Titre : un quelque part entre deux gares
Auteur : Dominique Dejob
Éditeur : Ex Æquo
Nombre de pages : 168 pages
Format et prix : broché 15 € / numérique 3.99 €
Date de publication : 13 mai 2022
Genre : littérature générale
Elle la coupable, eux les victimes, c’est ce que tout le monde pensera. Lorsqu’on est mère et épouse, peut-on partir et laisser derrière soi ceux qui vous aiment ? Un beau matin, Violaine disparaît sans dire Adieu. Pour tout bagage, un sac qui contient juste de quoi survivre quelques temps. Aucun papier d’identité. La vie de ceux qui restent devient un enfer : incompréhension, culpabilité, sentiment de trahison.
Pour le mari, pas de pardon possible. Pour Perrine, l’obsession de retrouver sa mère. La vie de celle qui est partie devient une trajectoire erratique entre deux lieux, entre deux rencontres. Elle ne s’appelle plus Violaine qu’elle a abandonnée en se rebaptisant Alice. Mais peut-on se fuir soi-même comme on fuit les autres ? Peut-elle bousiller sa mémoire comme elle a détruit son téléphone portable ? Plus ses pas la portent vers un ailleurs, plus Alice doute : et si ce quelque part était l’ici qu’elle a quitté ? Lorsqu’elle trouve enfin sa réponse, elle est projetée dans un ailleurs qu’elle n’avait pas imaginé.
Lorsque Dominique m’a proposé son nouveau roman, je n’ai même pas regardé le résumé. A l’aveuglette, je suis partie découvrir cette nouvelle histoire. Violaine, épouse et mère de famille, la quarantaine bien passée, décide de tout quitter, sans aucune explication pour les siens. Un ras-le-bol général, de sa vie, de ses contraintes. Marre d’être une femme parfaite, une mère aimante, une maîtresse de maison exemplaire, une amie sur qui l’on peut compter. Un sac à dos avec quelques fringues de rechange, du liquide, et rien d’autre.
« On dit qu’il y a deux manières de régler un problème. Celle du lâche : s’enfuir, et celle du courageux : faire face. Elle appartient donc à l’espèce des veules. »
Violaine part, devient Alice, change de coupe et de couleur de cheveux, et part à l’aventure. Sur le bord du chemin, elle laisse son mari, Robin, qu’elle soupçonne d’avoir une liaison, et sa fille, Perrine…
Qui n’a jamais rêvé de faire ça ? De nombreuses fois, pour ma part, je l’avoue….Il est vrai que partir est tentant, vous ne trouvez pas ? Comme si on effaçait tout pour recommencer sur une page blanche.
Dominique nous dit très judicieusement que Violaine ne cherche pas à disparaître. Elle veut s’évader de sa vie, comme un prisonnier de sa cellule. J’ai aimé cette comparaison. Il faut savoir qu’en France, chaque année, 40 000 personnes disparaissent volontairement ! Quand même !! Ca fait un sacré paquet !
De Bordeaux à Annecy, Violaine voyage le plus souvent en train. Le bercement des wagons va laisser vagabonder ses pensées et la replonger dans ses souvenirs d’enfance, permettant au lecteur de comprendre comment elle en est arrivée là. En décortiquant ses relations avec sa mère, enfin, plutôt les carences de l’amour et de la présence maternelle, Dominique pose le doigt sur un sujet grave, profond et déterminant pour la construction de la personnalité de Violaine.
Le lecteur dispose également du point de vue des proches, Perrine devient notre narratrice pour quelques chapitres, pour que nous comprenions mieux le ressenti et les interrogations de la famille de Violaine. Pourquoi est-elle partie ? Pourquoi n’ont-ils rien vu venir ? Allait-elle si mal que cela ? Les doutes surgissent. Si c’était de la faute de l’entourage ? Quant à Violaine, tout au long de son road-trip, elle fera des rencontres significatives. Des personnes simples et bienveillantes, l’amenant à réfléchir sur son acte.
Je me suis beaucoup reconnue en Violaine, moins en Alice ; même si j’ai souhaité disparaître, je n’aurai jamais pu laisser mon mari et mes enfants sans une once d’explication. A quelque part et probablement sans forcément en être consciente, Violaine reproduit le schéma maternel, puisqu’elle abandonne sa fille. J’ai ressenti beaucoup de colère et d’incompréhension face au comportement de Katia, la mère de Violaine. Il existe pourtant des femmes ayant donné la vie et ne ressentant aucune once d’instinct maternel, mais là, j’avoue que Katia place la barre très haut !
J’ai adoré cette échange entre Mathilde et Lucas, les amis de Violaine. Je ne me suis pas du tout reconnue là-dedans, moi l’accro au portable 😉 :
-Je me demande pourquoi elle a un portable. Soit elle le perd, soit elle l’oublie, soit elle ne le consulte pas. Je pensais passer la voir lundi et c’est mardi qu’elle a répondu à mon message !
-C’est sûr qu’à toi, ça n’arriverait pas, pouffe Lucas. Ton portable, on dirait que tu es née avec, autant qu’avec tes bras et tes jambes. On te l’enlèves et tu bascules dans le handicap. Si un jour tu l’égares, fais-toi mettre en invalidité ! »
La plume de Dominique est douce, fluide. Elle m’a transportée dans un entre deux-mondes de douceur, de rêves, d’évasion, mais aussi de réalités. Un livre à glisser dans son sac lors d’un voyage en train, histoire d’être totalement raccord avec le récit. Mais un livre à lire absolument, surtout !! Si vous recherchez de l’évasion, découvrir un personnage tourmenté qui n’a pas trouvé d’autre solution que la fuite en avant pour tenter de se guérir de ses blessures d’enfance. Ce roman résonnera en vous si vous êtes mère, il donne à réfléchir sur nos relations mère-enfant.
Quant à la fin, elle est éblouissante ! J’étais loin d’imaginer cela !! Bravo ! Quelle chute !
Un roman tout en douceur, sensibilité et délicatesse que je vous conseille. Je remercie les Éditions Ex Æquo et Dominique pour cette lecture.
« Elle s’est posé tant de questions ces derniers jours ! Comment quitter quelqu’un sans lui dire adieu ? Comment le regarder naturellement lorsque l’on sait qu’on ne le reverra plus ? Quelle est la dernière image que l’on gardera de lui ? Quel est le dernier mot qu’on lui donnera ? »
#DominiqueDejob #unquelquepartentredeuxgares #ExÆquo
Ce qui m’a poussé à ouvrir ce livre : rien d’autre que le doux souvenir des précédentes lectures des romans de Dominique.
Auteur connu : retrouvez mes chroniques des deux autres romans de Dominique : « Les petits vieux dans l’arbre » et « Sur le fil ».
Émotions ressenties lors de la lecture : beaucoup d’empathie pour Violaine, de la colère et de la révolte quant au comportement de Katia, beaucoup de tristesse pour le mari de Violaine et leur fille. Les émotions étaient nombreuses et au rendez-vous, j’aime ça dans une lecture !
Ce que j’ai moins aimé : RAS
Les plus : le sujet, les différents points de vue, la thématique de l’abandon maternel et ses conséquences, la plume, la fin.

Merci infiniment pour cette chronique qui fait chaud au coeur. Tout est dit, et très bien dit.
J’aimeJ’aime