Titre : Prends ma main
Auteur : Dolen Perkins-Valdez
Éditeur : Seuil
Nombre de pages : 400 pages
Formats et prix : broché 22.90 € / numérique 16.99 €
Date de publication : 3 février 2023
Genre : littérature américaine
C’était en 1973, une année de droits des femmes et de bouleversements politiques, et elle venait de sortir de l’école, une nouvelle infirmière à son premier emploi dans une clinique de planification familiale à Birmingham. La clinique était financée par le gouvernement et la plupart de sa clientèle était pauvre, un fait qui était difficile : Civil avait grandi avec des privilèges dont peu d’Alabamans noirs jouissaient, et elle avait été amenée à craindre les gens qui lui ressemblaient, mais étaient pas du tout comme elle.
N’était-il pas ironique, alors, que le premier dossier qu’elle ait reçu lors de son premier jour de travail soit pour Erica et India Williams, deux filles qui vivaient dans la misère, crasseuses et analphabètes ? N’était-il pas ironique qu’on ait dit à Civil de donner à ces petites filles des injections contraceptives qui pourraient les rendre malades alors qu’elle-même portait un secret lié à la naissance?
La réticence à faire son travail a conduit à la rébellion, ce qui l’a amenée à essayer de faire une différence dans la vie des filles, de leur père et de leur grand-mère. Civil est intervenu et leur a offert de nouveaux logements, de nouveaux vêtements et de nouvelles vies. Mais elle n’a pas aidé à la fin, elle a aggravé les choses.
❤️ Alerte au coup de cœur !❤️
Un roman historique bouleversant basé sur des faits réels. Un passé honteux des États-Unis. Ségrégation raciale, stérilisation forcée. Des mots qui font froid dans le dos.
1973. Montgomery en Alabama. Civil Townsend, notre narratrice, est une jeune femme de 23 ans, venant d’obtenir son diplôme d’infirmière et trouvant un poste dans une clinique de planification familiale. Elle se voit attribuer deux patientes de couleur, deux jeunes sœurs, Erica, 13 ans, et India Williams, 11 ans. Son rôle consiste à se rendre au domicile des jeunes filles pour leur injecter un contraceptif. A 13 et 11 ans ? Sachant qu’elles n’ont pas encore leurs règles ? Je fais déjà des bonds, ce n’est que le début….La première visite de Civil chez Erica et India me donne la nausée. Elle vivent avec leur père et leur grand-mère dans un endroit insalubre au sol en terre battue. Immonde….
Civil s’investit un peu trop pour aider cette famille, bien au-delà de son rôle d’infirmière. Elle leur trouve un logement décent, cesse de faire leur injection aux deux sœurs lorsqu’elle s’aperçoit que le médicament n’est pas encore autorisé sur le marché…Il provoquerait des cancers sur les animaux de laboratoire. Mon cœur se serre…
Lorsque les sœurs sont stérilisées à leur insu, Civil monte au créneau. Cette fille de médecin, élevée pour faire le bien, nommée ainsi par ses parents pour leurs aspirations à obtenir les droits civiques des Noirs, va tout donner pour que justice soit faite. J’ai vraiment été choquée par la manière dont le centre a manipulé les sœurs et leur père pour cette stérilisation.
« D’un côté, ils restreignent notre accès à l’avortement. De l’autre, ils nous ligaturent les trompes. Ils coincent les femmes dans une situation impossible. »
Civil trouvera de l’aide en Lou Feldman, jeune avocat des droits civiques, bourré de convictions. Considéré avec suspicion au départ, car Blanc, il gagne la confiance de la communauté grâce à son dévouement, son intelligence et son efficacité. Le roman prend une tournure judiciaire avec le procès, où l’on espère que les coupables seront punis et les victimes indemnisées.
« Prends ma main » est une bombe. Il met en lumière tout un pan de la société américaine, concernant la ségrégation et la stérilisation forcée de plusieurs dizaines de milliers de jeunes filles, dans le cadre de programmes financés par le gouvernement fédéral. Bien que ces stérilisations ne sont pas explicitement motivées par l’eugénisme, elles n’en sont pas moins semblables, parce qu’elles ont été faites sans le consentement des intéressées. Alors que les droits à l’IVG sont de plus en plus menacés aux États-Unis, ce roman tombe à pic.
