Le programme du jour, c’était « conférence à donf' » !
J’ai eu la chance que toutes les conférences qui m’intéressaient se situaient au même endroit. Du coup, j’étais prête quinze minutes avant l’ouverture, histoire d’avoir une place assise. Et elles sont chères, croyez moi ! A l’ouverture des grilles, les gens couraient pour choper leur siège. Et j’ai cavalé plus vite qu’eux et me suis retrouvée tout devant ! Ça, c’est fait !
- Rencontre avec Katherine Pancol
Alors, Katherine Pancol, c’est une longue histoire commencée avec sa série, vous savez, les crocodiles, tortues et autres écureuils. J’avais adoré, un peu moins accroché avec la suite, la trilogie des Muchachas. Quant au dernier, « Trois baisers », pas adhéré du tout, mais bon, cela n’enlève rien à la magie des premiers romans et à ma joie de rencontrer cette auteure !
« 3 baisers » de Katherine PANCOL
Katherine nous parle de son enfance au Maroc, puis en France. De ses premières lectures (« Sans famille » notamment), puis bercée par Balzac ou Hugo, sa carrière de journaliste à Paris Match et Cosmopolitain.
Elle nous raconte son premier article chez Paris Match, couvrant une collection de haute couture, ou encore l’apprentissage de la magie des mots et la quête de son style d’écriture, acquis chez Cosmo.
Elle a vécu dix ans aux Etats-Unis, où elle a fait de nombreux reportages dans le couloir de la Mort. Sa rencontre avec Louise Brooks, qui deviendra son amie, sa confidente et l’héroïne de « Embrassez-moi », est fabuleuse. Katherine raconte cela avec tellement d’émotion et de joie.
Sa phobie de l’engagement a bien failli lui coûter son début de carrière. Son anecdote sur son exil aux Etats-Unis et sur le vaste sujet des impôts français, qu’elle avait totalement zappés, et payés par son éditeur en échange de son second roman, font sourire.
Elle nous parle aussi de ses amis, les livres. Étant souvent seule, les livres se sont avérés être ses meilleurs amis (je suis pareil !).
En seconde partie de l’entretien, elle décortique ses personnages des yeux jaunes, comment elle a eu l’idée de cette histoire, et nous confie qu’au départ, il ne devait pas y avoir de suite, mais qu’elle avait envie d’avoir des nouvelles de Joséphine, ce qui l’a poussé à écrire les tortues. On s’aperçoit qu’elle vit avec ses personnages, qu’elle mélange sa vie réelle et la vie de ses personnages : elle en est même arrivée à confondre les profs de son fils avec les profs d’Hortense !
Son regret par rapport aux crocodiles ? Avoir tué Iris, ça la chagrine maintenant, avec le recul.
J’ai découvert une femme passionnée par ses livres, ses personnages, qui prend son rôle d’auteur très au sérieux, un peu trop même, puisqu’elle est totalement habitée par ses écrits. Elle a su nous transmettre cette passion. Elle s’est totalement livrée.
Lors de la dédicace, je lui ai parlé de mon ressenti de toute la série des crocodiles, ne mâchant pas mes mots sur le fait que je n’ai pas aimé « Trois baisers ». On en a discuté, je l’ai trouvée super agréable, simple (elle s’est remis du rouge à lèvres pendant la conversation, lol), passionnée et passionnante, une rencontre au top !
Catherine Pancol : « Trois baisers »
- Conférence « Vérités et fiction » avec Olivier Norek et Marc Trévidic
Ces deux auteurs nous parlent tout d’abord du déclic qui a fait qu’ils ont mis entre parenthèse leurs carrières professionnelles pour écrire.
Puis on entre dans le vif du sujet.
Marc parle de la radicalisation, du processus de casse de la personnalité pour reconstruire un parfait terroriste prêt pour le Djihad.
Olivier, sans langue de bois mais avec une pointe d’humour, nous raconte la réalité des cités, c’est à dire l’achat de la paix sociale (sujet de « Territoires »), trucage des stats visant à faire baisser les chiffres de la délinquance (dans « Code 93 »). Le maire de Bobigny en prend pour son grade, cela dit en passant….Il dresse également un état des lieux des prisons françaises (dans « Surtensions », qui ne se déroule pas dans une prison colombienne, comme on pourrait le penser).
