Titre : Le commerce des allongés
Auteur : Alain Mabanckou
Éditeur : Seuil
Nombre de pages : 304 pages
Formats et prix : broché 19.50 € / numérique 13.99 €
Date de publication : 19 août 2022
Genre : littérature générale
Liwa Ekimakingaï a passé son enfance et continue d’habiter chez sa grand-mère, Mâ Lembé, car sa mère, Albertine, est morte en lui donnant la vie. Il est employé comme cuisinier à l’hôtel Victory Palace de Pointe-Noire. Et il attend de rencontrer l’amour. Un soir de 15 août où l’on fête l’indépendance du pays, il réunit ses plus beaux atours à peine achetés l’après-midi, et assez extravagants, pour aller en boîte. Au bord de la piste de danse, la belle Adeline semble inatteignable. Pourtant, elle accepte ses avances, sans toutefois se compromettre. Elle signera sa fin…
Le roman est une remontée dans la vie et les dernières heures du jeune homme, qui assiste à sa propre veillée funèbre de quatre jours et à son enterrement. Aussitôt enseveli, il ressort de sa tombe. Pour se venger ?
En toile de fond, la ville de Pointe-Noire et ses cimetières – en particulier le Cimetière des Riches, où tout le monde rêverait d’avoir une sépulture mais où les places sont très chères, et celui dit Frère-Lachaise, pour le tout-venant dont Liwa fait partie.
Dans ce grand roman social, politique et visionnaire, la lutte des classes se poursuit jusque dans le royaume des morts, où ceux-ci sont d’ailleurs étrangement vivants.
RENTRÉE LITTÉRAIRE 2022
Allez, suivez-moi, je vous emmène en promenade. On va se balader en plein cœur du cimetière Frère-Lachaise de Pointe-Noire, au Congo. On y a rendez-vous avec Liwa, qui vient de mourir. Tiens, le voilà d’ailleurs qui sort juste de sa tombe, l’occasion pour lui de découvrir les autres défunts qui l’entourent.
Quoi ? Un petit gueuleton avec des fantômes au milieu des tombes, ça ne vous tente pas ? Vous avez tord, franchement. Parce que tous les personnages qui vont croiser la route mortuaire de Liwa vaudront le détour. Le DRH de la Lyonnaise des Eaux, l’artiste, Mamba Noir le gardien du cimetière, Papa Bonheur le pasteur, Mâ Mapassa dont les jumeaux ont été empoisonnés. Chacun représente un morceau d’âme humaine.
Liwa, avec son allure bizarre et se vêtements bigarrés, décide de retourner voir sa grand-mère, Mâ Lembé, qui l’a élevé lorsque sa mère est morte. Liwa pense que sa mort est injuste et il souhaite régler ses comptes, et pourquoi pas, finalement, se venger, puisqu’il est autorisé à revenir chez les vivants malgré son statut de mort. Il déambule donc dans la ville, l’occasion pour Alain de nous faire découvrir la capitale du Congo, ses quartiers riches et ses quartiers pauvres, de nous parler corruption et lutte des classes. Le rapport avec la mort est présenté avec beaucoup de détails. La mort est considérée comme une autre vie, peut-être meilleure ; l’auteur nous parle des coutumes, de l’organisation des funérailles, avec notamment les chanteuses-danseuses-pleureuses. J’ai trouvé cela très intéressant. Découvrir une autre culture est toujours enrichissant.
« Tu revois le deuxième jour de tes funérailles. Des femmes qui chantent, qui dansent et qui pleurent tout autour de toi. Tu es sous l’emprise de leur charme, tu perds la sérénité habituelle des dépouilles. Tu contient difficilement l’envie de quitter ton lit de mort, de passer ton bras autour des reins de la plus belle de ces créatures et d’exécuter avec elle la fameuse danse des Bembés, le Muntutu. »
La partie historique avec le chapitre consacré à Kimpa Vita, la Jeanne d’Arc congolaise, est passionnante. Les femmes tiennent une place prépondérantes dans le récit d’Alain. Que ce soit la grand-mère de Liwa ou encore les femmes du Grand-Marché, avec leur organisation honnête et courageuse, avides d’aider les plus faibles et les plus pauvres.
« C’était ce qu’elles appelaient le Likelemba, un système de crédit sans taux d’intérêt fondé sur l’honneur, la parole, la confiance réciproque et une véritable amitié. »
La construction avec le « tu » a été assez déstabilisante au début. J’ai dû m’habituer au style, je l’avoue. Mais ce mode de narration permet le dialogue entre Liwa et le lecteur, et de ce fait, une totale immersion dans le récit. J’ai eu l’impression de « vivre », enfin d’être morte aux côtés de Liwa, de partir moi aussi à la découverte de son passé, entourée des chanteuses-danseuses-pleureuses. La plume de l’auteur est élégante, poétique, drôle et riche.
« Le commerce des allongés » est à la fois drôle, léger, mais aussi d’une belle profondeur. Il apporte au lecteur une bonne base pour approfondir l’histoire de ce pays. C’est ce que j’ai fait d’ailleurs, posant le roman régulièrement pour aller fureter sur internet.
Un road trip macabre faisant penser à un conte, où les personnages, qu’ils soient morts ou vivants, plongent dans leurs souvenirs, au milieu d’un pays à la fois sombre et fascinant. La couverture est juste parfaite, elle attire et Liwa est représenté tel que je me le suis imaginé tout le long de cette lecture, avec son pantalon mauve pattes d’eph et sa veste orange.
Une très belle découverte, un roman vraiment surprenant que je vous conseille.
« Tu es un morceau de bois sec emporté par le courant de tes illusions, et tu ne pourras plus éviter ce quatrième jour de tes funérailles, c’est-à-dire ton dernier jour sur terre, incontestablement le plus important car, si tu avais un mot à dire, il faudrait le prononcer là, après ce sera fini. Pour de bon… »
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Ce qui m’a poussé à ouvrir ce livre : le titre et la couverture m’ont attirée.
Auteur connu : je ne connaissais pas Alain avant cette lecture, pourtant, sa bibliographie est impressionnante, avec plus d’une cinquantaine de livres publiés (je sais je suis un boulet…) !
Émotions ressenties lors de la lecture : ce roman parle beaucoup (et essentiellement) de la mort, pourtant j’ai ressenti beaucoup de joie lors de la lecture.
Ce que j’ai moins aimé : la construction au départ, avec l’emploi du « Tu » m’a demandé un petit temps d’adaptation, mais après, c’est que du bonheur !
Les plus : la plume, les personnages, le visage de la mort et le parallèle avec la vie, les traditions.
Si je suis une âme sensible : RAS sauf si votre rapport avec la mort est vraiment compliqué.
Belle chronique qui donne envie de se jeter sur le dernier livre de cet écrivain. J’ai adoré Lumière de Pointe-Noire, que je conseille sur mon blog. J’ai aussi aimé les Lettres à Jimmie (sur James baldwin). Un de nos grands hommes véritables !
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