« Printemps » d’Ali SMITH

Informations :

Titre : Printemps

Auteur : Ali Smith

Éditeur : Grasset

Nombre de pages : 320 pages

Format  et prix : broché 23 € / numérique 15,99 €

Date de publication : 13 avril 2022

Genre : littérature générale

Résumé :

Le réalisateur Richard Lease a connu des jours meilleurs. Il n’est plus à la mode, et ne se remet pas de la mort de sa grande amie Paddy. Elle fut sa scénariste, son soutien et sa boussole. Ivre de chagrin, il entreprend un voyage vers le nord du pays, en dialoguant avec une enfant imaginaire, faute d’être resté en contact avec sa propre fille qu’il n’a pas vue grandir. Sa route va croiser celle de Brittany, qui travaille dans un centre de détention pour immigrants. Elle aussi est partie de Londres sans réfléchir, à la poursuite de Florence, une mystérieuse jeune fille qui a secoué l’institution pour laquelle Brittany travaille. Le printemps va-t-il permettre à ces âmes perdues de retrouver leur chemin  ?
Ali Smith poursuit sa réflexion poétique et politique sur notre époque en portant une attention particulière aux gens déplacés, en fuite ou rejetés. Sa fantaisie joyeuse infuse une narration pourtant centrée sur la misère cachée de nos sociétés contemporaines, et en faisant appel à Charlie Chaplin, Katherine Mansfield, Rilke ou encore Shakespeare, elle nous amène vers un printemps libérateur.

Mon avis :

Troisième volet du projet d’Ali Smith sur les quatre saisons. 

Chaque roman est autonome, mais de petites références sont disséminées ici et là et relient les personnages entre les romans. Il est amusant de les repérer. 

Ce nouvel opus met en scène Richard Lease, un cinéaste malheureux qui pleure la perte de son ancienne collègue et amante Patricia, surnommée Paddy. Noyé par le chagrin, il décide de quitter Londres et de partir pour un périple en train. Destination inconnue, Richard, tel le Périclès de Shakespeare, entame un voyage au bout duquel il envisage de mettre fin à ses jours. Le lecteur croise la route de Brittany (Brit pour les intimes), qui travaille dans un centre de détention pour migrants, de Florence, une fillette mystérieuse qui peut entrer librement dans des espaces interdits, et d’Alda Lyons, une bibliothécaire impliquée dans une opération secrète pour aider les immigrants détenus. Ils s’engagent tous dans un certain nombre de conversations et racontent des histoires les uns aux autres. Smith nous rappelle que nous faisons toujours partie d’un récit plus large, peu importe à quel point nous nous sentons isolés.

« Et si, dit la fillette, au lieu de dire cette frontière sépare ces endroits, on disait cette frontière unit ces endroits. Cette frontière tient ensemble ces deux endroits si différents et si intéressants. »

Richard est un personnage qui engendre de la sympathie. L’auteure dépeint avec force ce qu’il ressent après avoir subit la perte immense de Paddy. Il se retrouve isolé, il n’a pas vu sa fille depuis des années. Il en est venu à nouer des conversations fréquentes avec une version imaginaire d’elle dans son esprit, ce qui renforce encore un peu plus son sentiment d’isolement. Pourtant, tout comme le printemps apportant avec lui un regain d’espoir, Richard retrouve de l’énergie. 

La construction est intéressante dans le sens où le roman contient plusieurs histoires courtes superposées, un peu comme des nouvelles, présentant des arguments sur un sujet sociétal, permettant de croquer un instant T de notre manière de vivre.  Ali passe habilement des intrigues principales des personnages à d’autres commentaires sur la société qui se connectent à ce dont elle parle. Elle aborde le racisme, la façon dont les gouvernements gèrent les réfugiés et les migrants, la montée des médias sociaux et la disparition de la vie privée individuelle. Sans prendre de pincettes, parfois de manière austère, elle nous livre un constat sur notre société, enfin, plutôt la société britannique post-Brexit. Ali navigue entre présent et passé, tentant d’expliquer comment un événement majeur (que ce soit le Brexit ou encore l’assassinat de Michael Collins en 1922) peut avoir un impact sur l’actualité de nos jours. 

« J’ai traversé le monde pour venir chercher de l’aide ici, lui a dit un dét kurde. Et vous m’enfermez dans cette cellule. Je dors chaque nuit dans des toilettes avec quelqu’un que je ne connais pas et dont je ne partage pas la religion. » 

Nous avons également un très beau passage sur Tacita Dean, artiste contemporaine britannique, qui aime mettre la nature en avant dans ses œuvres, ou encore un clin d’œil à Charlie Chaplin. L’art est toujours présent dans cette série, ce que j’apprécie particulièrement.

La plume d’Ali est très poétique, je l’ai retrouvée avec plaisir, me laissant porter dans son printemps relativement sombre, qui m’a poussé à la réflexion. Les choix que nous faisons aujourd’hui vont-ils encore nous mener sur le chemin de l’indifférence et de la division ?  Elle utilise de longues phrases qui se construisent comme de la rhétorique politique. On reste dans le thème puisqu’à la lecture de ce roman, en France, nous étions abreuvés de discours politique, les élections présidentielles approchant à grands pas. 

Un roman fascinant que je vous conseille, attention toutefois, le style, très particulier, peut perturber. Pour ma part, j’attends « Été » avec impatience ! 

« Mars. Le mois de l’éclosion qui peut aussi être celle de la neige, le mois de la floraison de ces têtes de jonquilles aux airs de parchemin. Le mois des soldats, car ce nom vient de Mars, le dieu romain de la guerre ; en gaélique, ça veut dire hiver-printemps et en vieux saxon, le mois âpre à cause de l’âpreté de ses vents. »

Je remercie les Editions Grasset et NetGalley pour cette lecture.

#Printemps #AliSmith  #Grasset #NetGalleyFrance

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En bref :

Ce qui m’a poussé à ouvrir ce livre : j’avais lu les deux premiers tomes de cette série. Il était évident pour moi de continuer.

Auteur connu : J’ai découvert Ali Smith avec « Automne », j’ai bien adhéré au concept, j’avais enchaîné avec « Hiver ».

Émotions ressenties lors de la lecture : impressionnée et quelquefois troublée par la plume d’Ali, je me suis plongée dans ce récit avec passion, envie et curiosité.

Ce que j’ai moins aimé : RAS

Les plus : la plume et le style, indéniablement. On change carrément des sentiers battus et c’est top ! Les personnages, ensuite, criant d’authenticité et d’humanité, et pour finir, la réflexion proposée par l’auteure.

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