Pour Marc, c’est un enrichissement de parler des problèmes de notre société à travers ses livres. Le lecteur entre dans le roman et peut vivre les choses et les faits. Cela a un impact bien plus fort qu’un documentaire, car le livre permet de ressentir les choses au lieu de simplement les comprendre. L’émotion ressentie au travers de la lecture est nettement plus puissante et restera dans la mémoire du lecteur. Le livre est un véhicule empathique, on traverse une histoire avec des personnages qui ont une identité. Ce qui nous sort de BFM TV et permet d’individualiser un drame et de le tatouer dans notre esprit.
Olivier revient sur « Entre deux Mondes », la Jungle de Calais et le fait que son démantèlement n’a fait qu’éparpiller les migrants sur tout le territoire français, ce qui nous fait croire qu’ils n’existent plus. Diluer le problème pour ne plus le voir….Il nous explique également le cheminement de son écriture de ce livre, par rapport à son idée originelle, totalement bouleversée après quatre heures passées dans la Jungle.
Une conférence vraiment intéressante à tous points de vue. Un état des lieux de notre société qui fait peur, là où la réalité rejoint malheureusement la fiction.
Oliver Norek : « Entre deux mondes »
Marc Trevidic : « Le magasin jaune »
« Entre deux mondes » d’Olivier NOREK
- Conférence « La force des liens familiaux » avec Virginie Grimaldi, Alexandre Jardin, Axel Kahn et Mazarine Pingeot
Mazarine Pingeot s’interroge dans son roman sur les relations mère / fille, sur la mère, la femme et la citoyenne que nous sommes toutes. Sur fond de secrets et donc de construction familiale (faut-il tout dire ou garder des secrets ?), ou encore de relations intergénérationnelles.
Selon Alexandre Jardin, la vie est une opportunité gigantesque. En effet, sa mère lui a enseigné de ne pas vivre dans la peur et d’accepter de vivre des drames et de cicatriser. « On cicatrise toujours, quoi qu’il arrive ». Il a donc décidé d’écrire sur la joie, pour contrebalancer l’époque sinistre dans laquelle on vit.
Un jour, les gens décident de vivre parce qu’ils ont lu un livre qui les a débloqués et renvoyés vers la vie.
Virginie Grimaldi, quant à elle, se situe dans la case « feel good ». L’héroïne de son nouveau livre est pétrie de peurs et ne s’autorise pas à vivre, enfermée dans sa bulle et surtout dans ses repères, si sécurisants. Virginie n’a pas l’impression d’avoir écrit sur la joie, mais plutôt sur le rapprochement mère / fille.
Elle a choisi le roman choral afin de pouvoir travailler la voix adolescente, mais également celle de la mère qui cherche le juste milieu entre le trop et le pas assez. Elle avait envie de raconter l’histoire d’une mère et de sa fille qui ne communiquent plus et qui trouvent un moyen radical pour rétablir le dialogue.
L’histoire d’Axel Kahn est touchante, puisque son père s’est suicidé en se jetant sous un train et que c’est Axel, alors âgé de 26 ans, qui a du aller reconnaître le corps, enfin plutôt ce qu’il en restait. Son père lui a laissé une lettre avant de partir. Et Axel a du attendre 47 ans pour trouver la solution. Le « soit raisonnable et humain », la modification totale du sens de sa vie. Pour faire enfin le deuil de son père, il doit le ressusciter, à travers un livre. Mais non pas en parlant de lui, mais en le faisant parler. Seule la littérature permet une telle chose.
La vision des rapports familiaux des auteurs et leurs façons de les coucher dans des livres sont passionnantes.
Mazarine Pingeot : « Magda »
Alexandre Jardin : « Ma mère avait raison »
Axel Kahn : « Jean, un homme hors du temps »
Virginie Grimaldi : « Il est grand temps de rallumer les étoiles »
- Entretien avec Colum McCann
Pour Colum McCann, le danger est essentiel pour un auteur. Il faut se préparer à l’échec car l’échec fait vivre. Il nous parle de ses propres expériences, ses échecs avec ses deux premiers livres, mais également de ses profs ou encore de son père journaliste, qui lui ont donné le gout de la lecture et de l’écriture.
