« Ceci n’est pas un fait divers » de Philippe BESSON

 

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Titre : Ceci n’est pas un fait divers

Auteur : Philippe Besson

Éditeur : Julliard

Nombre de pages : 208 pages

Formats et prix : broché 20 € / numérique 13.99 €

Date de publication : 5 janvier 2023

Genre : littérature générale

 

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« Papa vient de tuer maman ».
Passée la sidération, deux enfants brisés vont devoir se débattre avec le chagrin, la colère, la culpabilité. Et réapprendre à vivre.
Philippe Besson s’empare d’un sujet de société qui ne cesse d’assombrir l’actualité : le féminicide. En romancier du sensible, il y apporte un éclairage singulier, adoptant le point de vue des enfants des mères tuées par leur conjoint, dont on ne parle que trop rarement. Avec pudeur et sobriété, ce roman, inspiré de faits réels, raconte la difficulté de vivre l’après, pour ces victimes invisibles.

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Quel roman !

Autour du sujet du féminicide, Philippe tisse un roman époustouflant qui ouvre le débat.

Dès les premières pages, la tension existe, l’angoisse apparaît pour ne plus faire défaut. Philippe est cash dès le début.

Notre narrateur, a 19 ans. Il vit à Paris, où il est danseur professionnel. Léa, sa petite sœur, a 13 ans. Elle vit dans la maison familiale à Blanquefort, en Gironde, avec leurs parents. Ce jour-là, Léa téléphone a son frère pour lui annoncer que « Papa a tué maman« . Comment quatre petits mots bousculent des vies entières.

« Abasourdi, assommé par la nouvelle, écrasé par elle. Il faut le reconnaître : c’était tellement énorme et tellement inattendu. »

Pierre Verdier, commandant de gendarmerie, est chargé de l’enquête. Entre les questions de Pierre et les souvenirs, le narrateur va recouper le parcours de ses parents. Cécile Morand épousera Franck Malzieu, trop jeune, trop tôt car enceinte. Franck n’a pas eu une enfance très agréable, souffrant du divorce de ses parents. On défait progressivement le fil de la vie de ce couple, on remonte le temps pour comprendre pourquoi tout a dérapé aujourd’hui, comment Cécile et Franck en sont arrivés là. Pourquoi Franck a tué Cécile.

Dans ce roman, basé sur des faits réels, le lecteur devient l’un des témoins. Les protagonistes sont comme dans une boîte, enfermés dans leur destin, et le lecteur soulève le couvercle de cette boîte et observe. Un voyeurisme quelque peu malsain mais nécessaire. Le lecteur entre dans l’intimité de cette famille. Philippe nous livre le ressenti de ces adolescents, embarqués bien malgré eux dans cet engrenage. Car ce qui est considéré comme un fait divers de plus pour tous ne l’est pas pour Léa et son frère. Ils sont des victimes collatérales, mais ils sont invisibles face au féminicide.

Philippe balaye large, parle des détails pratico-pratiques. Comment s’habiller, où vivre lorsque la maison est sous scellés ? Et lorsque ces derniers sont enfin levés, le narrateur retrouve la scène de crime telle qu’elle était, le sang, partout, la vaisselle fracassée, tout est resté en état. Vous vous imaginez nettoyer tout cela ? Le narrateur l’a fait, il a lavé le sang de sa mère sur le carrelage et les murs de la cuisine.

La plume de Philippe claque, elle est vive, évocatrice et pourtant entourée de douceur et d’une certaine réserve. La construction se fait sous l’angle du frère, le « Je » prenant tout son sens pour nous embarquer au plus profond de ce récit. Les chapitres sont courts, étouffants.

« Sur le couvercle, nous avons découvert une plaque mentionnant son nom, son prénom, l’année de sa naissance, celle de sa mort. Comme si on pouvait résumer les gens à ça, deux mots, deux nombres. Comme si ça pouvait contenir les rires, les espoirs, les étreintes, les danses, les désillusions et les peurs. »

Tout le monde connait ce décompte macabre des féminicides. En 2022, par exemple, 109 femmes ont perdu la vie sous les coups de leur compagnon ou ex-compagnon. Derrière ce fait de société, Philippe pose le doigt sur les relations mari et femme, lorsque le mari chosifie ni plus ni moins son épouse, qu’elle lui appartient, et que si jamais elle a le malheur de vouloir reprendre sa liberté, il préfère la tuer plutôt que de la laisser partir. Elle est là, la vérité. Et derrière ces chiffres, il y a des personnes, des vies dévastées qu’il faut reconstruire. Philippe en parle avec beaucoup de justesse, il essaye de comprendre comment Léa et son frère vont devoir réussir à passer par dessus la colère et la culpabilité pour reprendre une place dans la société, faire le deuil de leurs parents, mais aussi de leur monde, qui s’est écroulé.

Comment réussir à survivre à cela ? Comment tourner la page, y arrive-t-on d’ailleurs un jour ?

Ce roman m’a happée, je n’ai pas pu le lâcher avant de l’avoir terminé. Il m’a bouleversée, m’a ouvert les yeux. Je vous le conseille vraiment. Attention, il laisse des traces. Ce n’est pas une lecture tranquille. C’est une lecture nécessaire.

Un mot sur la couverture, sobre, délicate, avec ces touches colorées. La vie continue son cours, quoi qu’il advienne…

« Je l’ai dévisagé quelques instants, je n’étais plus en colère, la colère s’était subitement dissipée, je venais de comprendre que, oui, en effet, plus rien ne serait pareil, que notre vie appartenait désormais au fait divers, qu’elle relevait de la police, de la justice, que nous n’avions plus notre mot à dire. »

Je remercie les Éditions Julliard et Babélio pour cet envoi.

#Cecinestpasunfaitdivers     #PhilippeBesson    #Julliard

 

Ceci n'est pas un fait divers

 

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Ce qui m’a poussé à ouvrir ce livre : l’auteur. J’avais beaucoup aimé « Paris-Briançon« , j’avais tout naturellement envie de découvrir ce nouveau récit. Et le résumé était plus que prometteur.

Auteur connu : j’ai découvert Philippe très récemment. Il fait désormais partie de ma liste d’auteurs à suivre.

Émotions ressenties lors de la lecture : impuissance, frustration, colère, révolte, écœurement, les émotions étaient nombreuses et entières lors de cette lecture. 

Ce que j’ai moins aimé : RAS

Les plus : le sujet, la narration, la plume.

Si je suis une âme sensible : c’est un roman qui secoue, indéniablement. Les mots font mal.

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