Titre : Arpenter la nuit
Auteur : Leila Mottley
Éditeur : Albin Michel
Nombre de pages : 416 pages
Formats et prix : broché 21.90 € / numérique 14.99 €
Date de publication : 17 août 2022
Genre : littérature américaine
Kiara, dix-sept ans, et son frère aîné Marcus vivotent dans un immeuble d’East Oakland. Livrés à eux-mêmes, ils ont vu leur famille fracturée par la mort et par la prison. Si Marcus rêve de faire carrière dans le rap, sa soeur se démène pour trouver du travail et payer le loyer. Mais les dettes s’accumulent et l’expulsion approche.
Un soir, ce qui commence comme un malentendu avec un inconnu devient aux yeux de Kiara le seul moyen de s’en sortir. Elle décide de vendre son corps, d’arpenter la nuit. Rien ne l’a pourtant préparée à la violence de cet univers, et surtout pas la banale arrestation va la précipiter dans un enfer qu’elle n’aurait jamais imaginé.
Premier roman.
RENTRÉE LITTÉRAIRE 2022
Kiara, notre narratrice, est une adolescente afro-américaine de 17 ans pour qui la vie est déjà bien sombre : son père est mort quand elle avait 13 ans, sa mère a tenté de se suicider et est en prison pour avoir causé accidentellement la mort de la sœur de Kiara. Kiara occupe un appartement sordide d’Oakland avec son frère aîné, Marcus, qui passe son temps à faire de la musique. Le loyer vient de doubler et Kiara ne sait plus comment joindre les deux bouts. Elle a abandonné l’école et s’est engagée dans une lutte quotidienne pour trouver du travail afin de survivre. Ses options étant terriblement limitées et la situation devenant de plus en plus critique, elle décide de se prostituer.
« Le type apparaît dans la rue comme s’il s’était matérialisé rien que pour moi, et soudain je me demande si je ne suis pas complètement inconsciente et si je ne devrais pas rentrer à la maison, mais ensuite je pense à la facture que Vernon m’a sortie. Et Tony n’est pas loin, donc ça ira. C’est rien qu’un corps. »
« Arpenter la nuit » est loin d’être une lecture facile. Elle repose sur un fait réel, un véritable crime ayant eu lieu en 2015 et impliquant la police d’Oakland. Cela rend le récit encore plus saisissant. C’est un roman sombre dans lequel Leila montre efficacement à quel point il est difficile pour les personnes marginalisées et opprimées (noires, femmes, pauvres, etc.) de s’extirper de ces situations terribles et bien souvent inhumaines.
L’histoire est presque totalement centrée sur Kiara, racontée exclusivement à partir de son point de vue. Le parcours psychologique de Kiara est bien développé. Au fur et à mesure que sa situation s’aggrave, elle commence naturellement à se dissocier de son environnement et à se replier sur elle-même. Le lecteur est totalement immergé dans sa détresse. Kiara tient sa famille à bout de bras, certes, mais elle cherche également coûte que coûte la beauté du monde, l’amour. Même dans les facettes les plus sombres de la société. Malgré sa vulnérabilité, elle ne lâche rien. Elle est doté d’une empathie exceptionnelle.
Autre personnage fort du roman, Trevor, le petit voisin de Kiara. Il a 9 ans et sa mère est très souvent absente. Kiara le prend sous son aile, elle s’occupe de lui, s’assure qu’il mange correctement et qu’il va à l’école. Leur complicité frère-sœur est très forte. Ou peut-être devrais-je dire mère-fils ? L’occasion pour Kiara de « racheter » en quelque sorte le comportement de sa propre mère envers elle ; Kiara éprouve beaucoup de colère et de ressentiment pour sa mère. Cette facette de la jeune femme est également très intéressante.
Kiara sera utilisée par des flics véreux et sans scrupules, pour lesquels Leila utilise l’anonymat avec un effet paralysant. En effet, ils sont désignés uniquement par leurs numéros de badge. Leurs noms ne seront dévoilés qu’à la toute fin. La fin, où Kiara sera confrontée à un choix éthique, sans retour en arrière possible.
La plume de Leila est puissante, maîtrisée et d’une incroyable maturité. Il faut savoir que Leila n’a que 19 ans, et qu’elle a commencé l’écriture de ce roman à 17 ans ! J’ai été totalement bluffée par son talent à me faire rentrer dans le récit et la vie de Kiara. J’ai toutefois regretté la longueur de la mise en place : l’intrigue ne prend réellement forme qu’à la moitié du livre, et c’est dans le dernier quart que l’on entre réellement dans le vif du sujet. C’est dommage et je pense que cela en rebutera plus d’un, tenté d’abandonner cette lecture en cours de route. Mais il faut persévérer et aller au bout !! La fin est terrible et juste abominable.
Malgré la pesanteur du sujet, le racisme, la pauvreté, la condition des femmes noires, la prostitution, la police corrompue, on pourrait déprimer pour bien moins que cela, Leila arrive à en faire un roman lumineux et captivant.
Un mot de la couverture, juste merveilleuse et vraiment attractive ! Lumineuse, comme le contenu. Bravo.
Je vous conseille d’ « Arpenter la nuit » avec Kiara. Le crochet par Oakland vaut le détour !
« Je crois que ce jour pourrait être celui que j’attendais. Le jour où mon frère va décider de redresser la tête et de réapprendre à tenir plus ou moins le coup dans cette vie. Le jour où il va poser sa tête sur mes genoux et me laisser le bercer. il pourrait même me prendre la main ou me demander pourquoi j’ai des bleus en travers de la poitrine. il y a des moments comme ça où j’ai l’impression d’être coincée entre la mère et l’enfant. Où j’ai l’impression d’être nulle part. »
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Ce qui m’a poussé à ouvrir ce livre : la couverture et le résumé
Auteur connu : Je découvre Leila Mottley et nul doute que je vais la suivre !
Émotions ressenties lors de la lecture : écœurée par la police, impressionnée par Kiara et sa façon de réagir, bouleversée par Trevor, agacée par Marcus, les émotions étaient nombreuses et variées.
Ce que j’ai moins aimé : trop de longueurs, surtout au début. C’est vraiment dommage.
Les plus : la plume, les personnages et leur psychologie, les thématiques abordées, la fin.
Si je suis une âme sensible : RAS
3 réflexions sur “« Arpenter la nuit » de Leila MOTTLEY”