Selon lui, la première phrase d’un livre doit toucher le lecteur en plein cœur. Il faut creuser longtemps pour trouver les bons mots et la bonne place pour chacun de ces mots. Dans un roman, il faut distraire, même s’il faut montrer que la vie est dure et le monde sombre. Quand il termine un livre, il a l’impression qu’il ne pourra jamais plus en écrire un autre. Un écrivain, c’est un charpentier qui va en foret pour tronçonner les arbres et il ne sait jamais à l’avance ce qu’il va en faire. L’écrivain est un explorateur, pas un touriste. C’est un athlète sédentaire qui lutte contre le syndrome de la page blanche.
Colum se livre en nous confiant l’agression dont il a été victime (il est venu en aide à une femme qui se faisait agressée dans le métro. L’agresseur a retrouvé Colum par la suite pour lui régler son compte). La dépression qui a suivi cette agression lui a fait perdre l’inspiration et il a passé des mois sans réussir à produire une seule ligne.
Souvent, une idée de roman nait avec une obsession. Il était obsédé par les SDF vivants sous New York. Il n’a eu de cesse alors de se rendre sur place, constater, voir, vivre cela pour ensuite le retranscrire dans un livre. Il se documente énormément pour chaque roman.
Il nous confie également être un grand lecteur, car, selon lui, pour bien écrire, il faut beaucoup lire, les grands maitres, mais aussi les collègues moins connus.
C’est également un écrivain engagé. Son association, « Narrative 4 », permet l’échange d’histoires entre les jeunes du monde entier : le principe est simple, vous prenez ma place et je prends la vôtre. Vous me racontez votre histoire et je vous la raconte en retour avec mes propres mots. Et vice versa. Chacun voit le monde à travers les yeux de l’autre. On transforme l’empathie en action. 25 000 échanges ont été faits cette année.
Il ne désire pas nous parler de son prochain roman, sinon, il serai obligé de nous tuer ensuite. Il traitera de la Palestine, pays dans lequel il s’est rendu 3 fois et où il a été frappé par la gentillesse de sa population. Il souhaite dresser un portrait réaliste et pertinent de la situation de ce pays.
Un échange à cœur ouvert, à âme ouverte, pour un homme touchant, sérieux, mais bourré d’humour malgré tout. Qui termine cette conférence par une chanson de chez lui, que nous avons tous repris en cœur. Une communion parfaite entre un auteur et ses lecteurs.
Colum McCann : « Lettres à un jeune auteur »
- Conférence « Femmes, debout malgré tout », avec Annick Cojean et Alexandra Lapierre
Alors, j’avoue que j’ai assisté à cette conférence par flemme de bouger, et surtout, de perdre ma place au premier rang. D’autant qu’il tombait des trombes d’eau…
Alexandra nous parle de son livre sur les conflits mère / fille dans les années folles.
Annick, journaliste, féministe, nous parle dignité de la femme, résilience, et raconte le courage des femmes à travers le monde entier et les conflits dont elles sont autant victimes que les hommes, sinon plus.
Je me suis laissée emporter par les discours de ces femmes, leurs engagements, leurs convictions.
Alexandra Lapierre : « Avec toute la colère »
Annick Cojean : « Je ne serais pas arrivée là si … »
- Conférence « Autour du voyage » avec Caryl Férey, Frédéric Couderc, Hervé Claude et Jean-Louis Etienne
Ces quatre auteurs abordent les voyages, aussi bien géographiques que temporels.
Jean-Louis Etienne nous conseille d’inventer sa vie, de ne pas lâcher une chose qu’on a envie de faire, de suivre la voix qui nous anime et nous porte.
Il n’avait pas l’intention d’écrire. Ses notes scolaires étaient, je le cite, proche du niveau de la mer. En voilà une belle expression ! Il a été marqué par Nicolas Bouvier, sa vie et son œuvre et il eu envie de faire revivre son histoire à travers les mots. Et le plaisir d’écrire et de trouver le mot juste est venu à ce moment-là.
