de commerce jusqu’à réduire cette période à une fresque fantastique peuplée de monstres odieux.

Vos livres nous réconcilient avec les cours d’histoire ! Comment trouvez-vous votre trame policière ?

Je pars toujours avec l’idée de développer un récit autour d’un type de crime particulier. Une palette m’est offerte par ma longue fréquentation des archives judiciaires et urbaines, comme je l’expliquais plus haut. Ensuite je tisse le contexte politique en choisissant des évènements marquants pour la ville de Lyon et pour le royaume (à partir des délibérations consulaires, AML) Puis j’imagine mon œil comme une caméra que je promène autour de la première scène, je pense théâtre ou cinéma plus que récit… Les personnages viennent donc prendre place, chacun porteur aussi d’un message historique car représentatif d’une réalité sociale ou politique.

Mais, en dépit du synopsis large tracé au début, les épisodes qui émaillent la trame policière peuvent naître et se modifier au cours de l’écriture, en fonction de la logique d’une scène ou du caractère d’un personnage. C’est alors que les personnages prennent un peu la main !

Il y a des romans où j’ai construit le récit à partir de la scène du crime, d’autres à partir de la scène finale…

A-t-il été difficile de vous faire publier ?

Le premier roman, Le crime de la rue de l’Aumône a été publié par Pygmalion à l’issue d’un an de présentation du manuscrit à diverses maisons d’édition parisiennes. Le directeur de cette maison, département de Flammarion, Charles Dupêchez m’a téléphoné en me demandant si je consentais à modifier selon ses conseils quelques aspects du manuscrit (trop scientifique, à l’époque !) Ainsi j’ai appris de lui les défauts à éviter et je lui en ai été très reconnaissante. Ensuite, il a accepté sans problème les manuscrits des trois livres suivants (Les Fers maudits, Meurtre d’un maître drapier, Les Chants de la mort) car j’avais compris ce qu’il fallait faire. Hélas, Monsieur Dupêchez a pris sa retraite et passé la main à une jeune femme qui a complètement changé la ligne éditoriale de la maison, me faisant comprendre que je ne convenais plus à son projet.

J’ai donc repris la quête d’un éditeur, un an durant, et ai trouvé la maison d’édition les Passionnés de bouquins, qui a l’avantage d’être une maison régionale, très proche de ses auteurs, et dont je suis très satisfaite car la facture de ce cinquième volume, Sortilège meurtrier, est fort réussie et la politique de promotion bien plus active, à ce jour, que celle de Pygmalion.

Avez-vous des projets d’écriture ?

Le volume 6 des aventures d’Arthaud est déjà écrit et paraîtra peut-être l’an prochain, si tout va bien. J’ai le projet de continuer la série, mon prévôt n’a pas encore dit son dernier mot !

Quels sont vos auteurs préférés ? Vous arrive-t- il de vous en inspirer ?

Vous serez étonnée d’apprendre que je lis fort peu de romans policier (sauf ceux d’Anne Perry qui correspondent à la restitution de l’Angleterre victorienne, encore que les derniers me paraissent moins bons car répétitifs). Bien sûr j’ai lu depuis longtemps les Agatha Christie ou les Simenon et je les sais quasiment par cœur… Mais je suis plus inspirée par les romanciers du XXe s. qui ont bercé mes études au lycée : Mauriac, Hervé Bazin, Giono, Gide qui savent si bien conduire un récit et enchaîner théâtralement les chapitres en ménageant une exaltation croissante du récit. À mon échelle, ce qui m’intéresse c’est de mener par la main le lecteur dans une découverte logique et progressive de la solution et de brosser des personnages ayant une certaine épaisseur, toutes choses que je trouve sous la plume de ces écrivains.

Si vous pouviez vous réincarner en l’un de vos personnages ça serait dans lequel et pourquoi ?

J’ai beaucoup d’affinités avec Arthaud. Sa façon de concevoir le monde, ses colères, ses déceptions et ses enthousiasmes sont un peu les miens !

Votre recette de cuisine pour écrire ?

Laisser infuser en soi un désir de récit (avant un roman, il y a cette présence obsédante d’un thème ou d’un personnage)

Un face à face avec l’ordinateur : les premiers mots, la première scène une fois lancés, continuer un peu chaque jour. Ne jamais écrire par devoir mais avec l’envie !

Relire le texte précédent pour prendre la suite.

Laisser reposer plusieurs semaines le texte terminé. Relire ensuite, plusieurs fois, et trouver des victimes consentantes pour relire et donner leurs avis.

Tenir compte de tous les avis !

Polir constamment pour éviter les tics d’écriture et les répétitions, voire pour traquer les incohérences…

Le mot de la fin est pour vous :

L’écriture reste pour moi une expérience exaltante et miraculeuse. J’ai beau vous expliquer comment cela fonctionne, le fait de produire un récit demeure un phénomène dont je ne maitrise pas toutes les composantes mystérieuses. C’est, en tout cas, un plaisir sans cesse renouvelé. Chaque publication est également un bonheur, comme la naissance d’un enfant.

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affiche 2017

Nicole Gonthier sera présente en dédicace au salon du livre de Boen (entre Roanne et St Etienne) les 13 et 14 mai 2017.

 

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