Il faut préciser que l’auteure s’est inspirée de faits réels, l’affaire des sœurs Relf, pour nous proposer cette fiction historique mêlant complexité morale et personnages touchants. « Prends ma main » aborde une variété de questions liées à la pauvreté, à la hiérarchie raciale, à la classe sociale et aux droits des femmes, le tout sous plusieurs angles astucieusement reliés : moraux, personnels, professionnels et gouvernementaux. Le sénateur Ted Kennedy apparaît même dans le récit, établissant un comité destiné à enquêter sur ces abus liés aux soins de santé.
Le personnage de Civil est très touchant. Elle veut tellement bien faire, aider cette famille, et en définitive, elle fera plus de mal que de bien. Se posent les questions de limites et de comportements : quand aimer devient-il étouffant ? Quand le zèle devient-il une ingérence ? Comment aider au mieux sans franchir la ligne ? Comment tendre la main juste ce qu’il faut ? La culpabilité va poursuivre Civil toute sa vie. Dolen dresse un portrait très corsé d’un personnage imparfait. Celui qui fait des erreurs et pour qui la jeunesse dessert ses actions. Nous la voyons évoluer, apprendre, nous assistons à la négociation compliquée qu’elle doit entamer avec ses parents, le fardeau de leurs attentes et le défi que représente la famille Williams. Dolen place le lecteur au premier rang pour observer et analyser les relations, les luttes de la jeune Civil avec ses amis et ses collègues.
La construction du roman est intéressante. Si la majorité du récit se déroule dans les années 70, certains passages se passent en 2016, où nous retrouvons Civil, racontant cette histoire à sa fille. Ils mettent clairement en lumière l’impact profond et durable de cette injustice, expliquant non seulement le traumatisme vécu par Erica et India, mais également le besoin viscéral de Civil d’obtenir leur pardon. Cette perspective moderne approfondit le roman, les réflexions de la Civil de 2016, plus sages et plus mûres, contrastant avec l’exubérance juvénile et la confusion de la jeune Civil des années 70.
La plume de Dolen est incisive, riche et d’une grande sensibilité. Elle parle de l’horreur de la stérilisation forcée sur les Noires vivant dans la pauvreté et sur d’autres classes jugées inaptes à se reproduire. Le lecteur en apprend beaucoup sur ce crime perpétré par le gouvernement américain et sur la façon dont cette injustice a été combattue. Des sujets extrêmement graves mais racontés de manière presque pudique.
Laissez Dolen Perkins-Valdez vous prendre par la main et vous guider dans son roman fabuleux. Un roman qui ne s’oublie pas.
« Tu sais, j’ai toujours eu foi dans la mission du Planning familial, bien avant d’avoir envie d’y travailler. Le taux de grossesse chez les jeunes femmes célibataires à Montgomery était considérable, je le savais. »
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Ce qui m’a poussé à ouvrir ce livre : j’avais vu passer ce livre sur Babélio. Le résumé me tentait beaucoup.
Auteur connu : « Prends ma main » est le troisième roman de Dolen, mais le premier traduit en français. Dommage, j’aurai bien voulu découvrir ses deux premiers….
Émotions ressenties lors de la lecture : ce roman m’a vraiment bouleversée. Mal à l’aise, j’ai ressenti beaucoup de pitié, de colère aussi, d’abattement, mais aussi de l’admiration, de la joie.
Ce que j’ai moins aimé : RAS
Les plus : que le récit soit tiré de faits réels, la plume, les personnages, le contexte historique bien détaillé, la fin.
Si je suis une âme sensible : rien de particulier.
En lisant ton résumé, cela m’a rappelé un dimanche après-midi avec les filles de Silvano et la mienne, regardant un film de faits réels d’un père qui se retrouve seul à élever ses enfants. Cela se passe aux États Unis dans les années d’après-guerre. On lui enlève les enfants, ils sont séparés, un ne supporte pas et il fait des fugues. Résultat il est enfermé en asile et on le stérilise. Enfin bref le père se bat pendant des années, sans succès. Il se marie et finit plusieurs années après à les récupérer, mais avec des séquelles énormes. Il mettra des années à force d’amour et d’efforts à permettre à ses enfants à s’en sortir. A la fin nous étions tous à pleurer. Par contre j’ai oublié le titre…..
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Histoire poignante en effet.
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