Caryl Ferey pense que certains pays sont parfaits pour écrire des polars. Par exemple, l’Afrique du Sud qui est à la fois un paradis et un enfer. Ou encore l’Argentine, avec ces femmes qui réclament justice pour leurs maris en manifestant. Mais cela dépend également des personnes que l’on rencontre sur place.
Et son roman qui se déroule en Sibérie en est un bon exemple. Il s’est rendu dans une zone inaccessible (diplomatiquement et météorologiquement). Aucun humain à l’extérieur, la température descend à -60°C en moyenne. Les habitants vivent exclusivement à l’intérieur. Caryl y a été à la demande de son éditeur. Malgré tout, il avoue trouver son équilibre dans les déséquilibres. Pourtant il adore le soleil et la chaleur, mais il a joué le jeu, et finalement, il ne le regrette pas. Ce challenge lui a permis de se retrouver dans un ancien goulag, le trou le plus pourri du monde, Sarcelle à coté c’est Disneyland. Même au printemps, le thermomètre ne dépasse pas les -30°C, les gens vivent reclus derrière cette mer de froid.
Caryl nous a offert un moment d’anthologie, bourré d’humour et de réalisme, perso, il m’a donné envie de me jeter sur son livre, tout simplement !
Pour Hervé Claude, c’est l’Australie, sa terre de prédilection. C’est un pays très séduisant, et l’envers du décor est intéressant à traiter dans un policier. Le multiculturalisme, la drogue, les mines, l’homosexualité ou l’homophobie sont autant de thèmes à creuser. Il construit le livre comme un reportage. Il observe beaucoup les faits divers pour élaborer et nourrir ses écrits.
L’Argentine est la base des récits de Frédéric Couderc. Son témoignage est bouleversant, il nous parle dans son dernier roman des heures sombres de ce pays, avec les grands mères de la Place de Mai, le régime de Videla, et les vols de la mort. Il met des mots sur un pan terrifiant de l’Histoire du monde. Rien qu’en l’écoutant parler de tout cela, on a les tripes qui gigotent. On devient argentin, le temps de la lecture.
Quatre passionnés qui ont su nous transmettre leur gout pour les voyages. De nouveaux livres que je note précieusement également.
Caryl Ferey : « Norilsk »
Fréderic Couderc : « Aucune pierre ne brise la nuit »
Hervé Claude : « Crystal City »
Jean-Louis Etienne : « Dans mes pas »
- Rencontre avec Bernard Werber
Quand je disais hier que je n’étais pas au bout de mes surprises avec Bernard, la voilà, la surprise !! A la place d’une rencontre classique, nous sommes avec l’auteur, sans intervenant, qui commence par dompter les micros récalcitrants, et qui nous propose une séance de pleine conscience. Profiter de l’instant présent, ne pas chercher hier ni demain. Penser à notre vie, à ce que l’on veut. Et surtout, vivre pour soi et pas pour quelqu’un.
Des préceptes que l’on connait tous, mais que l’on a tendance à oublier.
Bernard a également abordé le sujet des âmes errantes, de la réincarnation, en rapport avec son dernier livre. C’était très intéressant, un voyage au fond de nous même, une introspection nécessaire pour continuer notre vie sereinement.
Une expérience que je n’oublierai pas de sitôt, j’ai adoré, un grand merci Bernard !
« Depuis l’au-delà » de Bernard WERBER
Bernard Werber : « Depuis l’au-delà »
Mon bilan : j’ai passé deux jours sur un nuage. J’ai rencontré une multitude d’auteurs, assisté à des conférences passionnantes et enrichissantes. J’ai retenu qu’il fallait profiter de la vie, que le métier d’écrivain n’était pas facile (on s’en serait douté…), que New York était une ville magnifique, et que sans passion, il n’y aurait pas d’auteurs !!!
Côté organisation du salon, le cadre était magnifique, petits bémols : mieux programmer les séances de dédicaces (matin, après-midi, une tranche horaire aurait été plus pratique…), et surtout, les libraires, arrêtez de coller des autocollants 4X3 sur nos précieux livres !!!
Sinon, la météo était pas mal….Succession de pluie torrentielle et de pics de chaleur avec un soleil cuisant. Au top, mdr.
2 réflexions sur “Salon du livre de Vannes – 9 et 10 juin 2018 – Jour 2 : 10 juin”