Informations :
Titre : un coin de ciel brûlait
Auteur : Laurent Guillaume
Éditeur : Michel Lafon
Nombre de pages : 492 pages
Format et prix : broché 19,95 € / numérique 13,99 €
Date de publication : 3 juin 2021
Genre : thriller
Résumé :
Sierra Leone, 1992. La vie de Neal Yeboah, douze ans, bascule sans prévenir dans les horreurs de la guerre civile qui ensanglante son pays : enrôlé de force dans un groupe armé, il devient un enfant-soldat.
Genève, aujourd’hui. La journaliste Tanya Rigal, du service investigation de Mediapart, se rend à une convocation de la police judiciaire suisse. L’homme avec qui elle avait rendez-vous a été retrouvé mort dans sa suite d’un palace genevois, un pic à glace planté dans l’oreille. Tanya comprendra très vite qu’elle a mis les pieds dans une affaire qui la dépasse…
Trente ans séparent ces deux histoires, pourtant, entre Freetown, Monrovia, Paris, Nice, Genève et Washington DC, le destin fracassé de Neal Yeboah va bouleverser la vie de bien des gens, celle de Tanya en particulier. C’est que le sang appelle le sang, et ceux qui l’ont fait couler en Afrique l’apprendront bientôt. À leurs dépens.
Mon avis :
Méfiez-vous de ce roman, il va vous laisser des séquelles.
Laurent nous emmène en 1992 en Sierra Leone. La guerre civile y fait rage depuis un an. Neal est un adolescent de douze ans plein de rêves, aimant lire et retrouver ses copains. Son monde bascule lorsqu’il est embrigadé de force par les rebelles de la RUF (Revolutionary United Front), le groupe armé ayant déclenché la guerre. Il va être formé et devenir un bon soldat, maniant la kalach bien mieux qu’un stylo. A la fois bourreau et victime, nous allons suivre son parcours, dans une spirale de violence. Il intégrera même une escouade d’élite, composée des plus virulents assassins de l’organisation.
De nos jours, une journaliste, Tanya Rigal est impliquée, elle aussi bien malgré elle, dans une série d’assassinats où les victimes sont retrouvées avec un pic à glace enfoncé dans l’oreille. Un meurtre net, rapide, et « propre » . Quel est le lien entre Tanya et ces meurtres ?
De nos jours toujours, le docteur James Songbono prend son nouveau poste à la prison de Frankland au Royaume-Uni, qui a la dure réputation d’accueillir les prisonniers les plus dangereux du pays. Après de nombreuses années à Médecins sans Frontières, James aspire a se poser et la médecine carcérale l’intéresse. Que cache-t-il ?
Ces trois histoires n’ont, à priori, aucun point commun, nous allons découvrir alternativement ces trois destins, qui vont, vous vous en doutez, se rejoindre à un moment donné et se télescoper.
Laurent nous propose une descente aux enfers. Il n’y a pas d’autre mots. Dès le départ, la barbarie est présente et elle nous accompagnera jusqu’à la fin. Le meurtrier au pic à glace en est presque sympathique, car il donne la mort rapidement, contrairement aux rebelles de la RUF, pour qui la torture est une seconde nature. La travail de recherches mené par Laurent est impressionnant. Chaque détail est calculé, rien n’est laissé au hasard, rendant cette lecture très dérangeante. La frontière entre la fiction et la réalité est extrêmement ténue. Le diamant est au cœur du conflit, son commerce illicite finançant en partie la guerre civile et les bains de sang qui en découlent. Croyez-moi, vous allez réfléchir en deux fois avant d’aller vous acheter un bijou avec l’une de ces pierres ! Bon, ok, le prix sera le premier frein, mais la prise de conscience insufflée par l’auteur en sera un autre, et non des moindres !
L’immersion est totale, la plume claque, elle est visuelle, riche et sans concession. L’alternance des récits impose un rythme soutenu, je n’ai pas vu défiler les pages. Un angoissant page turner, qui nous emporte au cœur de l’Afrique, dans un tourbillon de haine, de vengeance et de corruption.
La fin est à la hauteur du reste, grandiose, qui laisse sans voix. Non seulement l’auteur a une plume en or pour retranscrire toutes les émotions inhérentes au sujet qu’il maîtrise à la perfection, mais en plus, il est doté d’une imagination et d’un savoir-faire inégalable quant à la construction de son récit. J’avoue avoir été au bord du malaise à plusieurs reprises. Une lecture choc, à réserver aux amateurs et aux âmes pas trop sensibles.
« La haine de la compagnie sud-africaine s’envasait dans cet immense terrain vague parcouru par un réseau de canaux emplis d’une eau boueuse qui menait à une série de trous d’exploitation creusés avec des moyens sommaires, pelles, pioches, bâtons, et parfois à mains nues. Dans ces trous, les forçats du diamant tamisaient la boue à la recherche du caillou miraculeux qui changerait leur vie.
Mais, trop souvent, la boue n’était que de la boue. »
Je remercie BePolar et les Editions Michel Lafon pour cette lecture.
#uncoindecielbrûlait #LaurentGuillaume #MichelLafon
En bref :
Ce qui m’a poussé à ouvrir ce livre : l’auteur et le résumé. La thématique de la guerre civile en Sierra Leone est très peu, voire pas du tout, évoquée dans les romans, c’était l’occasion pour moi d’en découvrir plus. Et Laurent est l’auteur parfait pour cela, je connais sa minutie et son sens du détail.
Auteur connu : j’ai découvert Laurent avec « Mako ». Et j’ai eu la chance de le rencontrer en 2018 à Sang d’encre à Vienne.
Émotions ressenties lors de la lecture : quel effroi ! De la peur, de l’angoisse, de la sidération, et surtout, énormément de dégoût quant à l’espère humaine, une fois de plus. De la pitié et de la révolte face à ces destins brisés.
Ce que j’ai moins aimé : RAS
Les plus : la thématique, le côté journalistique du récit, la façon très complète de traiter le sujet, le rythme, les personnages, la fin.