Bonjour à tous les passionnés de littérature. On fait un petit focus sur Montaigne aujourd’hui ? Ça vous dit ? Promis, ça sera ludique !
Figure majeure de la Renaissance intellectuelle, Montaigne a connut les guerres de religion, la violence politique et la conquête coloniale. De la contemplation de ce monde chancelant, il a écrit une œuvre universelle sur la condition humaine, dont les leçons de liberté, de sagesse et de tolérance éclairent encore aujourd’hui notre époque. Alors oui, Montaigne est un classique humaniste, mais à la modernité effarante !
Il est né en 1533, à Saint Michel de Montaigne, en Dordogne. Son vrai nom est Michel Eyquem. Il grandit dans une France profondément déchirée entre catholiques et protestants.
Après des études à Bordeaux, il rejoint le parlement de Bordeaux en 1557, où il rencontre Etienne de la Boétie, avec qui il nouera une solide amitié et qui le formera au stoïcisme. Il se marie avec Françoise de La Chassagne en 1565.
A la mort de son père, en 1568, il hérite du domaine familial et commence l’aménagement de sa librairie dans une tour du château.
L’année 1571 est un changement radical de sa vie, puisqu’il renonce définitivement à sa charge de magistrat et commence la rédaction des « Essais ». Il connait une période dépressive. La mort de son père ravive celle de son ami La Boétie. Il va écrire pendant 20 ans, son « Moi » s’y révèle de plus en plus clairement. Sa langue change également. Son siècle n’est pas seulement une époque de guerres, d’épidémies et de colonisation. C’est aussi l’aube du français moderne, il ne faut pas l’oublier ! Montaigne vit une aventure stylistique extraordinaire !
Ses « Essais » sont une confession, peindre l’homme en se peignant lui-même.
En 1581 il sera malgré lui élu maire de Bordeaux, il exercera deux mandats, jusqu’à l’épidémie de peste en 1585.
Montaigne meurt en 1592, chez lui, probablement d’une tumeur de la gorge.
Il est inhumé en l’église du couvent des Feuillants de Bordeaux.
Y a-t-il une philosophie de Montaigne ?
La question n’est pas si simple car « Les Essais » constituent une œuvre diverse et dispersée. Ce n’est pas seulement une autobiographie. On y trouve de nombreuses considérations sur la politique, l’histoire, la religion.
Montaigne est surtout considéré comme une figure du scepticisme. La raison semble impuissante à connaître et ceci malgré l’orgueil humain. Il témoigne ainsi de la crise de la Renaissance qui remet en cause les connaissances traditionnelles avant la naissance des sciences modernes. Montaigne doute et ne prétend jamais proposer de vérité assurée mais seulement un témoignage subjectif. Sa philosophie est recherche, exercice d’une raison délivrée de ses illusions. Il souligne l’arbitraire et la contingence des lois et des coutumes non pour inciter à la révolte mais pour conclure que chacun doit observer les lois de son pays.
De même chacun doit suivre la religion de son pays. Puisque Dieu est incompréhensible, seule la réalité sociale de la religion doit être prise en compte.
Il est cependant le défenseur d’une éducation moderne qui doit développer les facultés de l’enfant sans inculquer des connaissances inutiles. Il est aussi celui qui défend les indigènes et est le premier à dénoncer les carnages commis par les Espagnols dans le Nouveau Monde. Il défend la tolérance religieuse. C’est une raison critique, laïque et donc moderne qui transparaît dans « Les Essais ». Enfin Montaigne défend l’amitié et annonce la découverte de la subjectivité que théorisera Descartes.
Pourquoi Montaigne est plus que jamais d’actualité ?
Montaigne est bel et bien dans l’air du temps. L’éthique de vie que propose Montaigne n’a toujours pas pris une ride.
En effet, il nous enseigne la nécessité cardinale de prendre le temps de vivre, alors qu’aujourd’hui nous sommes pris dans les tourbillons de la vitesse et dans la servitude de l’immédiateté via le tout-numérique qui a abouti à l’écrasement du présent. Il nous incite, par-delà les siècles, à profiter, à jouir du moment présent dans sa plénitude, sans appréhension de la mort. D’une certaine manière, il rejoint là son cher Horace et son fameux «Carpe diem» : cueille le jour présent, sans te soucier du lendemain.
Montaigne précurseur du blogueur d’aujourd’hui ?
Je pense qu’à sa manière, Montaigne a été le précurseur d’un genre plus ou moins littéraire qui fait fureur à notre époque : la tenue d’un blog.
En effet, en y regardant d’un peu plus près, on peut dire que « Les Essais » ressemblent bien à cet assemblage iconoclaste et quelque peu fourre-tout de réflexions, d’articles, d’avertissements, de mises au point, de coups de gueule, d’avis variés sur de multiples sujets, tenant à la fois du journal intime, du carnet de notes et de l’autofiction.
Comme tout blogueur qui se respecte, Montaigne assène des vérités qui lui tiennent à cœur, dénonce parfois l’hypocrisie ou le manque de tenue de ses contemporains, met en avant sa propre expérience pour mieux décrire son rapport au monde, se sert de ses lectures afin d’affiner son jugement sur tout ce qui touche à la morale et à la façon de se comporter face aux grandes questions qui agitent le cœur des hommes : la mort, le courage, la guerre, l’amour.
Et pareillement au blogueur, il ne suit pas un schéma établi, il écrit au gré de son humeur et de ses envies, il va là où bon lui semble sans se soucier de cohérence ou de suivi tout au long de la rédaction de ses pensées, dans une anarchie de sujets si variés, si entremêlés, si distincts que le lecteur en perd parfois son latin.
Vu sous cet angle, ça désacralise le personnage, vous ne trouvez pas ?
Montaigne en chiffres
Montaigne vivra retiré dans sa tour pendant 10 ans, avant de parcourir l’Europe en 1580.
La première édition des « Essais » est imprimée en un millier d’exemplaires.
1300 : nombre de citations latines figurant dans « les Essais » ! Un homme instruit doit faire des citations pour prouver son érudition. Il cède au goût de ses contemporains, c’est un fait !
Il y aura 5 éditions des « Essais », dont une à titre posthume.
La librairie de Montaigne, installée dans sa tour, ne comptait pas moins d’un millier d’ouvrages, dont une centaine consacrés aux épistolaires, et la plupart reliés en vélin blanc, parchemin utilisé pour les livres de luxe, provenant d’animaux morts-nés (veau, agneau, chevreau) et se distinguant par sa blancheur et son côté lisse, sans aspérités.
Sur les solives et les poutres transversales du plafond de sa librairie, il a fait tracer au pinceau 54 sentences latines ou grecques.
Sur le plus beau trône du monde, on n’est jamais assis que sur son cul !
Chapitre « De l’expérience » (« Et au plus eslevé throne du monde, si ne sommes assis, que sus nostre cul »)
Montaigne devrait immédiatement être adopté comme père spirituel, un modèle à suivre ! Bref, s’il vivait de nos jours, il serait indispensable de s’abonner à son blog !
Que pensez-vous de cet article ? Il vous a plu ? J’espère surtout qu’il vous aura permis d’appréhender différemment cet auteur qui pourrait en rebuter plus d’un.